Il y a deux semaines, nous prenions l’avion pour parcourir des milliers de kilomètres avec nos lecteurs. Aujourd’hui, retour à la terre ferme où l’on s’intéresse cette fois à la dernière née des mini-moyens de transport citadins : la trottinette électrique. On en profite aussi pour souhaiter la bienvenue à élisa qui rejoint l’équipe LundiCarotte pour un service civique de 6 mois !

Comment est votre trottinette ?

Le 15 juillet 2019
Il y a deux semaines, nous prenions l’avion pour parcourir des milliers de kilomètres avec nos lecteurs. Aujourd’hui, retour à la terre ferme où l’on s’intéresse cette fois à la dernière née des mini-moyens de transport citadins : la trottinette électrique.
On en profite aussi pour souhaiter la bienvenue à élisa qui rejoint l’équipe LundiCarotte pour un service civique de 6 mois !
Vignette de l'article Comment est votre trottinette ?

Patine bien qui patinera le dernier

Si les trottinettes perturbent autant les esprits des citadins ces derniers mois, c’est que leur nombre a explosé en 2018 ! Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de douze entreprises qui proposent des “flottes” de trottinettes en libre-service dans la capitale, et encore plus dans le monde entier.
En parallèle, le marché de la trottinette électrique personnelle a aussi augmenté. D’après la Fédération des professionnels de la micromobilité (trottinettes, monocycles…), le nombre des patinettes électriques aurait bondi de 129 %, tandis que le chiffre d’affaires lié à leur vente aurait augmenté de 76 %.
Concernant les tarifs, le site Trottinette-lab a calculé que pour une utilisation quotidienne sur un trajet domicile-travail, la trottinette personnelle était rentabilisée en 6 mois seulement par rapport à celle en libre-service. Encore plus vite si on l’achète d’occasion !
« Une trottinette électrique personnelle utilisée cinq jours par semaine est rentabilisée en moins de six mois par rapport à une version en libre-service. »
Plus petite, plus rapide, plus libre, les entreprises ont adopté une stratégie cavalière qui a fait ses preuves : profiter du flou législatif pour libérer en nombre ses engins sur le territoire, bâtir une communauté d’utilisateurs fidèles pour ne se pencher qu’ensuite sur les considérations légales.
Cette frénésie de la trottinette libre-service qui gagne nos villes (Lime, chef de file du secteur, présente Paris comme l’un de ses plus gros marchés) se veut une réponse aux soubresauts réguliers de leurs homologues municipaux, comme les Vélib.
Pourtant, les petites trottinettes cachent un secret bien lourd, celui des juicers (de l’anglais juice, jus ou électricité). Ce sont les personnes qui font en sorte que les trottinettes déchargées égarées dans des endroits improbables se retrouvent alignées tous les matins sur les grands axes de circulation.
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Recharger des trottinettes électriques la nuit chez soi en échange de quelques euros, c’est le rôle des juicers – Photo detours.canal.fr
Seulement, comme pour d’autres jeunes pousses sur le modèle Uber (Deliveroo, Frich’ti…), la plupart des juicers ne sont pas salariés des gérants de trottinettes. Ils sont auto-entrepreneurs. Ce statut leur confère des conditions très précaires et les rémunérations à la clé sont dérisoires. Plus d’infos par ici.

Une trottinette toute verte

C’est l’argument numéro un des vendeurs de trottinettes électriques : elles seraient plus écolos que les moyens de transport conventionnels. Pour cette partie, nous nous sommes largement inspirés de l’étude de Matt Chester, analyste en énergie aux États-Unis, dont le travail vaut bien mieux que celui que nous aurions pu faire en quelques jours !
Les trottinettes pèsent en moyenne une vingtaine de kilos. Elles sont composées d’une batterie, d’un moteur, de roues et d’un corps (guidon, plateau, freins…). En termes d’émissions de CO2 équivalent, la batterie ne compte que pour très peu dans le total de la manufacture, en dépit des ressources épuisables utilisées. En revanche, la majeure partie des engins (qu’ils soient personnels ou en libre-service) sont fabriqués en Chine.
À l’usage et au chargement, les émissions sont également extrêmement faibles, encore plus en France où le mix énergétique émet moins de CO2 qu’aux États-Unis, grâce au nucléaire. En revanche, le bât blesse sur deux points, pour les trottinettes en libre-service :
  • Les émissions des véhicules (souvent des fourgonnettes) qui sont utilisés par les juicers pour collecter et recharger les trottinettes la nuit. Dans son étude, Matt Chester met en place plusieurs “sous-cas”, en les citant du meilleur au pire, mais il s’appuie également sur des témoignages de juicers pour faire ses estimations. Dans ce reportage de FranceInfo, on apprend que certains les rechargent avec un générateur à essence.
  • La durée de vie des trottinettes est très faible (entre un (anglais) et trois (anglais) mois) avant son remplacement. Leur espérance de vie moyenne est de moins de deux mois. Le stock est constamment réalimenté grâce au capital faramineux des entreprises. En cause, un vandalisme généralisé, en témoigne ce compte Instagram, qui recense des dizaines de photos et de vidéos de gens en train de détruire les engins.
Finalement, les performances environnementales des flottes de trottinettes à vie courte ont de quoi étonner. Nous avons constaté que les émissions de CO2 à l'utilisation sont négligeables par rapport à celles dues à la fabrication, la collecte et à la redistribution.
Une trottinette en libre-service émet 250 kg de CO2 environ pour sa fabrication et son transport. Dans un scénario à vie courte de 3 mois (hypothèse haute), elle roulera seulement 1 000 km, ce qui représente 250 kg/1 000 km = 250 gCO2/km. C'était le CalculCarotte de la semaine.
Pour rappel, si l’on garde suffisamment longtemps sa voiture (plus de 100 000 km) et que l’on conduit seul, on émet aux alentours de 200 gCO2/km. Vous l'aurez compris, tout se joue sur la durée de vie de l'engin. Les trottinettes en libre-service ne sont donc pas, pour le moment, une solution préférable aux autres moyens de transport. En revanche, elles ont pour effet de “déplacer” la pollution, qui est générée dans les pays de manufacture et pas dans ceux d’utilisation.
« À cause de leur faible durée de vie, les trottinettes électriques en libre-service ne sont pas un mode de transport durable. »
Si l’on s’oriente vers une trottinette électrique personnelle, celle-ci peut durer tant que la batterie n'est pas hors-service, à savoir jusqu'à 1 000 cycles de décharge/recharge. Avec une autonomie classique de 30 km, vous pourriez rouler avec pendant 30 000 km. Vos émissions de CO2 par kilomètre seront donc imbattables !

