Mettre la charrue avant les bœufs

Le 28 novembre 2012

Bienvenue dans le troisième volet de notre série sur la viande !

Aujourd'hui, on se demande si les plats à base de viande sont de bonne qualité, si manger du steak déforeste ou non l'Amazonie et enfin, si les vaches françaises se plaisent dans nos campagnes. Bonne lecture !

L’amour des Français pour la viande bovine ne date pas d’hier, en témoignent les nombreuses recettes traditionnelles : bœuf bourguignon, blanquette de veau… La France est d’ailleurs à la fois le premier producteur européen de viande de bovin et le premier consommateur avec 22,5 kg annuels par habitant en 2020. Notre pays possède également le plus gros cheptel européen avec pas moins de 18 millions de vaches (toutes vaches confondues) en 2017. En revanche, l’appellation “bœuf” est assez abusive, quand on sait qu’environ 70 % de la viande bovine produite pour la consommation nationale provient, en réalité, soit de vaches reproductrices, soit de vaches laitières dont la production de lait a trop diminué.

Dans la plupart des publicités et sur les emballages, on voit des vaches tranquilles dans leurs pâturages, mais est-ce une image d’Épinal ? Non, pas en France, où la plupart des bovins sont élevés de manière extensive dans des pâturages. Ainsi, d’après FranceAgriMer, 64 % des exploitations de vaches allaitantes possèdent entre 5 et 50 animaux. La situation se complexifie pour les exploitations laitières, où 7 % des fermes sont "zéro pâturage" selon 60 Millions de consommateurs. Quid du reste ? LundiCarotte avait mené l’enquête dans un numéro précédent consacré au lait !

Le patrimoine bovin français existe aussi via la diversité des races de vaches, en déclin depuis les années 1950, où l'agriculture s’est tournée vers les races les plus productives en termes de lait et de viande. C’est pourtant cette diversité qui nous permet de nous enorgueillir de la variété de nos fromages. Actuellement, la Charolaise (en portrait ci-dessous) domine ses concurrentes pour la production de viande, tandis que la Prim'Holstein s’impose dans la catégorie laitière.

Comme nous l'avions vu avec les cochons, la viande transformée est reconnue comme aliment cancérogène certain par l'OMS (Organisation mondiale de la santé). Par viande transformée, on entend : hot-dogs, jambon, saucisses ou encore les préparations et sauces à base de viande (eh oui, même la célèbre sauce bolo !). En pratique, manger de la viande transformée augmente légèrement le risque développer un cancer, en particulier un cancer colorectal.

Pour ce qui est de la viande rouge "classique" (comme une entrecôte), elle n'est que "potentiellement cancérogène".

La viande rouge reste néanmoins une source importante de fer et de protéines notamment. D’après le site LaViande.fr, 100g de viande rouge crue représentent environ 45% des apports journaliers en protéines et 20% des apports quotidiens en fer.

Au rayon sanitaire enfin, on ne pouvait pas ne pas mentionner la crise sanitaire de la vache folle qui a sévi dans les années 1990. Celle-ci a conduit à l’interdiction totale de l’usage de farines animales (c’est-à-dire des poudres issues du broyage des carcasses et abats d’animaux) dans l’élevage. Cependant, cette interdiction a été levée en 2013 par la Commission européenne pour l’alimentation des poissons.

Préparez-vous, on s'attaque à du costaud. Les impacts environnementaux des vaches sont à la fois multiples et complexes !

Commençons par le sujet à la mode : le soja. Sa culture prend de plus en plus d'importance dans certains pays d'Amérique du Sud, pour le plus grand malheur de la forêt amazonienne et de la biodiversité que l'on y trouve. La France aura du mal à montrer patte blanche dans ce domaine : en 2014, elle n'était rien de moins que le troisième importateur mondial de soja brésilien.

La grande majorité de ce soja est destinée à l'alimentation animale, ce qui implique que la consommation de produits animaux, dans le contexte actuel, entraîne la déforestation à l'autre bout du globe.

Chez LundiCarotte, nous étions déjà tombés sur des images d'immenses élevages bovins aux États-Unis, nourris à grand renfort de soja importé. Seulement, en France, la situation à l'air quelque peu différente : c'est l'élevage de volaille qui consomme le plus de soja (2,3 millions de tonnes en 2010), contre 1,2 million de tonnes pour l'élevage bovin.

