Aujourd’hui LundiCarotte traite d’un sujet un peu spécial : nous quittons les rayons des supermarchés pour investir les nouveaux lieux de consommation qui s’inscrivent tous dans une démarche “circulaire”. Réparer, acheter d’occasion, emprunter, autant de pistes pour se passer du neuf et lessiver son empreinte carbone.

Quoi de neuf ?

Le 20 mai 2019
Aujourd’hui LundiCarotte traite d’un sujet un peu spécial : nous quittons les rayons des supermarchés pour investir les nouveaux lieux de consommation qui s’inscrivent tous dans une démarche “circulaire”.
Réparer, acheter d’occasion, emprunter, autant de pistes pour se passer du neuf et lessiver son empreinte carbone.
Vignette de l'article Quoi de neuf ?
Renoncer au neuf, c’est faire des économies sur deux tableaux : on évite l’utilisation de ressources naturelles et on ne produit pas de déchets.

Un gros sac à dos

Dans un rapport de 2018 intitulé Modélisation et évaluation des impacts environnementaux de produits de consommation et biens d'équipement, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a étudié l’empreinte environnementale de nombreux objets du quotidien, comme les vêtements ou l’électroménager, de leur production jusqu’à leur fin de vie.
Son premier constat est que, pour la quasi-totalité des objets, c’est la production qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, sur les 90 kg CO2 émis sur la durée de vie d’un manteau, plus de 75 kg CO2 sont imputables aux matières premières et à la fabrication ; sur les 20 kg CO2 émis pour un canapé convertible, 10 kg sont liés aux matières premières.
Ce rapport présente également un nouvel indicateur : le “sac à dos écologique”. Il représente le poids de l’ensemble des matières déplacées ou utilisées dans le cycle de vie d’un produit.
Le poids de ce sac à dos peut représenter jusqu’à 300 fois celui de l’objet fini, comme illustré ci-dessous. Imaginons un instant traîner derrière nous plusieurs dizaines de kilos chaque fois que nous mettons nos baskets préférées ou que nous regardons notre smartphone. Nous serions très vite épuisés !
Illustration
En bleu, le poids de l’objet fini et en orange, le poids de son sac à dos écologique : par exemple, pour un T-Shirt de 200 g, ce seront 10 kg de matière mobilisés (échelle logarithmique) - données Ademe

Haro sur la décharge !

Et ce n’est pas tout ; après une casse ou un dysfonctionnement, c’est généralement direction la poubelle.
En Europe, beaucoup d’organismes de traitement des déchets sont impuissants face aux composants chimiques lourds des équipements électroniques. Résultat, on les envoie dans des pays tiers, parfois avec des conséquences désastreuses. En témoignent les images (pdf) de la région d’Accra au Ghana, où on suspecte les déchets électroniques de l’Union européenne de polluer la chaîne alimentaire.
La Chine, a limité depuis 2017 ses imports de déchets plastiques venus d'autres pays.
Tous ces drapeaux rouges pointent dans une seule direction : la réduction des déchets. Bingo ! Le réemploi (réparation, occasion, prêt, don, ou surcyclage) participe grandement à cette réduction. La mairie de Paris chiffre à 13 kg (pdf, p.17) le poids de déchets par an et par habitant qui pourraient être évités par ce biais.
Cerise sur le gâteau, ces solutions permettent également la création d’emplois durables et non-délocalisables. La revalorisation des “déchets” et la réparation sont d’ailleurs au cœur de la Feuille de route économie circulaire (FREC) du ministère de la Transition écologique et solidaire, toujours d'actualité en 2022.
Autant de bonnes raisons pour éviter le neuf, mais comment fait-on concrètement ?

Prendre soin de ses affaires

Avant d’acquérir un nouveau bien, pourquoi ne pas commencer par bien s’occuper de ceux que l’on possède déjà ? Cela peut sembler évident pour certains, mais une visite chez le cordonnier peut, par exemple, allongé la durée de vie de chaussures de plusieurs années.
L'entretien est un atout à la prolongation des services de beaucoup de nos objets. Suivre les conseils pour s'occuper de son lave-linge ou de son frigo, faire durer la batterie de son appareil électronique ou encore apprendre à réparer son vélo un sont autant de pistes à explorer.
Lorsque notre cher objet est finalement kaput, quel qu’il soit, il existe des possibilités de le réparer. Une enquête du LaboFnac et Darty indique qu'environ 70 % des achats d’électroménager sont liés au renouvellement d’un produit défectueux.
D’abord, si on s’y connaît un peu ou qu’on a envie de mettre les mains dans le cambouis, on peut tenter un autodiagnostic et une autoréparation.
Sinon, n’hésitons pas à faire appel à tout l’écosystème local : voisins, famille, associations qui organisent des cafés de bricoleurs (carte) ou artisans. Sans oublier le service après-vente de certaines enseignes qui fait parfois des miracles.
« Pour réparer un objet plutôt que de s’en débarrasser, faisons appel à nos voisins, nos amis, des associations ou des artisans. »
On peut aussi chercher de l’aide en ligne via des groupes d’entraide sur les réseaux sociaux ou encore des entreprises comme Murfy qui proposent des interventions à prix fixe.

