Cette semaine, la Rédac’ prolonge l’esprit des fêtes pour se consoler du départ d’Elisa en vous proposant un article sur le caviar. Du poisson à nos assiettes, nous allons retracer pour vous le chemin de ce mets délicat.

C'est pas du caviar

Le 3 février 2020
Cette semaine, la Rédac’ prolonge l’esprit des fêtes pour se consoler du départ d’Elisa en vous proposant un article sur le caviar. Du poisson à nos assiettes, nous allons retracer pour vous le chemin de ce mets délicat.
Vignette de l'article C'est pas du caviar

Un mets de luxe

Bien que l’on associe de nombreuses origines au mot caviar, le sens diverge peu, il signifie simplement “œufs de poisson”. En France, le terme ne peut être employé que pour désigner des œufs d’esturgeon, les œufs des autres poissons étant alors relégués au rang de “succédanés de caviar”. Une entorse à la règle est cependant autorisée pour le caviar d’aubergine et le citron caviar.
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Si sa chair est appréciée, c’est surtout pour ses œufs que l’esturgeon est élevé.
Le caviar est un mets de luxe associé aux fêtes, qui nous était inconnu au début du siècle dernier (vidéo). La pêche à l’esturgeon était alors pratiquée pour consommer sa chair et les œufs étaient utilisés comme appâts pour la pêche ou carrément jetés, un vrai gâchis ! Ce sont les Russes qui auraient appris aux Français à le préparer.
Pas étonnant alors que les Russes en soient toujours aujourd’hui les plus grands consommateurs. Ils sont suivis par les Américains et… les Français ! Nous en consommons 50 tonnes par an. Pourtant, 80 % des Français n’en ont jamais goûté. Sans prendre en compte que les 20 % restants n’en consomment peut-être pas régulièrement, cela revient à environ 40 g par personne et par an. C’était le CalculCarotte de la semaine ! A titre comparatif, les portions vendues en grande surface vont de 10 à 30 g.
« Les Français sont les 3e plus gros consommateurs de caviar au monde, pourtant 80 % affirment n’en avoir jamais goûté ! »
Ce qui est surprenant, c’est que la Russie ne se hisse pas dans le top 3 des pays produisant le plus de caviar, le podium étant partagé entre la Chine (80 tonnes), l’Italie (30) et la France (24), qui représentent à eux trois la moitié du marché mondial.
Avec le kilogramme aux alentours de 1 000 € et pouvant grimper jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros, on s’est demandé ce qui justifiait un tel prix. La réponse dans la suite de l’article !

Le poisson aux œufs d’or

L’esturgeon est une espèce plus vieille que les dinosaures qui est aujourd’hui en voie de disparition à cause de la surpêche qu’a entraînée la découverte du caviar, mais également de la pollution des eaux. Pour cette raison, elle est interdite à la pêche en France depuis 1998, comme dans plusieurs autres pays. Pour produire le caviar, les poissons sont désormais élevés.
Les poissons grandissent dans des étangs ou dans des bassins hors sol. Jusqu’à leur trois ans (vidéo) ils sont tous mélangés, puis les éleveurs sont à même de différencier les mâles des femelles. Les premiers seront élevés pour leur chair ou à des fins de reproduction. Les femelles produisent leurs premiers œufs entre 8 et 20 ans en fonction des espèces, ils représenteront jusqu’à 10 % de leur masse corporelle ! Quand elles arrivent à l'âge de la maturité sexuelle, elles subissent une échographie et une biopsie pour vérifier la présence et la qualité des œufs.
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De couleur verdâtre à noire, le caviar n’a pas forcément un aspect très appétissant.
Si les œufs sont matures, plusieurs choix se présentent pour les récupérer. Traditionnellement, le poisson est tué (vidéo), son abdomen ouvert sur toute la longueur et les sacs ovariens contenant les œufs retirés. Depuis quelques années, une technique évitant la mort du poisson et lui permettant de produire des œufs à plusieurs reprises est en cours d’expérimentation. On pratique alors une petite incision sur l’abdomen du poisson, par laquelle on fait sortir les œufs. Cette technique est critiquée, car les qualités gustatives du caviar en seraient altérées.
« Pour récupérer les œufs, le poisson est généralement tué. Une femelle esturgeon ne produit donc des œufs qu’une fois dans sa vie. »
Les œufs sont passés au tamis pour les séparer des sacs ovariens, puis ils sont rincés, salés (vidéo) et mis en boîte. Selon l’espèce d’esturgeon, le caviar ainsi obtenu possède des caractéristiques gustatives différentes, ce qui conduit également à des différences de prix.
Toutes ces étapes sont réalisées à la main, car les œufs sont fragiles, et quand on ajoute à cela la durée d’élevage des esturgeons, le prix élevé de cette denrée s’en trouve justifié.

