Le freak, c'est chic(orée) !

Le 13 septembre 2021

Comment ça va, vous ? Comme un lundi ? Eh ben pas nous. Laura D. n’a plus d’appartement, le lave-linge d’Andréa fait des siennes et tous les trains de Laura L. sont constamment supprimés. En plus, la machine à café est en panne et on est en manque de boisson amère marronâtre qui réveillerait un mort. Tiens, que voilà, un pot étiqueté en francs mentionnant “Chicorée”. Cette semaine, on dépoussière cette boisson qui sent bon le terroir et la campagne !

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L’histoire de Jack et la chicorée magique

Il était une fois la chicorée, une plante à l’aspect plutôt basique, mais dont l’histoire rocambolesque a sauvé le petit-déjeuner des Français plus d’une fois. Tout d’abord, un petit rappel en matière de botanique avant de nous emmêler les chicons, euh les chicorées, euh non les pinceaux ! Les chicorées sont des plantes herbacées appartenant au genre Cichorium, cultivées soit pour leurs feuilles (ces fameuses endives alias chicons, eh oui biloute!), soit pour leurs racines. Ces dernières appartiennent à la chicorée sauvage. C’est à partir des racines de cette dernière qu’est extraite notre fameuse chicorée à café.

Bien que l’espèce soit utilisée en Égypte depuis 4 000 av. J.-C. pour le papyrus et pour ses vertus thérapeutiques (vertus dont nous parlerons un peu plus bas), les plus vieux témoignages sur la chicorée sous forme de « café » datent de la Renaissance, en Italie du Nord. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe que la racine de chicorée deviendra un vrai substitut de café en France, suite au blocus continental imposé à la France par l’Angleterre. Les agriculteurs découvrent alors son goût particulièrement proche du café bien qu’elle soit exempte de caféine. Puis, durant les deux conflits mondiaux, le café se faisant rare, la chicorée le remplace dans les foyers français. On l'appelle par ailleurs "le café du pauvre".

Arrêté relatif à la taxation de la chicorée dans le nord de la France de 1917 - Crédit photo : Archives Pas de Calais

Au début du XXe siècle, 13 000 hectares de chicorée sauvage étaient cultivés avant que cette culture ne connaisse un effondrement dans les années 1980. La notoriété du café a gagné, de loin, le cœur des Français. Jusqu'à ce nouvel essor aujourd’hui. Nous nous sommes rendu compte de ses bienfaits sur la santé, mais aussi sur l’agriculture locale. La chicorée à café est également utilisée pour sa production d'inuline, substitut du saccharose (sucre de table utilisé comme additif par l'industrie agroalimentaire).

Cependant, la France en est le premier producteur mondial : sur notre territoire, 95 % sont produits dans les Hauts-de-France avec 180 000 tonnes de racines à destination de l’industrie sucrière. Depuis 2015, la production annuelle augmente, après un fort déclin en 2012, tandis que son rendement (le rapport entre la quantité récoltée et la quantité de semence) est toujours resté plus ou moins constant : grâce au regain d’intérêt pour cette racine et aux progrès technologiques, il y a moins de perte. En 35 ans, les rendements sont ainsi passés de 34,8 tonnes à l’hectare à près de 50 tonnes aujourd’hui.

Manger la chicorée par la racine

Avant d’arriver dans votre cuisine, la chicorée est d’abord une racine. Eh oui, pour produire cette boisson, il faut passer par plusieurs étapes.

La transformation en cossettes : les racines sont lavées et coupées en fines lamelles appelées cossettes;
Le séchage : les cossettes sont séchées à l’air libre ou au four, ce qui leur fait perdre 90 % de leur humidité;
La torréfaction : il s’agit de griller les cossettes à 150 °C, ce qui confère à la chicorée sa saveur caramélisée;
Le concassage : enfin, les cossettes sont finement concassées et conditionnées (soit en poudre, soit en grains, soit sous forme liquide) pour donner la chicorée que l’on connaît.

En grande surface, certaines marques vendent des recettes de chicorée associée à du café. Il faut donc bien regarder l’étiquette du produit si l’on souhaite consommer de la chicorée pour limiter sa dose journalière de caféine.

Les étapes de la fabrication de la chicorée - Crédit photo : ConsoGlobe

Les déchets de fabrication de la chicorée, aussi appelés drêches, sont utilisés dans l’alimentation animale. C’est là une belle valorisation des feuilles et des racines récoltées en champs.

