Aujourd’hui, nous allons parler d’énergie, ou plus précisément de non-énergie. Entendons par là de l’énergie que nous ne consommons pas. Nous allons parler de sobriété énergétique. Cette expression a le vent en poupe cet hiver, alors que les marchés du pétrole et du gaz sont compliqués à anticiper, et que le réseau de production d’électricité n’est pas à son pic de forme. Cette vidéo très didactique du Monde permet de comprendre la tension offre/demande en électricité. Pour autant, nous pensons que le choix de la sobriété énergétique ne doit pas se poser uniquement dans ces situations critiques. C’est bien un enjeu des 365 jours de l’année.

Sobre comme un chameau

Le 21 novembre 2022
Aujourd’hui, nous allons parler d’énergie, ou plus précisément de non-énergie. Entendons par là de l’énergie que nous ne consommons pas. Nous allons parler de sobriété énergétique. Cette expression a le vent en poupe cet hiver, alors que les marchés du pétrole et du gaz sont compliqués à anticiper, et que le réseau de production d’électricité n’est pas à son pic de forme. Cette vidéo très didactique du Monde permet de comprendre la tension offre/demande en électricité.
Pour autant, nous pensons que le choix de la sobriété énergétique ne doit pas se poser uniquement dans ces situations critiques. C’est bien un enjeu des 365 jours de l’année.
Vignette de l'article Sobre comme un chameau

De l'ébriété à la sobriété

Chez LundiCarotte, depuis le temps qu’on écrit des articles sur la consommation durable, on a appris à aimer la sobriété. Aussi, nous ne résistons pas à la tentation d’en faire une petite introduction conceptuelle avant de rentrer dans le vif du sujet.
La sobriété commence par la reconnaissance d’une limite. Il s’agit de maîtriser son rapport à telle ou telle chose, pour ne pas se retrouver dans une situation indésirable, un exemple évident étant de maîtriser sa consommation d’alcool pour ne pas dépasser la limite de l’ivresse.
La démarche de la sobriété peut se décliner sur tout ce qui donne lieu à des excès : l’alimentation, la mobilité, le numérique, la parole, [...]. En d’autres termes, pour chaque ébriété, il existe une sobriété.
Mais l’établissement des limites susmentionnées n’est pas une mince affaire. Il y a les limites de son corps (c’est typiquement le cas de la sobriété vis-à-vis de l’alcool), celle plus ambiguë de son esprit (grand thème de la philosophie grecque, il s’agit d’atteindre un bonheur à long terme, parfois au détriment du plaisir à court terme), et enfin, plus récemment, celles de la planète. Notons que si les deux premières (le corps et l’esprit) sont des considérations plutôt personnelles, la préoccupation des limites de la planète a une importante dimension collective.
À la Rédac’, nous avons cru constater que souvent, ces trois limites se rejoignent. Par exemple, tendre vers une alimentation plus sobre, c’est à la fois nourrir son corps plus sainement, apprendre à mieux apprécier la rareté des saveurs les plus fines, et s’approvisionner plus localement et avec un plus grand respect de la saisonnalité des aliments. Pour nous, la sobriété est une démarche globale, qui prend soin du corps, de l’esprit, et de la planète. Et si cela commence souvent en ôtant le superflu, le gros du travail consiste à découvrir ces limites et à apprendre à les respecter. Sacré travail.

Dans la famille Sobriété, je demande l’Energie

Au sujet de l’énergie, les limites commencent à être bien établies. Pour toutes les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), c’est le sujet du changement climatique qui pousse à la modération. Il y a ensuite l’énergie nucléaire, qui soulève d'autres enjeux, justifiant également une parcimonie. Et enfin, les autres énergies, renouvelables, par leur nature relativement rares et/ou intermittentes et qui sont donc logiquement “à consommer avec modération”. En plus de ces considérations générales environnementales, la situation actuelle (en ce début d'hiver 2022), rappelée en introduction, nous rappelle la nécessité de ne pas considérer l’énergie comme une ressource illimitée.
Voilà pour les limites énergétiques de la planète. Pour les limites du corps et de l’esprit, nous songeons à la définition conceptuelle de l’énergie de Jean-Marc Jancovici, à savoir : c’est ce qui transforme, mène d’un état A à un état B. Limiter sa consommation d’énergie, c’est alors limiter la transformation de son environnement, pour mieux s’ancrer dans son présent. C’est aussi plus solliciter l'énergie de son propre corps, le faire travailler, ce qui peut à certains égards être un mal pour un bien.
Une fois ces éléments posés, la sobriété énergétique se définit comme la mise en place de comportements et d’organisations, individuels et collectifs, qui visent à réduire notre consommation d’énergie dans son ensemble, afin de concilier besoins humains et environnement.

