Ce lundi, découvrez quelques éléments clés pour comprendre les enjeux du transport des marchandises. La consommation locale est souvent un must pour amincir son bilan carbone… mais pas toujours !

Un sujet pas bateau

Le 22 janvier 2018
Ce lundi, découvrez quelques éléments clés pour comprendre les enjeux du transport des marchandises. La consommation locale est souvent un must pour amincir son bilan carbone… mais pas toujours !
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Les avantages du local

La consommation locale, c’est entre autre scruter les étiquettes des fruits et légumes au supermarché pour trouver ceux qui sont produits près dudit magasin. Selon les définitions, la limite du local se situe entre 150 et 500 kilomètres. Mais d’abord, pourquoi consommer local ? Laissez-nous vous chanter les multiples vertus de cette pratique. Déjà, il y a les avantages sociaux. L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), qui est un organisme de l’État, fait le calcul dans un de leurs rapports : acheter local = produire local, ce qui est bon pour l’économie du pays et pour la création d’emplois. La production locale a d’autres avantages, plus environnementaux : la présence de terrains agricoles retient l'expansion des villes et donc des terres bétonnées.
La production locale c’est aussi :
  • moins d’emballage. Surtout dans les circuits courts comme les marchés ou les paniers agricoles avec lesquels il n’y a pas ou peu d’intermédiaires entre le producteur et l’acheteur, les produits seront souvent transportés en vrac sans emballage ou alors avec les emballages réutilisables et réutilisés.
  • moins de frigos. Et oui, pas besoin de réfrigérer ou de congeler si c’est livré en une demi-journée. À noter que les fluides frigorigènes qui s’échappent des frigos produisent des vapeurs qui ont un effet de serre 140 à 11 700 fois plus important que le CO2.
  • moins de conservation. De manière générale, les moyens de conservation comme les conservateurs et les boîtes de conserve, qui coûtent de l’énergie à la production, sont aussi moins nécessaires dans le local. Cependant, quand les frigos ou conserves sont utilisés pour les circuits courts, ils sont souvent mis en oeuvre de manière moins efficace que par les entreprises aguerries de l’agroalimentaire, et l’empreinte carbone liée à la conservation du produit sera globalement plus élevée par unité.
  • et bien sûr, moins de carburant...mais attention, seulement si la logistique du transport est bien optimisée. Toujours selon l'ADEME, cela veut dire des véhicules qui circulent au maximum de leur remplissage autant que possible, et avec des points de distributions centralisés pour éviter de multiplier les trajets. Heureusement, c’est le cas pour les produits livrés en grandes surfaces, acheminés par des entreprises hyper efficaces. Pour les circuits courts, un point majeur d’amélioration est de rentabiliser les camionnettes qui reviennent "à vide" du marché.
« La présence de terrains agricoles retient l'expansion des villes et donc des terres bétonnées »

Par les airs, la terre et la mer

En effet, pour une même distance parcourue par une même masse transportée, les émission de CO2 d’une camionnette peuvent être jusqu’à dix fois plus important que pour un poids lourd de 32 tonnes, qui peut déplacer beaucoup plus de marchandises d’un coup. Voici une liste des émissions de CO2 par type de véhicule. Les chiffres sont arrondis et tirés d’un rapport technique (PDF) de l’ADEME.
Pour une tonne de marchandise transportée sur un kilomètre en…
  • avion : 670 à 1 200 grammes de CO2 par tonne par kilomètre, dépendamment de leur taille et de s’ils transportent ou non des passagers. Les avions sont très peu utilisés pour le transport de marchandise : moins de 1% (PDF) du transport commerçant en, vers et partant d’Europe par exemple (données de 2011).
  • train : 2 à 35 grammes de CO2 par tonne par kilomètre. 3% des produits acheminés en, vers et en partance de l’UE sont transportés par rail. En France, 80% du transport de fret par train roule à l'électricité (données de 2009, 2 grammes), contre 20% dans des trains roulant au gazole (23 à 35 grammes). Les voies électrifiées en Europe émettent plus de CO2 (11 à 17 grammes) qu’en France où l’électricité est principalement nucléaire.
  • véhicule routier : 150 à 2 000 grammes de CO2 par tonne par kilomètre. Les plus polluantes sont les camionnettes. De manière générale, plus le véhicule est gros, moins il pollue par tonne transportée. En France, un peu moins de la moitié des camions sont de gabarit moyen et émettent de ce fait environ 350 grammes par tonne par kilomètre. Le transport routier représente 17% du transport marchand d’Europe.
  • bateau : 4 à 100 grammes CO2 par tonne par kilomètre. Les moins émetteurs de CO2 sont les vraquiers (4 à 11 grammes), qui représentent presque la moitié (PDF) de la flotte maritime mondiale. Environ 80% du transport de marchandise européen est fait par bateau. Dans le monde, ce serait même 90% du transport qui est maritime ou fluvial. En clair, presque tout ce que l’on consomme et possède, les bananes, les pantalons, l’essence, les téléphones, les verres, les calendriers muraux, la farine… a été à un moment ou un autre dans la cale d’un bateau.