De très belles occasions

Le marché de l’occasion a énormément évolué depuis quelques années, notamment avec l’essor des plateformes en ligne, comme eBay ou le français LeBonCoin.
Dans le domaine du textile, certains estiment d’ailleurs que le marché de l’occasion devrait dépasser celui du neuf bon marché dans une dizaine d’années. Nous mentionnions déjà quelques alternatives dans notre article sur les vêtements.
À chaque occasion son occasion ! En ligne, on trouve presque tout, notamment des sites spécialisés dans des types de produits comme les articles de mariage, les jeux vidéos, les livres plus ou moins récents, la literie d’hôtel ou encore les vélos.
Cependant, des initiatives locales nouvelles comme les ressourceries montent en puissance. On en dénombrait pas moins de 175 sur le territoire français en 2021, collectant presque 40 000 tonnes de déchets pour les réparer, les vendre ou les recycler.
« L’économie circulaire permet de créer des emplois solidaires et non-délocalisables. »
Nous parlions en introduction d’une chance de créer des emplois solidaires et non-délocalisables, les ressourceries en sont la preuve avec presque 80 % de contrats d’insertion.
Sans vouloir jouer les rabat-joie, nous nous devions quand même de mentionner un certain effet rebond lié au marché de l’occasion.
Lorsque tout le monde a la capacité de devenir vendeur facilement, la tentation est grande de revendre au plus offrant pour ensuite écouler l’argent dans de nouveaux achats compulsifs. On revient ainsi à la surconsommation, aux antipodes de la durabilité.
Privilégions donc les modèles fondés sur le don et la solidarité comme les ressourceries ou encore les boutiques solidaires d'Emmaüs.

Emprunter ou donner

À l’heure où on nous incite de plus en plus à désencombrer nos chez-nous (nous vous en parlions pour les vêtements), on finit par se questionner sur la pertinence de la possession de certains objets.
On estime par exemple qu’une perceuse est utilisée en moyenne douze minutes sur l’ensemble de son cycle de vie. Pauvre perceuse, ça doit être triste de passer son temps sur une étagère du garage !
Pour remédier à ce phénomène, favorisons le don et l’emprunt. Ce sont des concepts sociaux qui rapprochent : par exemple mutualiser des outils de bricolage au sein d’une copropriété permet de faire se rencontrer les voisins. Un peu de lien social, dans une économie où on a tendance à attribuer une valeur marchande à n’importe quel petit service entre particuliers (livraison, dépannage, information, transport).
« Pour recréer du lien social, rien de mieux que le prêt et le don d’objets et de services. »
Au delà de l’électroménager, le don et l’emprunt concernent une vaste majorité de produits. L’exemple le plus criant est le réseau de 16 000 bibliothèques et médiathèques publiques dont dispose la France. On y trouve souvent plus que des livres : des CD, des DVD, voire même des consoles de jeu à emprunter ou utiliser sur place.
Pour aller plus loin dans la gratuité, de plus en plus de boîtes à don fleurissent sur le territoire : boîtes à livre ou véritables boutiques sans argent. Servane a testé en Suède et c’était top ! On trouve aussi leur pendant sur Internet comme le célèbre donnons.org ou encore recupe.net.

Rien de neuf, vraiment ?

Bref, nous ne pouvons que conseiller au lecteur enhardi de participer au Défi Rien de neuf organisé par l’association Zero Waste France.
L’idée est simple : tenir le compte des achats neufs que l’on a évités et calculer l’impact carbone et ressources. Le site propose également une énorme base de données des solutions locales et en ligne pour se passer du neuf. Beaucoup de liens de cet article en sont d’ailleurs issus.
Il existe des cas où l’achat de neuf semble préférable en termes environnementaux que de conserver un équipement quasi obsolète. Cependant, l'acquisition de nouveaux matériaux pour produire des objets moins polluant coûte cher à la planète.
C’est le cas des réfrigérateurs. En termes de consommation énergétique pure, la rentabilité d’un changement de frigo reste discutable : on compte près de 800 kWh pour la fabrication d’un appareil neuf, ce qui correspond à la consommation énergétique d’un réfrigérateur neuf pendant entre 2 et 7 ans selon l’étiquette énergie.
De plus, les plus vieux modèles produisent du froid grâce à des CFC (chlorofluorocarbones), interdits depuis les années 2000 en France ou des HFC (hydroflurorocarbones), interdits quant à eux depuis 2016 ! Ces deux affreux jojos sont des gaz à effet de serre au même titre que le dioxyde de carbone.
Si l'on se débarasse d'un vieux frigo, il faudra donc que l'entreprise de recyclage manie ces matières de manières responsables et ne les laissent pas s'échaper dans la nature. Tant qu'à faire, autant les garder bien au frais dans l'appareil déjà produit.
Dans les cas où la production d'un nouvel appareil revient à émettre moins de dioxide de carbone que continuer à utiliser l'ancien, il y a toujours la question de la destruction liée à la production des matériaux.
Si l'on veut par contre tenir compte de l'impact financier sur son porte-feuille, la conclusion peut parfois être favorable à un achat neuf.
Pour d’autres produits comme les chaussures de course (qui s’abîment vite) ou les sous-vêtements, la pertinence d’un achat neuf est laissée à la discrétion de nos lecteurs.
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Une infographie de la chaîne Partager C’est Sympa pour résumer toutes les alternatives au neuf

Les AstucesCarotte pour se passer du neuf

  • S’inscrire au Défi Rien de neuf organisé par l’association ZeroWaste France pour recevoir encore plus d’actualités et de conseils sur le sujet
  • Se renseigner sur les ressourceries présentes sur son territoire. Exemple à Paris ou en France (carte de 2017).
  • Faire le tri chez soi pour donner
  • Si on n’a pas de vide-grenier organisé à proximité, pourquoi ne pas tenter d’en organiser un ?
Ça y est, nous avons toutes les clés en main pour réduire drastiquement notre empreinte carbone en évitant le neuf.
Et lorsque l’on souhaite vraiment un nouvel objet, le mieux est encore de se tourner vers les alternatives les plus écologiques. ça tombe bien, votre newsletter préférée vous en conseille toutes les semaines !
Servane Courtaux, Laura Sereni et Alix Dodu
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