Ah … le fromage ! Ce n’est pas du tout la saison de la raclette, mais le mot nous fait tout de même saliver. Direction la ferme et le rayon fromage du supermarché pour une analyse onctueuse.

Un trou dans la meule

Le 22 juillet 2019
Ah … le fromage ! Ce n’est pas du tout la saison de la raclette, mais le mot nous fait tout de même saliver. Direction la ferme et le rayon fromage du supermarché pour une analyse onctueuse.
Vignette de l'article Un trou dans la meule

On ne change pas une équipe qui gagne ?

Ce n’est pas un secret, les Français vivent depuis toujours avec le fromage une longue histoire d’amour. Le fromage est un incontournable du repas gastronomique français tel que répertorié au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Ce n’est pourtant pas dans l’Hexagone, mais dans l’actuelle Croatie que l’on a retrouvé les traces les plus anciennes de fromage, vieilles de 7 200 ans. De la même façon, si la France est un pays où le fromage a une valeur culturelle notoire, ce n’est pas non plus le pays où l’on en consomme ou en produit le plus. Les Français n’en sont que les quatrièmes consommateurs mondiaux par kg et par personne.
Concernant la production, surprise, ce sont les États-Unis qui occupent la première place sur le podium mondial, avec une production de plus de 5 millions de tonnes en 2014, d’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Toutefois, nous ne sommes pas en reste ! La France a produit presque 2 millions de tonnes de meules et autres bûches la même année.

Retour à la ferme

On vous le donne en mille, l’ingrédient principal du fromage, c’est le lait ! Il faut compter par exemple 6,5 litres de lait de chèvre pour produire 1 kg de fromage de chèvre à pâte molle tandis qu’un kilo de parmesan (à base de lait de vache) ne nécessitera pas moins de 16 litres de lait ! En moyenne, on comptera 10 litres de lait pour un kilo de fromage.
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“Camembert” de la répartition de la production de fromage par type de lait en France, à partir de données de la FAO
En France, le cheptel des vaches laitières compte près de 3,8 millions de têtes ! Nous aurions 1 million de brebis laitières et 1,2 million de chèvres (chiffres de 2016). Elles produisent toutes du lait, mais pas dans les mêmes quantités : si une vache peut fournir jusqu’à 60 l de lait par jour, une biquette affiche 2,5 l au compteur.
Comme pour les vaches et les veaux, il faut que les femelles soient en gestation pour produire du lait. Les petits chevreaux et agneaux sont ensuite engraissés hors de la ferme pour être revendus pour leur viande.
Par ailleurs, beaucoup de fromages sont fabriqués non seulement à partir de lait, mais aussi à partir de présure animale. Quèsaco ? C’est un agent de coagulation qui fait cailler le lait. On l’obtient par macération de “caillettes”, c’est-à-dire d’estomacs de jeunes ruminants (veaux, agneaux, chevreaux). Pas très ragoûtant tout ça !
On peut donc dire qu’un grand nombre de fromages ne sont pas compatibles avec un régime alimentaire sans substances issues de l’abattage d’animaux. Toutefois, les caillettes utilisées pour fabriquer la présure proviennent d’animaux abattus pour leur viande et non spécifiquement pour la production de présure. Les quantités nécessaires pour faire cailler le lait sont d’ailleurs infimes. Finalement, deux caillettes permettent de produire environ 1 l de présure qui, à son tour, donnera environ une tonne de fromage.
« On peut donc dire qu’un grand nombre de fromages ne sont pas compatibles avec un régime alimentaire sans substances issues de l’abattage d’animaux. »
Après une courte enquête au rayon fromage d’un supermarché, nous avons pu voir que la plupart d’entre eux mentionnent “présure animale” dans leur composition (parfois seulement “présure”). Il existe cependant des coagulants alternatifs, comme certaines bactéries ou des extraits végétaux, tels la figue et le chardon.
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Un camembert qui reste mystérieux sur l’origine de son coagulant.
Parmi les fromages sans présure animale, on trouve à coup sûr les fromages à tartiner, la feta, la mozzarella (à l’exception de la mozzarella di Bufala) ou encore l’emblématique camembert Président.

Des brebis galeuses ?