Surtout par la mer

Penchons-nous donc un peu plus sur ces navires. Ils ont des capacités de tonnage énormes, et naviguent sur des océans bien plats. Ainsi, une tonne transportée par mer émet en moyenne quatre fois moins que par la route, et jusqu’à plus de 500 fois moins que par transport aérien. Envoyer un conteneur par bateau de Shanghai au Havre émet environ autant que le trajet du même conteneur en camion entre Le Havre et Lyon. C’est probablement pour ça que le gouvernement français voit le transport fluvial des marchandises comme l’un des vecteurs de la transition énergétique. Ceci étant, tout n'est pas rose.
« Une tonne transportée par mer émet en moyenne quatre fois moins que par la route, et jusqu’à plus de 500 fois moins que par transport aérien »
Tout d’abord, la question sociale se pose. Comme il est difficile de faire valoir ses droits dans des eaux internationales, les marins font parties des groupes de travailleurs les plus vulnérables. Certains bateaux sont enregistrés sous des nationalités avec des droits humains moins développés. Faits marquants : 98% des marins sont des hommes et un tiers d’entre eux sont phillipins. Du côté environnement, le transport par mer représente quand même 3 à 4% des émissions de carbone mondiales. Ce chiffre pourrait grimper jusqu’à 17% en 2050 selon un rapport de l’UE, et ce à cause de l’intensification du transport mondial. Les bateaux utilisent aussi des carburants (fioul) très riches en souffre, rejetant des fumées qui acidifient les pluies et peuvent générer des maladies pulmonaires et cardiovasculaires chez les humains. Les émissions des transports maritimes sont à l’origine de 60 000 morts par an dans l’UE, et représentent un coût de 58 milliards d’euros pour les services de santé.
« Les émissions des transports maritimes sont à l’origine de 60 000 morts par an dans l’UE »
Heureusement, il y a de l’espoir dans l’air. De nouvelles législations sur le transport maritime, qui aujourd’hui est très peu régulé sur la question environnementale (pas de taxes sur les carburants par exemple), sont en cours de route. Dans certaines zones comme la mer du Nord, il est déjà interdit de circuler avec des carburants trop riches en souffre, et ce sera aussi le cas dans une dizaine d’année en mer Méditerranée. Le passage du fioul à des carburants diesel, encouragé dans certains grands ports mondiaux, a beaucoup de potentiel pour réduire les émissions d’oxyde de souffre. Des plans existent aussi pour incorporer le transport maritime au système de crédits carbone.
Quoi qu’il en soit, les bateaux sont là pour rester, et sont une option de transport très intéressante en émissions carbone.

En pratique

Premier effet de ces émissions réduites : le trajet du consommateur a un véritable impact sur l’émission totale du transport. Ah, on parle de nous ! Pour un légume qui vient d’Espagne, l’ADEME calcule qu’en moyenne le déplacement du consommateur émet 1,6 fois plus que l’importation. Prendre les transports en commun, ou encore mieux le vélo ou les pieds est donc un effort qui vaut certainement son pesant d’air. Aussi, la livraison à domicile qui effectue des trajets groupés réduit l’empreinte carbone, à condition de grouper ses achats. Attention, on parle de livraison du magasin de proximité. Les commandes internet internationales ont un bilan trés négatif quand elles sont acheminées en avion.
« Le déplacement du consommateur émet 1,6 fois plus que l’importation »
Deuxième considération : pour ce qui est des fruits et légumes, le plus important reste de manger de saison. En effet, les émissions carbone se font principalement à la production et ont un impact dominant, surtout pour la culture sous serre chauffée. Si on veut une tomate en avril par exemple, celle qui a poussé sous serre chauffée en France aura une empreinte carbone d’environ 9 (PDF) kilos de CO2 équivalents par kilo de tomates, 500 fois plus qu’une tomate de plein champ. Comparé à cela, mieux vaut opter pour une tomate qui vient de loin dans un pays où c’est la saison et transportée en bateau pour quelques centaines de grammes de CO2 équivalents.
Attention cependant à éviter l’importation par avion, qui ruine tous les bilans carbone ! Une petite liste de produits "fragiles" susceptibles d’être importés par les airs : les haricots du Kenya, les avocats, les mangues, les ananas et les asperges.
Le graal du graal bien sûr, c’est l’alimentation de saison et locale, qui évite les serres chauffées et les transports lointains. D’une pierre deux coups, encore faut-il être prêt à renoncer à la banane.
On espère que vous êtes transportés par toutes ces histoires d’acheminement. Bonne route !
Alix Dodu et Théodore Fechner
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