On fête deux bonnes nouvelles cette semaine : nous avons passé le cap des 3 000 abonnés à notre newsletter, ça nous fait chaud au cœur ! Et nous avons aussi la joie d’accueillir dans l’équipe une nouvelle rédactrice en la personne de Thaïs Brunel ! Après notre série sur la viande fin 2018, LundiCarotte quitte aujourd'hui le plancher des vaches et saute dans le grand bain pour un article sur les poissons. Pour rappel, toutes les sources de cet article sont disponibles sur notre site internet.

Comme un poisson dans l'eau

Le 18 mars 2019
On fête deux bonnes nouvelles cette semaine : nous avons passé le cap des 3 000 abonnés à notre newsletter, ça nous fait chaud au cœur ! Et nous avons aussi la joie d’accueillir dans l’équipe une nouvelle rédactrice en la personne de Thaïs Brunel !
Après notre série sur la viande fin 2018, LundiCarotte quitte aujourd'hui le plancher des vaches et saute dans le grand bain pour un article sur les poissons.
Pour rappel, toutes les sources de cet article sont disponibles sur notre site internet.
Vignette de l'article Comme un poisson dans l'eau

Il est frais, mon poisson !

Ça se bouscule au rayon poissonnerie ! Les Français achetaient en 2016 en moyenne 34 kg de produits de la mer par an, qui se répartissaient en 23 kg de poisson et 11 kg de fruits de mer [1], ce qui nous place au 5e rang européen des consommateurs de produits de la mer. Les poissons du littoral français, qui font vivre 16 000 marins pêcheurs, ne suffisent pas à notre appétit gargantuesque : pas moins de 70 % de ces 34 kg sont importés. Pour rappel, notre consommation de viande avoisine les 49 kg par personne et par an.
Et il n’y a pas que nous qui sommes friands du frétillant : dans le monde, la consommation a doublé en 50 ans. Elle se concentre autour de quatre espèces : le thon, le merlu, le maquereau et la truite [2].
Pour décrire l’attachement des Français aux produits de la mer, deux graphiques issus des chiffres de FranceAgriMer :
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Le poisson frais ne représente qu’un tiers des produits de la mer consommés par les ménages. Les produits traiteurs (poisson fumé, crevettes cuites, tartinades, surimi …) représentent la plus grosse partie des achats.
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Les Français favorisent les grandes et moyennes surfaces pour acheter du poisson. Voilà qui ne plairait sans doute pas à Ordralfabétix !

Du poison dans les poissons ?

Manger tout ce poisson est-il bon pour nous ?
Sur le plan des recommandations nationales, le PNNS (Plan national nutrition santé) le plus récent préconise de manger du poisson au moins deux fois par semaine, dont une fois du poisson gras. En effet, le poisson est riche en nutriments.
Il contient, entre autres : des protéines, de la vitamine A et D, des minéraux, ainsi que des oméga-3 (un type d'acides gras essentiels pour l'organisme). Pour information, une portion de 50 g de maquereau nous fournit l’essentiel de nos besoins. Plus d'informations sur le site de passeport santé !
Le poisson est donc une source sûre et facile d’accès de certains nutriments essentiels. Pour autant, doit-on s'en gaver ? Rien n’est moins sûr. Souvenez-vous, par exemple, des œstrogènes dont on vous parlait la semaine dernière, dans notre article sur la contraception : on en retrouve des traces dans certaines espèces.
Toutes les populations de poissons ne sont pas concernées par la pollution de la même manière. En première ligne, certains poissons de rivière qui accumulent les toxines comme les PCB [3] dans leur chair : l’ANSES recommande de ne pas dépasser le seuil de deux fois par mois pour l’anguille, le barbeau, la brème, la carpe et le silure.
De manière générale, on relève dans les deux tiers des poissons des traces plus ou moins importantes de produits chimiques comme le méthylmercure, des perturbateurs endocriniens, des produits pharmaceutiques, des microplastiques, des biotoxines d’origine marine, etc.
(source : Institut marin et atmosphérique portugais)
Relativisons toutefois cette information, puisque de nombreux autres produits alimentaires sont eux aussi souvent contaminés par ces substances. Afin de diminuer son exposition, on peut varier les espèces et les lieux d’approvisionnement en se référant aux recommandations de l’ANSES.
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Le journal La Croix a compilé les recommandations de l’ANSES en un graphique
S’il est important de connaître le contenu de notre assiette, chez LundiCarotte, on aime aussi se pencher sur la manière dont les choses sont produites. En l’occurrence, il existe deux modes de production de poissons :
  • la pêche (l’exploitation des ressources dites halieutiques)
  • et la pisciculture (l'élevage de poissons)

