Ces semaines-ci chez LundiCarotte, tout tourne autour des vêtements : on nous rappelle fréquemment que ce sont les soldes, Servane a perdu son bonnet et Paul devra peut-être s'acheter autre chose que des joggings s'il se fait embaucher après son service civique. Notre article d'aujourd'hui est donc l'occasion de nous pencher sur le sujet des vêtements au sens large !

Retourner sa veste

Le 21 janvier 2019
Ces semaines-ci chez LundiCarotte, tout tourne autour des vêtements : on nous rappelle fréquemment que ce sont les soldes, Servane a perdu son bonnet et Paul devra peut-être s'acheter autre chose que des joggings s'il se fait embaucher après son service civique. Notre article d'aujourd'hui est donc l'occasion de nous pencher sur le sujet des vêtements au sens large !

Une brève histoire de la production de vêtements

L'industrie du vêtement a remarquablement changé au cours de l'histoire. À l'époque des pharaons, on ne changeait pas de style aussi facilement qu'aujourd'hui et il semble que les habitants se satisfaisaient très bien de leur robe tunique.
Aujourd'hui, un peu moins de 4 % du budget des Français est dédié à l'habillement et aux chaussures, ce qui représente tout de même 668 € par an.
Sur les cinquante dernières années, la production de vêtements s’est massivement délocalisée des pays occidentaux vers l’Asie. Par exemple, aux États-Unis, dans les années 1960, 95 % des vêtements portés par les Américains étaient produits dans le pays. Aujourd’hui, ce chiffre est tombé à 3 %.
En France, le secteur a également beaucoup souffert de la mondialisation. Ainsi, en 2013 on estime que 62 000 personnes étaient employées dans le textile dans le pays, près de quatre fois moins qu'en 1990.

C’est une bonne situation ?

Comme nous le narrions dans notre opus sur le tee-shirt, la réalité des conditions de fabrication des vêtements est globalement peu reluisante. Les grandes marques détiennent rarement les usines de fabrication et sous-traitent la confection de leurs produits dans des pays où la main-d'œuvre est bon marché, notamment au Bangladesh, au Vietnam et au Cambodge. En 2015 par exemple, en termes de parité de pouvoir d'achat, les niveaux de vie étaient dix fois moins élevés au Bangladesh qu'en France.
Ces marques maintiennent une forte pression sur les fournisseurs pour réduire les coûts, ce qui mène à des conséquences dramatiques : en 2013 a lieu l'effondrement du Rana Plaza, drame qui provoquait la mort de plus de 1 000 personnes et des milliers de blessés.

Des vêtements pas si propres

L'industrie textile contribue de manière importante aux émissions de gaz à effet de serre : 1,2 milliard de tonnes par an, soit davantage que les transports aérien et maritime réunis. Certains avancent qu’elle serait, prise dans son ensemble, la deuxième industrie la plus polluante au monde. Tout dépend de ce que l’on met sous la notion de pollution, mais il est certain que les impacts environnementaux sont nombreux.
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C’est l’instant tisane, prenons une grande inspiration avant de lire la suite.
Tout commence par les matières premières. Sans parler des fibres synthétiques, pour la plupart directement issues de l’industrie pétrolière, la culture du coton à elle seule est déjà problématique. Dans notre article sur les tee-shirts, nous vous expliquions que 25 % des insecticides mondiaux étaient dédiés au coton, une culture également très gourmande en eau. En Inde, dans les régions agricoles, on constate une recrudescence des maladies de peau, des cancers, des naissances d’enfants déficients mentaux et physiques. De là à associer cela aux pesticides, il n’y a qu’un pas et le sujet est pour le moins polémique.
Les produits chimiques employés dans les tanneries (industrie du cuir) et dans la confection de vêtements sont aussi responsables de pollutions importantes de rivières et de fleuves, en Chine ou dans le Gange.
À noter que le transport lié à la délocalisation pèse assez peu dans la balance (il ne représenterait que 1 % des émissions de CO2 dans la fabrication d'un vêtement).
Enfin, les vêtements que nous achetons ont aussi un impact une fois bien rangés dans nos placards : l’Ademe estime même que la moitié de leur impact environnemental est due à leur entretien. Eau, énergie et pollution des eaux usées avec des microfibres de plastique et des produits chimiques... Trois clés pour diminuer cette empreinte :
  • Laver à basse température
  • Utiliser une lessive avec écolabel européen
  • Préférer un séchage naturel sur un tancarville plutôt qu’au sèche-linge
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Une bonne astuce pour sécher ses vêtements : le fameux tancarville.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

De nombreux facteurs sont à l’origine de cette situation, de façon plus ou moins directe, comme l’industrie et ses stratégies marketing bien léchées ou les consommateurs.
Dans la mesure où les vêtements sont une représentation de nous-mêmes, il est certain qu'ils ne sont pas un bien de consommation comme les autres !
La mode est en effet un art populaire, une forme d’expression de nos états d’âme et de nos sentiments à travers notre apparence. Qui n’a jamais été flatté par des compliments sur sa garde-robe ?
Il y a une sorte de réconfort dans l’achat de nouveaux vêtements, même lorsque l'on sait que ceux-ci ne sont pas de très bonne qualité et s’effilochent dès le premier lavage. Dans le documentaire The True Cost, le financier italien Guido Brera met en avant le fait que les vêtements sont devenus un “confort bon marché” là où les dépenses utiles comme l’éducation, l’immobilier et les assurances ne cessent d’augmenter.
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Grâce à la mode éphémère, tout le monde peut s’acheter des vêtements tout le temps. Le Figaro nous explique qu’il fallait en 2014 deux fois moins de temps de travail équivalent pour s’acheter une paire de baskets que 20 ans auparavant, par exemple.
L’effet pervers de cette baisse des prix, c’est l’idée que l’on peut aujourd’hui consommer des vêtements comme des produits jetables. Au lieu de deux collections par an, de nombreuses enseignes présentent désormais près d'une collection par semaine, voire 7000 nouveaux produits par jour comme le nouveau géant SHEIN ! Et il il est bien difficile pour nos portefeuilles de suivre les tendances.