Y’a encore du boulot

On l’a vu, quelles que soient leurs promesses, tout le monde ne porte pas dans son cœur les trottinettes électriques.
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Une publicité du leader du secteur qui montre que le ras-le-bol citoyen a été entendu… ou pas ?
L’une des raisons principales qui poussent autant de personnes à en vouloir à ces engins est sans conteste le manque d’encadrement de leur pratique. Même la ministre des transports Élisabeth Borne parle de “loi de la jungle”. Trop rapides pour les trottoirs et même parfois les pistes cyclables, trop fragiles pour cohabiter avec les voitures, elles ne trouvent pas leur place et gênent tous les autres usagers.
Les trottinettes sont-elles également dangereuses ? Heurts avec des piétons ou des cyclistes, délits de fuite, voire collisions mortelles, les accidents de la route impliquant des trottinettes se multiplient. À San Diego, ils sont passés d’un par mois à quatre par semaine. Il n’est pas rare de voir des patineurs se faufiler à contresens avec des écouteurs ou encore à deux sur un engin.
Les entreprises qui les gèrent ont bien compris l’ampleur du problème et en jouent… sans pour autant être totalement sourdes aux institutions, sous peine de se voir purement et simplement interdire. La loi Orientation des mobilités est passée par là et édicte des règles simples qui entreront en vigueur à partir du mois de septembre.
« La pratique de la trottinette électrique en ville sera encadrée à partir de la rentrée de septembre. »
Qu’elles soient personnelles ou en libre-service, c’en est fini des trottinettes sur les trottoirs. Les enfants de moins de douze ans devront porter un casque pour les utiliser, comme sur les vélos. Leur vitesse sera bridée à 25 km/h (hors descente), histoire de ne pas surprendre les cyclistes. Avis aux trottineurs du dimanche !

Plaidoyer pour la mobilité douce

Finalement, avec ces trottinettes électriques, ne serait-on pas en train de réinventer la roue ? Voire de réinventer les pieds ?
L’interrogation principale est : toutes ces trottinettes et autres monocycles électriques ne seraient-ils pas en train de prendre le pas sur des solutions de mobilité douce comme le déplacement à pied, à vélo, en trottinette mécanique, en skate, en roller ou en caddie, bref, sans énergie électrique de propulsion ?
À Paris par exemple, seuls 35 % des ménages ont une voiture et 79 % des courses s’effectuent à pied. Si les piétons se mettaient à la trottinette, cela représenterait donc des émissions de gaz à effet de serre en pure perte, pour un gain de quelques minutes seulement.
Pire, les trottinettes accroissent la sédentarité lorsqu’elles remplacent un trajet à pied ou à vélo. Rappelons que l’OMS conseille 30 minutes d’exercice modéré par jour, ce qui peut être accompli en réalisant trois sessions de 10 minutes de marche rapide, par exemple. Le vélo permet aussi de se maintenir en forme, comme Paul peut en témoigner !

Les AstuceCarotte pour trottiner durable

  • En libre-service, préférer une marque qui ne fait pas recours à des auto-entrepreneurs mais seulement des CDI.
  • Si vous choisissez d’utiliser souvent une trottinette électrique (quasi-quotidiennement), mieux vaut vous en procurer une personnelle, potentiellement d’occasion.
  • Bichonner sa trottinette électrique en suivant ces conseils.
  • Enfiler ses plus belles chaussures pour marcher plutôt que rouler !
  • Pourquoi ne pas dénicher un beau vélo d’occasion à la prochaine bourse aux vélos !
On espère que vous avez apprécié cet article à la pointe de la modernité. Quant à nous, pour l’instant, on préfère encore se déplacer à pied, à vélo ou en transports en commun.
Servane Courtaux et Yvon Kerdoncuff
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