Sur fond de Brexit, nous vous proposons un numéro sur la deuxième boisson la plus bue après l’eau dans le monde et clé de voûte de la culture britannique, le thé. Moins fort que le café, il a des arômes divers et fruités et il est de plus en plus en vogue dans les cuisines et dans les mugs.

Boire la tasse

Le 8 avril 2019
Sur fond de Brexit, nous vous proposons un numéro sur la deuxième boisson la plus bue après l’eau dans le monde et clé de voûte de la culture britannique, le thé. Moins fort que le café, il a des arômes divers et fruités et il est de plus en plus en vogue dans les cuisines et dans les mugs.
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C’est ma tasse de thé

Thé noir, thé vert, thé blanc, thé bleu, thé rouge, thé aux fleurs, thé aux fruits, thé glacé : il y en a pour toutes les tasses et pour tous les goûts. Le thé a la cote. Il est réputé pour ses vertus excitantes, mais moins fortes que celles du café. On lui colle aussi volontiers une étiquette “détox” et “santé”.
Si on loue les Anglais et leur consommation mirobolante de thé (avec du lait), il faut rappeler que cet arbuste vient de Chine, son petit nom Camellia sinensis signifiant littéralement camélia chinois. Le thé s’est popularisé au gré des conquêtes, des expansions coloniales et des routes de commerce en Europe, en Russie, en Inde et en Afrique, notamment au Maghreb.
« La Chine produit près de la moitié du thé du monde. »
Si la Chine produit aujourd’hui 42 % du thé mondial d’après la FAO, elle en consomme aussi énormément, la palme du plus gros exportateur revenant quant à elle au Kenya.
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Carte des principaux producteurs de thé - crédits colorsoftea.fr
En France, la consommation de thé a triplé ces vingt dernières années. Le thé est revenu au goût du jour avec l’avènement de certaines marques, comme Kusmi Tea, l’apparition des capsules pour les machines ou encore les “box” de thé sous forme d’abonnement.

Le vrai visage de la théine

Si le thé fait son chemin dans notre alimentation, c’est notamment pour ses vertus antioxydantes (il diminue les risques de maladies cardio-vasculaires ou de cancer grâce aux polyphénols qu’il contient), ses vertus dynamisantes provenant de la vitamine C du thé vert et à cause de son léger effet excitant, dû à la théine.
La théine est en réalité un autre nom de … la caféine ! Nous vous en avions déjà parlé auparavant, dans notre article sur le café. Celle-ci est reconnue comme stimulant psychotrope : dopant le cœur, la théine excite, mais peut-être dangereuse à haute dose.
Combien de tasses de thé au juste peut-on boire ? L’autorité européenne de sûreté alimentaire conseille de rester en dessous des 400 mg par jour, mais la quantité équivalente de thé semble assez difficile à définir pour deux raisons :
  • la teneur en caféine peut varier du simple au double entre le thé vert et son grand frère le thé noir. Un thé vert sera donc préférable en fin de journée.
  • le temps d’infusion joue un grand rôle : en trois ou quatre minutes, 50 % de la théine sera libérée dans l’eau, 100 % en 15 minutes. On peut donc “déthéiner” un thé noir en ne buvant pas la première eau d’infusion.
Partant de là, avec deux grammes de thé infusés par tasse pendant 3 minutes, on obtient une limite théorique de 8 tasses de thé noir et de 16 tasses de thé vert. Néanmoins, la plupart des recommandations de consommation de thé fixent une limite générale entre 6 et 10 tasses. Faites vos jeux !
« Le thé noir contient en moyenne deux fois plus de caféine que le thé vert »
Le thé est également déconseillé autour des repas pour les personnes souffrant de carences en fer, car les tannins qu'il contient ont un effet inhibiteur sur le fer non-héminique, c’est-à-dire issu de produits végétaux. Pour tous ceux qui aiment troquer un steak contre un bol de lentilles, cachez cette tasse que je ne saurais voir !

Voyage en eaux troubles

Avant de se pencher sur l’aspect écologique de la culture du thé, il faut avoir à l’esprit le grand nombre de pays producteurs et les techniques de culture qui rendent difficile une vue d’ensemble sur les impacts environnementaux.
Si l’on se fie uniquement à l’impact carbone, le thé semble être un champion, puisque la majeure partie de son empreinte sur un cycle de vie (en anglais) dépend plus de la manière dont on chauffe l’eau pour le faire infuser que de sa production et son transport.
Une analyse complète, menée par Nigel Melican, incluant la séquestration de carbone produite par les buissons théiers, montre même un impact potentiellement négatif d’une tasse de thé en termes de carbone, car dans certains cas, le cycle de vie complet du thé absorbe plus de carbone qu’il n’en émet. Pratique, quand on veut lutter contre les émissions de gaz à effet de serre !
« Le thé a beau avoir une empreinte carbone très faible, sa culture n’est pas sans encombre sur l’environnement. »
En revanche, l’essor mondial du thé a entraîné grands espaces en monoculture, ce qui conduit souvent à une déforestation, nuit à la qualité des sols et cause notamment une érosion. En cause : l’ajout massif d’engrais azotés ainsi que les pesticides pulvérisés sur les feuilles. Ces pratiques, différentes selon les pays (on utilise 7 fois plus d’engrais au Japon qu’au Kenya, par exemple), conduisent également à une diminution de la biodiversité.
Enfin, certaines marques, comme Palais des Thés, indiquent payer une compensation carbone pour leurs thés acheminés en avion, arguant de leur fraîcheur.