Quel est le rôle des grandes marques ?

Pour autant, une bonne partie des travailleurs de la mode sont aujourd'hui très dépendants de l'industrie textile. Les grandes marques ont indéniablement un rôle à jouer dans l'amélioration des conditions de vie de leur main-d'œuvre.
« Si l’on ne veut pas cautionner les conditions de travail de beaucoup d’ouvriers en Asie, mieux vaut se tourner vers le Made in France. »
Régulièrement critiquée, la marque H&M fait tout de même des efforts en ce sens. Elle était évaluée comme l'une des plus transparentes par l'ONG Oxfam en 2016 (en anglais). Elle communique également avec ses clients, comme on peut le constater sur la page d'i-boycott - une campagne médiatique de boycott citoyen qui veut inspirer le changement parmi les grandes marques.
Une autre philosophie serait de privilégier la relocalisation des entreprises et les circuits courts de distribution. Ainsi, le site La Fabrique Hexagonale répertorie les marques qui valorisent le Made in France.

Nous ne manquons pas de moyens d'action

Les consommateurs que nous sommes ont bien entendu leur mot à dire ! LundiCarotte vous livre un parcours en six étapes pour rendre votre garde-robe plus éthique.
On peut commencer par la ranger.
Par exemple, on peut, comme Servane l’a fait il y a quelques mois, employer la méthode KonMari : mettre tous les vêtements que l’on possède en tas sur le sol et les trier en les prenant dans ses mains un par un en se demandant s’ils nous apportent de la joie ou pas. Ceux qui ne le font pas sont destinés à une seconde vie hors de nos placards !
« Trier sa garde-robe, c’est une manière radicale de prendre conscience de ce que l’on possède et de ce dont l’on a réellement besoin »
Une deuxième étape, sans sortir des sentiers battus des centres commerciaux, serait de miser sur des articles en coton bio ou en fibres naturelles plutôt qu’en matières synthétiques, comme la gamme “Conscious” de H&M.
Supposons maintenant que l'on décide de dire adieu à la mode éphémère. Faut-il pour autant casser notre tirelire ? Rien n’est moins sûr : on peut commencer par s’orienter vers des pièces intemporelles et des matériaux qui durent, voire des garanties à vie. Plutôt que de suivre les tendances qui changent toutes les semaines, on peut investir dans des “basiques” de bonne qualité.
Quatrième échelon, on privilégie les marques éthiques ! Celles qui sont transparentes sur leur circuit de production, sur la provenance de leurs matières premières et sur les conditions de travail de leurs ouvriers. En voici quelques-unes : Trendethics, fondé par des lectrices, Ekyog pour femmes, Loom et 1083 pour les jeans, mais il en existe de nombreuses autres !
« La meilleure manière de diminuer l’impact de ses achats neufs est peut-être… de ne pas faire d’achats neufs ! »
Enfin, cinquième étape, la meilleure manière de diminuer l’impact de ses achats neufs est peut-être… de ne pas faire d’achats neufs ! Il existe une multitude de lieux et de sites web qui regorgent d’habits et de chaussures d’occasion à tous les prix. De la fripe de la Ressourcerie ou d’Emmaüs vendue au kilo aux articles de luxe d’occasion dans certains dépôts-ventes, les plus à la page d’entre nous seront servis.
Voici notre sixième étape qui concerne la fin de vie de nos vêtements : il est toujours mieux de les donner à une organisation ou via une collecte, mais il faut savoir que beaucoup finissent tout de même en décharge. Raison de plus pour s’équiper avec des vêtements durables !

Les AstucesCarotte pour bien s'habiller

  • On vous encourage à visionner le documentaire The True Cost (disponible avec sous-titre français).
  • Le plus simple est peut-être d'explorer les marques faisant le plus d'efforts pour améliorer leur impact. Plusieurs recommandations : celles de l'équipe du documentaire, celles de l'Ademe et à nouveau les marques garanties à vie.
  • Si l'on a besoin de vêtements, ne pas hésiter à jeter un œil sur Vinted ou Videdressing.
  • Aux lecteurs assidus, nous recommandons enfin cette très bonne série d'articles sur le rôle profond de la mode dans notre société : troisiemebaobab.com.
Pour ce numéro, nous avons tenté une nouvelle approche, plus systémique et globale, avec un versant psychologique. Qu’en avez-vous pensé ?
Si le sujet vous intéresse, nous nous lancerons bientôt dans des “catégories thématiques” sur le site. Vos contributions sur la mode et l’industrie textile sont les bienvenues !
Enfin, on a hâte de lire vos pires anecdotes pendant les soldes à hello@lundicarotte.fr !
Servane Courtaux et Paul Louyot
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