On nous mène en bateau

La pêche est l’un des plus anciens modes d’alimentation de l'humanité. On peut en distinguer deux types : la pêche active et la pêche passive.
La pêche active consiste à laisser traîner de grands filets en forme de poche (appelés chaluts, dragues ou sennes) pour capturer les poissons. C’est une technique d’une efficacité redoutable, mais très dommageable aux écosystèmes [4].
Elle entraîne non seulement de nombreuses prises accessoires (poissons trop petits ou d’espèces différentes), mais également la détérioration des fonds marins et la destruction des habitats par les filets qui les “raclent”. Le chalutage à plus de 800 m est d’ailleurs interdit dans les eaux européennes depuis 2016.
La pêche passive, en revanche, est bien moins dévastatrice. Elle concerne notamment les techniques de pêche à la ligne et les casiers. Son impact environnemental est beaucoup plus limité. Pour en savoir plus sur les différentes techniques de pêche, on vous conseille le site guidedesespeces.org.
Si les techniques de pêche ont un énorme impact sur les écosystèmes, il en est de même pour le choix des espèces à pêcher.
« Si les techniques de pêche ont un énorme impact sur les écosystèmes, il en est de même pour le choix des espèces à pêcher. »
En effet, les espèces qui remplissent le plus souvent nos assiettes (saumon, cabillaud, thon rouge ou bar) sont victimes de surpêche au détriment de leurs collègues, comme le chinchard ou le lieu noir, encore peu connus du grand public.
Les quantités pêchées pour répondre à notre demande sont tellement importantes que le poisson n'a pas le temps de se reproduire : dans le monde, 31 % des stocks halieutiques (poisson + coquillages) sont surexploités, un chiffre qui monte jusqu’à 93 % en Méditerranée [2].
Pour faire face à cette surexploitation, de nombreux pays ont mis en place des législations visant à diminuer la pression exercée sur les espèces les plus consommées [5].
Celles-ci ne sont malheureusement pas respectées partout : la pêche illégale et non déclarée représente plus de 30 % de la pêche mondiale [2].
En outre, la réglementation d’un pays ne s’applique pas à ce qui y est importé [6].
Le bassin méditerranéen dépendant fortement (85 %) des poissons importés, il est difficile de s’assurer que le pavé de thon au beurre citronné que l’on retrouve dans notre assiette est issu d’une pêche durable.
Noyés dans toutes ces informations, quel comportement adopter pour sortir la tête de l’eau ?
  • Pour le choix des espèces et des techniques, nous conseillons le très bon guide avec code couleur du WWF.
  • De manière générale, être vigilant et lire les étiquettes ou poser des questions à son poissonnier.
  • Privilégier le poisson labellisé MSC (Marine Stewardship Council) et BIO.
  • Enfin, on peut aussi recevoir son casier de poissons issus d'un circuit court en faisant appel à l'entreprise Poiscaille.