Minute papillon, c’est pas si simple

Disons-le, la démarche de la sobriété énergétique n’est pas un long fleuve tranquille.
  • Il faut, pour commencer, accepter de remettre en question son quotidien, tout son quotidien, car l’énergie est omniprésente.
  • Ensuite, il faut passer outre les 17 milliards d’euros d’incitation à la consommation (a.k.a publicité) en France.
  • Cela fait, il faut trouver le temps, car souvent, ce qui consomme moins d’énergie est plus long (typiquement, dans la mobilité).
  • Ça peut aussi être parfois plus cher, par exemple, pour faire réparer par un professionnel un matériel électroménager plutôt que d’en acheter un neuf.
  • Tout du long, on se heurtera parfois à un sentiment d'isolement dû à des choix parfois pas (encore) tout à fait en phase avec la norme de son entourage.
  • Et enfin, il faut arriver à ne pas se perdre en allant trop loin dans la chasse au kWh, et à trouver cet équilibre qui respecte son corps, son esprit, et sa planète.
Oui, ce n’est pas tout repos, mais c’est important et ça fait grandir chaque jour, c’est notre ressenti à la Rédac’ !

Aperçu général de notre consommation d’énergie en France

En France, la consommation d’énergie (tous types d'énergie confondus) se répartit comme suit :
  • la moitié pour le résidentiel et le tertiaire (50%);
  • un quart pour les transports (environ 25%);
  • environ 20% pour l’industrie *;
  • les 5% restants pour les divers autres usages (dont l’agriculture).
* Remarque : le chiffre de 20% pour l’industrie est sous-estimé, car il concerne la consommation d’énergie de l’industrie située en France, à laquelle il faut ajouter celle des nombreux produits que nous importons (et soustraire celle moins importantes des exportations)
Le lecteur assidu doit savoir que ces sujets ont déjà fait l’objet de nombreux articles dans notre abondant potager de LundiCarottes. Alors, comment attaquer de façon sobre chacun de ces postes ?

La sobriété énergétique, mise en pratique

Côté transport, nous pouvons vous rediriger vers ces articles sur l’altermobilité, sur la mobilité longue distance, sur le vélo, ou sur les métros. Un principe général qu’on peut mettre en avant, c’est que se déplacer dans un moyen de transport relativement lourd (disons une tonne pour une petite voiture) et à haute vitesse (disons supérieure à 50km/h), ce sera toujours gourmand en énergie (mention spéciale à l’avion).
Côté industrie (i.e. production de ce qu’on achète), notre article Quoi de neuf ? est peut-être notre meilleure carte. On pourra la compléter de quelques lectures sur des biens de consommation plus précis comme le téléphone portable ou de cet article sur la notion d’énergie “cachée” par exemple. Globalement, tout ce qu’on peut acheter d’occasion (et si possible sans faire 1 heure de voiture ;) ), c’est bon à prendre (et pour cela, on ne saurait trop vous conseiller d’utiliser par exemple Leboncoin).
Enfin, côté Résidentiel et tertiaire (qui sont dans le même groupe car ce sont les mêmes sujets), cela se compose en gros de chauffage ou de climatisation, de lumière, d’électroménager divers, et de matériel informatique. La fin de l’article va développer quatre conseils généraux pour nous aider à mener une démarche de sobriété énergétique dans nos chez-nous.

Quatre conseils pour la sobriété énergétique de son logement

1 . “Connais-toi toi-même”

Avant de se lancer dans la démarche, il est utile de comprendre le fonctionnement énergétique de son propre logement. À cette fin, voici une petite liste de questions que nous pouvons nous poser :
  • Quel est le DPE (Diagnostic performance énergétique) de mon logement (la note de A à E de son isolation thermique) ?
  • Quel est mon type de chauffage ?
  • Sur quelle température est réglée mon chauffage en journée d'hiver ? Et la nuit ?
  • À combien s’élève ma facture d’électricité annuelle ?
  • Sais-je accéder à mon baromètre de suivi de consommation Linky ?
  • Quel est le coût électrique journalier de mon réfrigérateur?
  • Quel est le coût électrique journalier de votre box Internet ?
Si vous avez des difficultés à y répondre, dites-le nous par email, nous ferons des recherches pour vous aider et des mises à jour de cet article en conséquence !

