Qui n’a jamais entendu dire qu’acheter une nouvelle voiture était plus écologique car les nouvelles consommaient moins d'énergie que les anciennes ? C’est vrai que la technologie et l’écoconception tendent à rendre les nouveaux produits plutôt plus économes en énergie que leurs prédécesseurs, mais n’oublions pas que pour fabriquer le nouveau produit en question, il a fallu en dépenser un paquet, d’énergie. Cette énergie fait partie de ce qu’on appelle l’énergie grise, l’énergie “cachée” dans les objets autour de nous.

L'énergie fait grise mine

Le 27 novembre 2017
Qui n’a jamais entendu dire qu’acheter une nouvelle voiture était plus écologique car les nouvelles consommaient moins d'énergie que les anciennes ? C’est vrai que la technologie et l’écoconception tendent à rendre les nouveaux produits plutôt plus économes en énergie que leurs prédécesseurs, mais n’oublions pas que pour fabriquer le nouveau produit en question, il a fallu en dépenser un paquet, d’énergie. Cette énergie fait partie de ce qu’on appelle l’énergie grise, l’énergie “cachée” dans les objets autour de nous.
Depuis quand l'énergie a une couleur ?
Et bien depuis qu’on s’est mis en tête de mesurer la quantité d’énergie nécessaire pour fabriquer quelque chose. Cette démarche est imputée à Coca-cola en 1969, qui voulait savoir quelle méthode de fabrication était la plus économique. Pour cela, l’entreprise a fait une analyse du cycle de vie, ou “ACV”, de sa bouteille. Oui, car pour fabriquer quelque chose, il faut extraire les matières premières nécessaires, les transporter, les mettre en forme … et plein d’autres opérations qui font que quand notre frigidaire ou notre ordinateur arrive en rayon, un paquet d'énergie a déjà été consommée pour lui. L’énergie grise comporte aussi la fin de vie du produit : transport et incinération, ou énergie nécessaire au recyclage s’il y a lieu.
Revenons à notre voiture
Pour vérifier que l’achat d’une nouvelle voiture plus économe engendre bien une économie d'énergie, il faut donc tenir compte de son énergie grise. Dans un monde idéal, ce serait simple. On aurait pour chaque produit un joli tableau, avec :
  • l’énergie grise du nouveau produit
  • le gain d’énergie fait par an en utilisant le nouveau produit à la place de l’ancien
  • la durée de vie envisageable du nouveau produit
Si l’économie d’énergie totale à l’utilisation du nouveau produit est plus importante que son énergie grise, ça vaut la peine de changer. Attention tout de même à ne changer que si l’ancien appareil a déjà bien vécu, sinon son énergie grise n’aura pas été rentabilisée. En pratique, trouver l'énergie grise du produit en question, ce n’est pas si simple. En effet les constructeurs communiquent assez peu dessus, souvent parce qu’ils ne la connaissent pas eux-même. C’est que l'énergie grise est compliquée à calculer. Heureusement, comme c’est compliqué, ce calcul intéresse les scientifiques et nous avons pu trouver quelques études qui donnent des ordres de grandeurs.
Quelques exemples
Pour un téléphone portable moyen, la fabrication nécessite plus de deux fois plus d’énergie que pour toutes les recharges de sa vie. Pour des objets comme ceux-ci, qui consomment beaucoup plus à la fabrication qu’à l’utilisation, mieux vaut s’attacher à l’ancien si on tient à minimiser son empreinte énergétique. Ceci en opposition à l’électroménager, dont l’énergie grise représente environ 20% du total. Ces appareils sont plus simples à fabriquer, car ils contiennent moins d’électronique et de métaux rares. Ils consomment aussi beaucoup plus d’énergie lors de leur vie, surtout si leur mission consiste à refroidir ou réchauffer des choses (sèche-linge, machine à laver, frigo, bouilloire...). Pour ce genre d’objet, si le nouveau présente une économie d’énergie conséquente à l’utilisation par rapport à l’ancien, ça peut valoir le coup de changer. Par exemple, il est intéressant de changer un vieux frigo pour un modèle de la meilleure classe énergétique (A+++), car on compense ainsi son énergie grise en trois ou quatre ans.
Il n'y a pas que l'énergie dans la vie
Si la dépense d’énergie est importante, d’autres critères doivent aussi être surveillés. Par exemple, comment cette énergie est-elle produite ? Ainsi, d’autres scientifiques s’intéressent au bilan carbone de la fabrication. Par exemple, on sait qu’une voiture à essence produit en moyenne 9% des gaz à effet de serre pendant sa fabrication, contre 91% pour son utilisation. Pour une voiture électrique le pourcentage à la fabrication est beaucoup plus grand : environ 70%. Ce chiffre dépend de l’électricité utilisée pour recharger la voiture (nucléaire, charbon, hydraulique, solaire…).
De la même manière, on peut aussi se préoccuper de la pollution toxique de l’air. Pourquoi par exemple les collectivités locales nous incitent-elles souvent à changer de voiture pour des modèles plus propres ? C’est plus une question de pollution aux particules fines que de consommation énergétique.
A l’échelle mondiale, il n’est pas toujours intéressant énergétiquement de remplacer une voiture à essence par une voiture électrique (à cause de son énergie grise, selon la consommation de votre voiture actuelle). Mais la voiture électrique rejette beaucoup moins de particules fines que celle à essence, et pour la plupart des communes françaises la lutte contre la pollution aux particules fines est plus urgente que celle contre le changement climatique.
Dans le même ordre d’idée, il existe plein d’impacts environnementaux dont les conséquences ne sont pas visibles directement, par exemple le plastique dans l’océan ou la pollution chimique liée à l’extraction de certains matériaux miniers.
Nous espérons que cet article un peu plus technique que ses prédécesseurs vous a plu et vous inspire pour vos futures réflexions. En tout cas, il nous a demandé beaucoup de matière grise. Nous vous souhaitons une bonne semaine à changer ou non de frigidaire.
Alix Dodu, Gaétan Morand et Théodore Fechner
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