Bienfaits et chicorée, c’est pas chicon

La racine de chicorée est conseillée en cure printanière, car elle permet de nettoyer l'organisme, grâce à ses nombreux probiotiques (les probiotiques sont des bactéries qui peuvent faire barrière aux toxines et acides dans nos intestins). La chicorée prise régulièrement et en conscience équilibre la flore intestinale en permettant aux bonnes bactéries de coloniser l'intestin.

En effet, la racine contient tout un complexe de substances (nutriments, vitamines et minéraux) essentielles à l’organisme. Tout cela lui confère des vertus médicinales et thérapeutiques lorsqu’elle est utilisée en complément alimentaire ou en infusion et non combinée à de la caféine le matin (telle la fameuse Ricoré), notamment grâce à la présence d’inuline dans sa racine, un glucide qui réduit le taux de glucose dans le sang. Comme toute plante possédant des vertus médicinales, il est bien sûr recommandé d’en parler à son médecin ou son nutritionniste avant d'en faire une cure.

L’héroïne qu’on n’attendait plus

La production de chicorée n’est pas au beau fixe. En effet, entre 2012 et 2015, elle n’a cessé de décroître, pour reprendre tout doucement en 2016 et 2017. Serait-ce à cause des conditions climatiques qui se dégradent ? Que nenni, puisque son rendement reste très stable. Si aujourd’hui elle n’est pas réclamée par les consommateurs, la chicorée pourrait se retrouver beaucoup plus souvent dans nos tasses d’ici quelques années. D’après une thèse conduite par l’Université catholique de Louvain, en Belgique, la racine de chicorée ne présente que des avantages pour résister aux prochains défis agricoles.

Il vous avait manqué ? L’instant tisane a été remplacé spécialement aujourd’hui par l’instant chicorée. Très simple, on prend une bonne boisson chaude pour se réchauffer le corps et l’esprit parce que ce qui suit n’est pas très rigolo.

Citons : “La sécheresse est l’une des contraintes environnementales majeures conduisant à une réduction de la photosynthèse, de la respiration et, par conséquent, de la croissance des plantes (...). La perte de rendement qui en découle peut menacer fortement la productivité agricole et, donc, influer sur la volatilité des prix. [...] Les experts du GIEC insistent dans leur rapport sur la possibilité qu’avec les changements climatiques à venir, la fréquence des événements extraordinaires soit accrue. La violence et l’intensité des orages estivaux pourraient donc augmenter, avec pour conséquence des chutes rapides de quantités d’eau importantes. Ceci pourrait entraîner, outre l’engorgement systématique des terrains compacts, un engorgement de certaines zones dans les champs, des dépressions locales par exemple.” (VANDOORE B., Impact de l'approvisionnement en eau sur l’absorption racinaire en relation avec les paramètres de rendement chez la chicorée à inuline, 2012, p.11-24)

« Les experts du GIEC insistent dans leur rapport sur la possibilité qu’avec les changements climatiques à venir, la fréquence des événements extraordinaires soit accrue. »

Revenons à nos racines de chicon. Il s’agit de savoir à quel point elle sera capable de survivre aux dits "événements extraordinaires”.

La racine pivotante de la cichorium intybus (on avait promis, pas de patois, mais on n’a rien dit sur le latin !) résiste bien au manque d’eau, puisqu’elle va puiser toujours plus loin sous terre;
La chicorée résiste encore mieux aux excès d’eau, car elle limite sa croissance en profondeur tout en l’étendant en largeur.

Il est fort à parier que la chicorée sera présente encore de nombreuses années au petit-déj’, voire à la pause-café !

Pour s’habituer dès maintenant, la Rédac’ vous partage ses coups de cœur en termes de chicorée ! Car de nouvelles marques émergent en dehors de Nestlé et nous sommes persuadés que le regain d'intérêt pour la chicorée passera par l’image du produit, tout comme le marketing a permis aux marques de café de cartonner depuis quelques années.

On évite dès que possible la marque historique Ricoré. En effet, elle a été créée par Nestlé, l’un des plus grands groupes agroalimentaires qui, entre deux scandales, contribue à l’épuisement des ressources en eau;
On se tourne vers une marque historique comme Leroux qui produit encore sa chicorée dans le nord de la France ;
… Ou plutôt vers des marques plus modestes qui tentent de nous faire (re)découvrir le goût de la chicorée à travers une image moderne et de qualité, comme Nourée !

Les AstucesCarottes, sans chi-chicorée

Tentez de remplacer dès que possible les boissons excitantes venues d’ailleurs, comme le thé ou le café, par de la chicorée : c’est meilleur pour la santé en plus d’être local ;
Regardez bien la recette proposée par les fabricants : certaines préparations de chicorée contiennent du café soluble ;
Et si vous l’essayiez en cuisine ?