« En France, l'élevage de volailles consomme davantage de soja brésilien que l'élevage bovin »

Une autre question se pose fréquemment lorsque l’on aborde le sujet de la viande : comment nourrir une population mondiale qui augmente ? Une question que l'on peut reformuler ainsi : comment produire des calories de la manière la plus efficace possible ? De ce point de vue-là, les bovins semblent être une piètre solution. La FAO (Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) estime en effet qu'en moyenne, il faut 11 calories d'origine végétale pour produire 1 calorie de viande de bœuf. Cela n'est pas si surprenant : si une partie de la nourriture du veau lui sert à développer ses muscles, l'autre partie lui assure tout simplement assez d'énergie pour vivre sa vie de veau.

Enfin, vous vous en doutiez, l'élevage a tout simplement un coût non négligeable en émissions de gaz à effet de serre. Les vaches sont des ruminantes, ce qui les fait roter et péter à outrance ! À tel point que près de 10 % des émissions mondiales en GES sont produites par cette fermentation entérique du bétail. Par ailleurs, comme pour les cochons, le fumier et le lisier, en se dégradant, émettent du méthane. Ce même fumier pollue sols et rivières directement et indirectement, à cause de l'utilisation de pesticides servant à faire pousser la nourriture des bestiaux.

« Que les vaches produisent autant de méthane, ça m'étonne ! - Théodore Fechner »

Cela dit, tout n’est pas noir dans le bilan environnemental de l’élevage bovin. Les ruminants contribuent notamment à l’entretien des prés et des zones herbeuses montagneuses difficilement accessibles à l’homme. En France, de nombreuses unités de méthanisation sont installées dans les exploitations agricoles afin de revaloriser le fumier et le lisier des animaux en biogaz, directement injecté dans le réseau ou converti en électricité. Une autre solution utilisée pour réduire les émissions de méthane consiste à introduire de l’huile de lin dans l’alimentation des vaches. Des chercheurs de l’INRA ont ainsi avancé le chiffre de -30 % d’émissions de méthane grâce à ce nouvel intrant. C’est sur ce concept qu’est fondé le label Bleu Blanc Cœur.

S'il fallait comparer les différents élevages entre eux, les vaches élevées pour leur viande ne sont pas les moins bien loties niveau confort quotidien : la plupart sont élevées en plein air, en élevage extensif.

En revanche, les images choc de L214 ont révélé plusieurs infractions dans certains abattoirs français : étourdissements mal exécutés, animaux abattus en pleine conscience…

Des images qui interrogent - à quoi donc ressemble un abattage réalisé sans infraction ? C'est la question à laquelle a voulu répondre l'association PEA (Pour l'égalité animale) dans une étude sur un abattoir suisse fonctionnant en circuit court, à des cadences faibles, et n'ayant commis aucune infraction à la loi. Résultat : une certaine violence se dégage tout de même du processus de mise à mort.

Le secteur de l’agriculture en France est en crise, ce n’est une surprise pour personne. Si les organismes comme l’ADEME conseillent de limiter sa consommation de viande, il est toutefois possible de le faire en soutenant les agriculteurs locaux. En somme : manger moins de viande, mais manger mieux, en adoptant un mode de consommation responsable.

D’abord, en recherchant la viande labellisée comme Label Rouge et Agriculture Biologique qui se démarquent à nouveau sur les conditions de vie des animaux. D’ailleurs, de plus en plus d’agriculteurs se tournent vers le bio afin de pouvoir revendre leur production à des prix plus élevés. Il existe d’autres labels qui visent à produire plus durablement en rémunérant de manière juste le producteur comme la Marque du Consommateur par exemple.

Une autre solution connaît de plus en plus de succès : le financement participatif. Certaines exploitations vous proposent par exemple de parrainer une vache : en soutenant financièrement l’éleveur, vous recevrez des informations fréquentes sur le troupeau, vous pourrez venir visiter l’élevage et rencontrer votre filleule !

Pour résumer, malgré le fort attachement sentimental qu’ont les Français pour elles et des conditions d’élevage plus douces que celles du poulet ou du cochon, les vaches sont les animaux d’élevage produisant le bilan écologique le plus mauvais par kilogramme de viande.

Voilà qui conclut cette série sur la viande… En apparence ! Notre série s’achèvera en fait dans deux semaines, avec un numéro qui reviendra sur les impacts de l’élevage en général et qui se penchera aussi sur le cas des animaux que vous retrouverez peut-être sur votre table de Noël.

On vous souhaite un très bon lundi !

Servane Courtaux et Paul Louyot

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