2. Par où commencer ?

Pour savoir par où commencer, il y a deux écoles. Les personnes qui veulent démarrer par ce qui a le plus gros impact, et celles par ce qui est le plus facile. Par curiosité et pour nous aider à construire nos futurs articles, petit sondage express en un clic : cliquez ici si vous êtes dans le club “Le plus important d’abord” et si vous êtes dans le club “Le plus facile d’abord” (remarquez que le fait que nous vous posions cette question vous oblige aussi à vous la poser ! Lecture active !).
Remarque : Sans surprise le club “Le plus important d’abord” est celui qui porte rapidement un impact plus important, sous réserve d’arriver à entreprendre les gros changements que ça propose. Le club “Le plus facile d’abord” va avancer sur une pente plus douce, mais a vocation à atteindre à terme le même impact !
Pour le club “Le plus important d’abord”, regardons quelques moyennes nationales. En 2018, l’ADEME répartissait ainsi la consommation électrique moyenne des ménages français :
Illustration
La consommation d’électricité résidentielle par usages en France en 2019 - Crédit photo : ADEME
C’est le chauffage qui remporte la palme d’or (d’autant plus que ce graphique ne comptabilise que la consommation d’électricité - si on ajoutait l’énergie consommée par les modes de chauffages non électriques, on se rendrait compte que la part du chauffage dans la consommation d’énergie des ménages est de loin la plus importante), avec 28% de la consommation électrique du foyer, en moyenne. Et là, bonne nouvelle : LundiCarotte a prévu de retravailler prochainement sur le chauffage. Vous pouvez déjà savoir que sans changer de chaudière, le moyen le plus efficace de consommer moins d’énergie de chauffage, c’est de l'éteindre ou de le régler sur quelques degrés de moins.
Pour le club “Le plus facile d’abord”, vous nous direz : chacun sa facilité. Le facile de l’un n’est pas le facile de l’autre. Voici en vrac quelques astuces qui peuvent passer pour symboliques, mais qui peuvent aider à le mettre, ce pied à l’étrier :
  • Éteindre les lumières dans les pièces dans lesquelles on n’est pas;
  • couper son ballon d’eau chaude lorsque l’on part en vacances;
  • éteindre ses appareils en veille, dont la box Wifi (si en plus ça peut dissuader de les rallumer...);
  • utiliser les programmes de lavage ECO (qui durent plus longtemps, car ils chauffent moins forts).

3. Heure creuse, heure pleine

La sobriété est aussi une affaire de tempo. Il s’agit de ralentir, ou plutôt d’adapter son rythme à un système un peu plus grand que soi. Cela commence par avoir en tête qu’à certains moments de la journée, de la semaine, ou de l’année, l’énergie est plus rare qu’à d’autres. Et ensuite d’adapter sa consommation à ce calendrier.
Et pour cause ! Quand l’énergie se fait plus rare et que l’offre peine à satisfaire la demande, les producteurs d’électricité sont amenés à allumer des centrales à énergie fossile pour éviter la coupure. Les émissions de GES liées à la production d'électricité augmentent. On dit alors que l’électricité est plus carbonée. L’outil Adapt.sh permet de visualiser en temps réel à quel point l’électricité en France est carbonée, ainsi qu’une prévision pour les jours à venir. En général, le plus simple à adapter est le lancement de ses cycles de lavage (linge et vaisselle). On peut aussi envisager de baisser son chauffage électrique durant les pics de consommation.

4. La force du groupe

Si vous êtes du genre à vous déplacer en bande, vous pouvez rejoindre un groupe “Défi Familles à Energie Positive”. Ce sont des dynamiques collectives de plusieurs foyers enclenchées par les collectivités locales, et ça a l’air de bien fonctionner (-12 % de consommation d’énergie en moyenne), en plus d'être ludique !
Nous espérons qu’avec cet article, vous attaquez l’hiver gonflés de belles intentions de sobriété énergétique, avec l’intime conviction qu’en plus d’une nécessité collective, il y a quelque chose de personnel à trouver derrière cette sobriété.
Laura Larrive et Théodore Fechner
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