Des poissons en cage

Si la production halieutique (qui concerne la pêche) à tendance à stagner depuis 30 ans, la production aquacole (en élevage), elle, ne fait que croître. En fait, l'humanité consomme désormais davantage de poissons issus de l'élevage que de poissons pêchés en mer ou dans l’Océan (80 millions de tonnes, contre 70 millions de tonnes). En France, l’aquaculture représentait 10 % des ventes en 2016.
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Production mondiale de poissons issus de la pêche (en orange) et de l'aquaculture (en vert). Sur les 90 millions de tonnes de la pêche, 70 millions sont destinés à l'alimentation humaine. Source : fao.org
Tandis que la surpêche menace dangereusement les stocks mondiaux de poisson, aurait-on trouvé la solution miracle avec l’aquaculture ?
La plupart des fermes à poissons se trouvent en plein Océan ; on estime que rien qu'en Europe, en 2015, un milliard d'animaux étaient élevés en cages sous-marines [7].
Ces fermes restreignent les instincts naturels des poissons, notamment pour les saumons, habitués à nager sur des kilomètres. À la manière de l’élevage intensif des poules, c’est le rendement qui est maximisé, sans tenir compte de la souffrance des animaux. Celle-ci est pourtant de plus en plus mise en avant par les études scientifiques [8].
Autre spécificité de la pisciculture : les poissons peuvent être étourdis avant d'être abattus. Le procédé est par contre inapplicable aux poissons pêchés, qui passent nécessairement par une brusque phase de décompression lors de la remontée du filet avant de suffoquer à l'air libre.
En somme, chacun de ces deux types de production présente des risques d'infliger des souffrances aux animaux, ce qui mène certains consommateurs à faire le choix de ne plus manger de poisson.
Quoi qu'il en soit, les ressources de la mer restent aujourd'hui la principale source de protéines pour, au bas mot, un milliard de personnes, qui auraient bien du mal à s'en passer [9].
Les exploitations piscicoles ont également des impacts néfastes sur l’environnement :
  • une production très concentrée de déjections de poissons [10]
  • une vulnérabilité aux maladies accrue, notamment la nécrose hématopoïétique infectieuse (NHI) qui touche particulièrement les saumons
  • une modification de la biodiversité des milieux côtiers aménagés pour l’aquaculture.
  • Notons que l’impact carbone de l’aquaculture en France est, d’après BaseCarbone, d’environ 3 kg de CO2 eq par kg de poids vif. Pour rappel, c’est 2 pour le poulet, 2,4 pour le porc et 12 pour les vaches.
Pour limiter l'impact de l'aquaculture, le WWF (Fond mondial pour la nature) recommande de se tourner vers du poisson issu d'élevages certifiés ASC (Aquaculture stewardship council) ou agriculture biologique.

Les AstuceCarottes pour garder la pêche

  • Si l'on en consomme, on peut privilégier les poissons dont les stocks ne sont pas menacés ou les méthodes de pêche peu impactantes avec le guide du WWF
  • Si l’on souhaite ne plus en consommer, on peut trouver les nutriments qu’ils contiennent ailleurs, grâce au site 1,2,3 Veggie
  • Si l’on veut en apprendre plus sur les conditions de vie des saumons d’élevage en Norvège, le documentaire “Fillet Oh Fish” (en anglais) est en ligne sur Youtube
À trois, on turbine encore plus qu’à deux ! On espère que toutes ces informations ne vous auront pas donné le mal de mer !
N'hésitez pas à nous parler de votre consommation de poissons à hello@lundicarotte.fr, et on vous dit à la semaine prochaine !

Bibliographie

[1] « Publications | FranceAgriMer - établissement national des produits de l’agriculture et de la mer ». Disponible sur: franceagrimer.fr
[2] « Consoguide poisson : consommer différemment », WWF France. Disponible sur: wwf.fr
[3] « PCB : les poissons d’eau douce menacés », FIGARO, 01-mai-2013. Disponible sur: lefigaro.fr
[4] « 5 choses à savoir sur la pêche au chalut et le chalutage en eaux profondes », LExpress.fr, 28-nov-2013. Disponible sur: lexpress.fr
[5] Anonymous, « Managing fisheries », Fisheries - European Commission, 16-sept-2016. Disponible sur: ec.europa.eu/fisheries
[6] « D’où vient le poisson que nous mangeons? » Disponible sur: 20minutes.fr
[7] « Rethink Fish | Compassion in World Farming ». Disponible sur: ciwf.org
[8] C. Brown, « Fish intelligence, sentience and ethics », Anim. Cogn., vol. 18, no 1, p. 1‑17, janv. 2015.
[9] « Océan : pour une pêche et une aquaculture durables », WWF France. Disponible sur: wwf.fr
[10] « Aquaculture », Greenpeace International. Disponible sur: greenpeace.org
Thaïs Brunel, Servane Courtaux et Paul Louyot
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