Si vous nous suivez depuis octobre dernier, vous aurez peut-être remarqué que LundiCarotte mentionne de plus en plus le soja. Soja par-ci, soja par là, c'est aussi un sujet à la mode dans l’actualité. Alors aujourd’hui, on y consacre un numéro entier, pour tout vous dire sur cette légumineuse ancestrale ! D'autre part, et suite aux retours de nos lecteurs, votre LundiCarotte se modernise ! Vous retrouverez désormais nos sources dans une bibliographie non-exhaustive claire et organisée, sur notre article en ligne.

On envoie la sauce

Le 25 février 2019
Si vous nous suivez depuis octobre dernier, vous aurez peut-être remarqué que LundiCarotte mentionne de plus en plus le soja. Soja par-ci, soja par là, c'est aussi un sujet à la mode dans l’actualité. Alors aujourd’hui, on y consacre un numéro entier, pour tout vous dire sur cette légumineuse ancestrale !
D'autre part, et suite aux retours de nos lecteurs, votre LundiCarotte se modernise ! Vous retrouverez désormais nos sources dans une bibliographie non-exhaustive claire et organisée, sur notre article en ligne.
Vignette de l'article On envoie la sauce

Soja, qui es-tu ?

Si le soja n’a fait son arrivée dans nos rayons et nos assiettes que récemment, c’est une légumineuse très populaire en Asie, où il constitue la base de l’alimentation. Le mot “soja” vient d’ailleurs du japonais shōyu1, qui signifie sauce.
Aujourd’hui, la production de soja est dominée par les États-Unis et l'Amérique du Sud. Pour autant, la France ne se débrouille pas mal. Comme le soja est assez frileux2, il a fallu un peu de temps pour l’acclimater sous nos latitudes, mais les volumes cultivés en France n’ont fait qu’augmenter ces dernières années. Dans le pays, en 2018, on y consacrait 140 000 hectares3, soit trois fois plus qu’il y a deux ans. Principalement cultivé dans le Sud-Ouest et dans le Grand Est de la France, on trouve aussi des champs de soja en Seine-et-Marne.
Le soja plaît, car c’est une plante facile à cultiver. Comme la plupart des légumineuses, elle est capable de fixer les molécules d’azote de l’air, ce qui signifie qu’elle n’a pas besoin d’engrais3. Elle est également peu sensible aux ravageurs et aux maladies. Ses graines sont riches en protéines, (40 % par graine en moyenne)2,3, ce qui en fait l'un des aliments les plus riches en protéines, après la spiruline.
Illustration
Les plants de soja ressemblent à ceux des haricots, ils ont des gousses remplies de graines. Ils sont récoltés lorsqu’ils sont secs, en été.

Un procès contre le soja

Pourtant, depuis 50 ans4 , rien ne va plus. On reproche au soja la même chose en Amérique du Sud qu’à l’huile de palme en Asie, à laquelle nous avions déjà consacré un article. La demande augmentant rapidement, des hectares de forêt amazonienne, au Brésil notamment, sont déboisés afin de faire de la place pour la culture du soja. Cela pose plusieurs problèmes :
  • les plants de soja absorbent moins de carbone que les arbres, cela contribue donc au changement climatique ;
  • couper des arbres et replanter la même plante sur des dizaines d'hectares revient à menacer l'habitat de la faune et de la flore locale ;
  • cela mène à la perte des nombreux bienfaits des écosystèmes actuels, tels que la protection des sols et la filtration des eaux.
À terme, le WWF4 estime que la perte des forêts pourrait mettre en péril le bon fonctionnement de notre système agricole, voir de l'économie elle-même. Autant dire qu'on n'aimerait pas en arriver là !

C'est le tofu qui cache la forêt

La surface agricole réquisitionnée pour la culture du soja dépasse le million de kilomètres carrés4. Pourtant, si les Français se gavaient de tofu tous les jours, cela se saurait ! Au fond, tout ce soja, où va-t-il ?
À y regarder de plus près, il semble y avoir deux cultures distinctes du soja :
- celui que l'on cultive pour nourrir les humains : tofu, miso, sauce soja et autres. On fait souvent référence à ces produits, mais ils ne représentent que 6 %4 du soja cultivé ;
- le soja transformé en deux sous-produits : d'une part, l'huile, d'autre part, le reste de la graine, qui est séché et compressé pour former ce que l’on appelle des tourteaux. C'est à cela que l'on se réfère lorsque l'on parle de la consommation de “soja pour les animaux”. Ce type de culture représente l’écrasante majorité de la production.
Et en effet, nous abordions déjà le sujet de la consommation de soja dans notre numéro sur la viande de bœuf. En France, les importations de soja destiné aux animaux se répartissent ainsi : 58 % pour la filière avicole (comprenez les poulets), 30 % pour l’élevage bovin et 12 % pour l’élevage porcin.
La France est le troisième importateur de tourteaux de soja brésilien, à hauteur de 2 millions de tonnes par an4. Notre propre production représente à peine plus d'un dixième de nos importations totales5.
Il semble donc qu'une manière de limiter son impact sur la déforestation serait de réduire sa consommation de viande nourrie au soja brésilien.

Tout sur le dos des tourteaux ?

Mais est-ce vraiment aussi simple ? Les tourteaux de soja sont-ils les seuls coupables dans cette histoire ? Car après tout, avec le soja brésilien, on fait également de l'huile, que l’on retrouve dans de nombreux produits industriels. Est-ce trop facile d'accuser uniquement l'élevage ?
La réponse est nuancée, mais pour ne pas rallonger notre article, vous pouvez la consulter en annexe de cette enquête. Pour faire simple, le tourteau de soja semble bien être le principal moteur de la déforestation en Amérique du Sud.