Revenons à nos moutons, euh, à nos fromages ! L’ennui, c’est que pour produire le lait, tous les animaux doivent manger et digérer. Comme les vaches, les brebis et les chèvres sont des ruminants et elles émettent du méthane lors de leur digestion, un gaz à effet de serre (GES). Pire, les brebis en émettent deux fois plus que les vaches et les chèvres.
Il existe des techniques pour réduire les émissions de méthane des ruminants. La Nouvelle-Zélande, où les moutons sont six fois plus nombreux que les humains, est pionnière dans la recherche sur le sujet. L’une des pistes envisagées est la sélection génétique d’espèces moins émettrices. Quant à la France, le label Bleu-Blanc-Cœur garantit une alimentation riche en oméga-3, qui diminue les émissions de méthane.
À l’échelle d’une ferme européenne, le méthane n’est pas le seul problème : la fermentation entérique des ruminants ne représente que 22 % des émissions de GES, la majeure partie étant liée à l’alimentation (42 %).
Même si les petits ruminants émettent plus de méthane par tête que les vaches, leur élevage en extensif permet d’en réduire fortement les émissions. Il n’y a qu’à se baisser pour manger, pas besoin d’importer du soja du Brésil ! De plus, les prairies stockent du carbone et les émissions de GES sont donc partiellement compensées, comme noté dans cette analyse de l’INRA.
Pour résumer, selon une méta-étude (anglais) publiée en 2018 dans la revue Science, une protéine de fromage émet en moyenne deux fois plus de gaz à effet de serre qu'une protéine de volaille, nécessite six fois plus de surface et consomme plus d'eau. C’est d’autant plus préoccupant que, pour certains d’entre nous (en tout cas à la Rédaction), l’un des réflexes quand on diminue la quantité de viande dans son assiette est d’augmenter la taille du plateau de fromage !
« Une protéine de fromage émet deux fois plus de gaz à effet de serre qu’une protéine de volaille. »

Panique au supermarché

Une fois au rayon fromage, force est de constater que nous avons l’embarras du choix. Plus de deux cents variétés fromages nous font de l’œil. La Rédaction vous aide à y voir plus clair dans les labels :
  • Les Appellations d’origine protégées (AOP) existent au niveau européen (leur pendant français étant les Appellations d’origine contrôlée, AOC) et permettent de garantir un cahier des charges et une région d’origine bien spécifique. On en compte 45 en France.
  • Les IGP sont moins contraignantes que les AOP qui ne renseignent que sur la provenance géographique d’un produit, mais pas sur ses méthodes de fabrication.
  • L’agriculture biologique vise à développer une agriculture plus respectueuse des sols et des personnes. Dans le contexte du fromage, cela se traduit par des conditions d’élevage différentes pour les animaux, avec notamment une alimentation garantie sans produits phytosanitaires de synthèse.
  • Le Label Rouge est un signe de qualité gustative supérieure avec un cahier des charges bien précis. Toutefois, il n’engage ni la provenance, ni des pratiques respectueuses de l’environnement.
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Les logos des différents labels
À noter, la mention “fromage fermier” garantit que le fromage a été produit de bout en bout sur une même exploitation agricole. Le fromage fermier représente 1 % de la production annuelle française.
Au-delà de ces labels, les étiquettes nous informent aussi sur les ingrédients et les nutriments présents dans les fromages. Alors, le fromage, c’est bon pour la santé ?

On commence à saturer ...

La qualité nutritionnelle du fromage divise : il est riche en calcium, en sodium et en vitamine B12, mais possède aussi une forte teneur en acides gras saturés, dont l’OMS conseille de réduire la consommation dans le cadre d’une alimentation saine. Les graisses saturées ont notamment tendance à faire augmenter le taux de mauvais cholestérol.
Alors, que faire ? LundiCarotte a calculé qu’afin de ne pas dépasser les doses journalières conseillées en acides gras saturés, l’on peut manger au maximum 70 g de mozzarella, 61 g de camembert et seulement 45 g de roquefort (notre préféré à la Rédac’, snif !).
Mais tout cela, c’est sans compter les éventuelles autres sources d’acides gras saturés que l’on ingère dans la journée ! On en trouve notamment dans les produits animaux ainsi que dans l’huile de coco et l’huile de palme, très utilisées dans l’agroalimentaire.
Le fromage est aussi un aliment en moyenne très riche en sodium. Si nous devions mettre notre grain de sel, nous conseillerions donc la modération...
Côté protéines, le fromage est en moyenne presque aussi riche que la viande, avec respectivement 23,5 % et 24,6 % de protéines, mais gardons à l’esprit que l’on ne mange pas aussi facilement 100 g de fromage que 100 g de viande !

Les AstuceCarotte pour ne pas en faire tout un fromage

  • Si l’on est plus préoccupé par les émissions de gaz à effet de serre, privilégier les fromages à pâte molle qui nécessitent moins de lait et sont affinés moins longtemps.
  • Pour la santé, éviter les fromages les plus gras et les plus salés
  • Tester une fromagerie ou un producteur local pour valoriser les petites exploitations
  • Sinon, on peut aussi essayer de changer ses habitudes en remplaçant le fromage par un fruit, par exemple ! Ou même un faux-mage !
Très belles vacances pleines de fromage… ou pas ! En tout cas à la Rédaction, on a entamé le week-end avec un petit camembert végétal pas piqué des hannetons !
Elisa Autric, Servane Courtaux et Yvon Kerdoncuff
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