Le caviar coûte cher à la planète (aussi)

Nous voilà prêts à nous lancer dans la production de caviar, penchons-nous à présent sur les impacts de la pisciculture. Sans caviarder - censurer l’article.
On vous en parlait dans notre opus sur les poissons : entre la forte concentration des déjections et la vulnérabilité aux maladies due à la densité de poissons, les esturgeons sont mal lotis !
Pour limiter les épidémies, certains pisciculteurs traitent les bassins à l’aide de produits chimiques et antibiotiques, qui peuvent être toxiques pour l’environnement s’ils y sont relâchés directement.
Les esturgeons peuvent être élevés dans des étangs aménagés, ce qui modifie la biodiversité, ou dans des bassins hors sol, ce qui entraîne une consommation énergétique pour renouveler l’eau, adapter la température ou injecter de l’oxygène. Si nous n’avons pas trouvé d’informations concernant la consommation énergétique des élevages d’esturgeons, nous avons en revanche trouvé les chiffres pour des élevages de saumons et de poisson-chat : environ 30 kWh (anglais) par kg de poisson élevé, soit la consommation annuelle d’une cafetière. Dans le cas des esturgeons, il faut prendre en compte le fait qu’ils sont élevés pendant plus longtemps.
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Un élevage d’esturgeon en étangs aménagés dans les Pyrénées. Source : Caviar des Pyrénées.
Les esturgeons sont des poissons carnivores qui, en élevage, sont nourris avec des petits poissons et crustacés sauvages pêchés (sardines, anchois, crevettes). Il faut sur toute leur durée de vie 1 à 3 kg de poisson sauvage pour élever 1 kg de poissons carnivores, selon les espèces. En prenant en considération que les esturgeons sont élevés pendant plus longtemps, cela pourrait faire augmenter ce chiffre.
« Il faut au total 1 à 3 kg de poisson sauvage pour élever 1 kg de poisson carnivore comme l’esturgeon. »
Les sardines et les anchois sont menacés dans certaines zones et constituent l’alimentation de plus gros poissons, comme le thon rouge (menacé). L’aquaculture ne préserve donc pas toujours les stocks de poissons sauvages.
Voyons un côté positif à tout cela : l’élevage d’esturgeons permet la perpétuation de l’espèce et il est parfois associé à la réintroduction d’alevins (vidéo) - jeunes poissons - dans leur milieu naturel.

Le caviar autrement

  • AquaRéa : certaines exploitations piscicoles tentent de limiter leur impact sur l’environnement. C’est le cas du Caviar de Neuvic et de Sturia, certifiés AquaRéa (Aquaculture Responsable de l’Environnement en Aquitaine). Le premier s’engage à installer des panneaux photovoltaïques pour produire son énergie et alimente les femelles en 100 % bio. Le produit est 3 à 4 fois plus cher que les caviars disponibles en grande surface.
  • Caviar with life : nos voisins suisses ont réussi à produire du caviar sans tuer les esturgeons. La marque Kasperskian commercialise du Caviar with life , qui veille à son impact sur l’environnement : panneaux solaires et poissons non traités aux antibiotiques, la mortalité y est très basse. Cependant, tout cela a un prix : la boite de 20 g coûte près de 80 €, soit quatre fois le prix des produits de grande surface.
  • Caviar végétal : il est notamment composé d’algues, qui imitent le goût iodé du caviar.
  • Les autres œufs de poisson : pour ne pas rallonger l’article, nous vous avons concocté un comparatif des différents œufs de poisson.
  • Ne pas manger de caviar : cela reste la solution la plus simple. Pour ceux qui ne ressentent pas l’envie de consommer du caviar, il existe de nombreux autres mets festifs moins coûteux !

Les AstuceCarotte pour du caviar durable :

  • Bien que ce ne soit pas le mets le plus consommé en termes de quantité, si l’on a l’habitude d’en acheter durant la période de fête, on peut choisir de diminuer les quantités, quitte à miser sur des caviars plus onéreux certifiés respectueux de la planète.
  • Pour les budgets moyens qui veulent tout de même s’offrir ce plaisir iodé, pourquoi ne pas se tourner vers les œufs de truite (vidéo) ? Ceux-ci n’impliquent pas la mort de l’animal et les temps d’élevage sont bien plus courts, ce qui peut limiter l’impact environnemental.
  • Tester le caviar végétal aux algues. Garance est très curieuse de goûter cette alternative.
C’est à la suite du visionnage d’un documentaire sur le caviar que Garance a eu l’envie de vous proposer un article sur ce sujet atypique. Pour ceux qui, comme elle, apprécient ces contenus cinématographiques, plusieurs sont mentionnés dans l’article, avec la mention “vidéo”.
Garance Régimbeau
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