C'est français, c'est durable ?

Soja français et soja brésilien n’ont pas la même utilité : contrairement à son cousin sud-américain, une part importante du soja cultivé dans l'Hexagone est destinée exclusivement à la consommation humaine (35 % en conventionnel, 70 % en bio)6.
Le soja français ne cause pas non plus de problèmes environnementaux. Comme abordé dans notre tableau comparatif de la série sur la viande, les protéines de soja texturées (dont on vous parle plus loin) semblent même être des championnes de l'alimentation durable !
Récapitulons : la culture du soja au Brésil produit de forts impacts sur l'environnement et la biodiversité, que l'on soutient indirectement lorsque l'on achète de la viande nourrie au soja ou, dans une certaine mesure, des produits contenant de l'huile de soja. D'autre part, le bilan carbone du soja français semble proche de la mention "excellent".
Le hasard des circonstances fait aussi que ce soja français remplace avantageusement la viande pour certains plats : en résumé, pour réduire son soutien à la culture de soja brésilien, on peut consommer du soja français.
« Pour réduire son soutien à la culture de soja brésilien, on peut consommer du soja français »

Le soja et notre santé

L’opinion publique a oscillé, au fil des années : tantôt, le soja passe pour une plante miraculeuse, tantôt pour un produit diabolique.
D’après nos recherches et après avoir lu tout et son contraire, il semble que la seule recommandation fondée soit de limiter sa consommation d’isoflavones − une protéine présente en abondance dans le soja.
En 2005, l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire)7 conseillait de se limiter à moins de 1 mg par kg de masse corporelle par jour (par exemple 72 mg pour Paul !). Ce chiffre a depuis été controversé : récemment, on a fait manger jusqu'à 110 mg d'isoflavones à des volontaires sans détecter d'impacts négatifs8. Ce qui correspond à 1 L de lait de soja par jour (ou 400 grammes de tofu). Une consommation modérée de produits à base de soja apporterait également quelques bénéfices pour la santé9.

On fait monter la tempeh’rature

Finis les longs discours, c'est l'heure de sortir le carnet de recettes ! Le plus dur étant peut-être de choisir, tant il existe de manières de consommer le soja. Heureusement, Jane, l’une de nos adhérentes, nous a dressé un petit panorama.
  • La crème de soja : pour remplacer la crème fraîche dans les recettes végétaliennes ;
  • Le lait de soja est l’un des laits végétaux dont le goût est le plus neutre, souvent vendu non sucré. Peu cher, comme on vous en parlait dans notre article sur le lait ;
  • Le tofu du commerce (ferme et soyeux) ;
  • La sauce soja : on ne la présente plus, très salée, elle peut sauver de nombreux plats.
  • La pâte miso et le tempeh : deux aliments très différents, mais tous les deux à base de soja fermenté. On vous recommande le tempeh, si vous ne connaissez pas.
  • Les graines de soja : on peut en faire du lait de soja maison, voire utiliser ce lait pour faire du tofu maison. C'est un peu long, mais, apparemment, le résultat est à la hauteur des efforts. On peut aussi faire frire les graines de soja à la poêle ou en trouver en magasin au rayon apéritif.
  • Les protéines de soja texturées : sèches, elles se conservent facilement. Parfait pour remplacer la viande hachée dans les sauces bolognaises ou les chilis sin carne, par exemple. Nous vous en avions d’ailleurs parlé dans notre tableau comparatif sur la viande. Contrairement aux graines de soja, on peut même en trouver en vrac !
  • Les yaourts au soja : ils peuvent avoir des goûts très différents selon les marques. Cela dit, si on a une yaourtière et du lait de soja du commerce, on peut les faire soi-même, ça marche très bien, même avec des ferments classiques.
  • Le fromage à tartiner à base de soja : un classique, équivalent aux fromages type Saint-Môret.
Il y en a donc pour tous les goûts !

Les AstucesCarotte pour mieux consommer le soja

  • Choisir du soja français, de préférence labellisé Agriculture Biologique ;
  • Varier les plaisirs et les types de produits, tenter une bolognaise aux protéines de tofu, par exemple ;
  • Diversifier ses sources de protéines végétales de façon à avoir une consommation de soja modérée.
N’hésitez pas à partager avec nous vos recettes à base de soja ou vos pires déconvenues en la matière !

Bibliographie

1. soja — Wiktionnaire . Disponible sur: wiktionary.org
2. Jourdain F. Agriculture. Le soja joue des coudes sous le soleil de France . Ouest-France.fr. 2018 . Disponible sur: ouest-france.fr
3. Le soja s’implante en Ile-de-France : plus de 400 hectares cultivés ! — TerresUnivia Disponible sur: terresunivia.fr
4. Le boum du soja — WWF . Disponible sur: wwf.fr
5. France: le lent redémarrage de la filière soja . RFI. 2018. Disponible sur: rfi.fr
6. La filière soja en France . Fop. 2014. Disponible sur : fopoleopro.com
7. Sécurité et bénéfices des phyto-estrogènes apportés par l’alimentation - Recommandations - ANSES (ancien AFSSA) . Disponible sur : anses.fr
8. Protéines de Soja (Isoflavones) - Bienfaits, Usages, Posologie . https://www.passeportsante.net/. 2011. Disponible sur: passeportsante.net
9. Zaheer K, Humayoun Akhtar M. An updated review of dietary isoflavones: Nutrition, processing, bioavailability and impacts on human health. Critical Reviews in Food Science and Nutrition . 13 avr 2017 ;57(6):1280‑93. Disponible sur: tandfonline.com
Servane Courtaux et Paul Louyot
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