Le travail, hélas, sans thé ?

La récolte du thé suit plusieurs étapes : cueillette, flétrissage, roulage, oxydation, séchage. Ce sont les différences de traitement (plus ou moins de séchage ou d’oxydation) qui mènent à différentes “couleurs” de thé, allant du moins oxydé au plus fort : thé blanc, thé vert, thé bleu, thé noir. Il existe également du thé fermenté, le thé pu-erh.
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La culture sur des terrains escarpés impose une récolte manuelle
Les feuilles du Camellia Sinensis sont cueillies principalement à la main et c’est là que le bât blesse. Comme pour ses compères le coton, le café ou le cacao, les conditions de travail des cueilleurs de thé sont très peu reluisantes.
En Inde, dans les régions d’Assam et de Darjeeling, où une grande partie du thé qui finira en feuilles dans nos théières est cultivé, de nombreuses ONG dénoncent le travail des enfants, les logements insalubres et une discrimination salariale en fonction du sexe.
La plupart des travailleurs du thé sont enrôlés dans des plantations où ils sont logés et payés en fonction des quotas de récolte. Dans la région d’Assam, les salaires des récolteurs sont inférieurs au salaire minimum légal. Pour satisfaire les quotas, les femmes (la cueillette est exclusivement réalisée par des femmes) sont parfois obligées de faire travailler leurs enfants, qui ne reçoivent plus d’instruction.
Des entorses aux procédures de sécurité de l’épandage de pesticides ont aussi été relevées, entraînant notamment des difficultés respiratoires.
À noter qu’il existe une autre manière de récolter le thé, à la machine, pour ensuite le broyer et le réduire en fine poudre. Cette technique, baptisée CTC pour Crush, Tear, Curl (broyage, découpage, bouclage), permet d’obtenir rapidement le thé qui remplira la plupart des sachets de marques grand public. Elle est surtout utilisée au Kenya, au Japon et en Turquie pour les mélanges de thés aromatisés artificiellement.

Une althérnative

Peut-on consommer du thé local ? Malheureusement, le thé de France n’existe pas : il n’y a pas encore de plantations de thé chez nous, le théier poussant beaucoup mieux dans les régions subtropicales. Il existe toutefois des passionnés qui tentent de se lancer. En revanche, les arômes utilisés pour parfumer le thé peuvent tout à fait venir de plantes cultivées en France.
Si l’on est soucieux des conditions de travail des récolteurs de thé, on peut s’orienter vers des thés issus du commerce équitable comme ceux proposés par la marque Éthiquable en France. Le label équitable garantit :
  • un prix minimum pour les producteurs, bien utile en cas de fluctuations du marché
  • une prime de développement afin d’investir dans des structures pour améliorer les conditions de vie des ouvriers.
Il existe de plus en plus de gammes de thé issus de l’agriculture biologique et sans pesticides de synthèse. Celle-ci se développe lentement, en raison des différences de certification entre les pays : bio en Chine ne veut pas dire la même chose qu’en France. C’est le cas des Thés de la Pagode, par exemple. L’entreprise Dammann Frères, quant à elle, invoque la difficulté de garantir du thé 100 % bio et préfère travailler avec des petites plantations isolées.
Enfin, pourquoi ne pas se tourner vers d’autres boissons chaudes aux mille vertus : rooibos, maté, ou encore les tisanes : camomille, verveine, lavande… ?

Les AstucesCarotte pour infuser durablement

  • Privilégier du thé issu du commerce équitable comme ceux proposés par Ethiquable.
  • Tenter d’incorporer d’autres boissons chaudes à son régime comme le rooibos, le maté ou, plus local, les tisanes.
  • Faire chauffer son thé à la bouilloire avec juste ce qu’il faut d’eau du robinet pour minimiser l’empreinte carbone.
  • Acheter son thé en vrac pour diminuer les emballages
  • Et pourquoi pas, faire pousser son propre théier
LundiCarotte tire son chapeau à Paul qui s’en va voler de ses propres ailes après un an de bons et loyaux services (civiques). Servane prévoit de boire beaucoup de thé (mais pas trop non plus) pour compenser son absence.
Comme à l’accoutumée, n’hésitez pas à réagir en commentaire ou par mail, et on vous dit à la semaine prochaine !
Rédactrice : Servane Courtaux
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