“Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.” Avec des phrases comme ça au XVIIIème siècle, le chimiste et philosophe (cocktail explosif) Antoine Lavoisier pouvait se targuer d’être en avance sur son temps. De là à dire qu’il est le papa du recyclage…

Rien ne se perd

Le 12 mars 2018
“Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.”
Avec des phrases comme ça au XVIIIème siècle, le chimiste et philosophe (cocktail explosif) Antoine Lavoisier pouvait se targuer d’être en avance sur son temps. De là à dire qu’il est le papa du recyclage…
Vignette de l'article Rien ne se perd
Parmi toutes les idées connues pour réduire ses déchets, la moins efficace est probablement le recyclage. Recycler quelque chose, ça demande de l’énergie, ça produit parfois des résidus toxiques et ce n’est pas toujours possible. En clair, il ne faut pas compter dessus pour résoudre tous nos problèmes.
Pour autant, quand on a un vieil ordinateur sur les bras ou qu’on ne sait pas quoi faire d’un épluche-carottes automatique qui aurait cassé sa pipe, il ne faut pas hésiter : envoyez-les fissa vers les filières de recyclage adaptées. Cela diminue l’utilisation de matières premières dont les réserves ne sont pas infinies, évite la pollution liée à leur extraction ainsi que celle lié à leur rejet dans la nature.

Facile, il suffit de les laisser sur le trottoir

Malheureusement pour les plus paresseux d’entre nous, laisser sur le trottoir un Déchet d'Équipement Electrique ou Electronique, appelé par la suite DEEE, n’est pas ce qu’on considère comme une filière de recyclage efficace. Et pour cause : soit le camion des encombrants qui le prend le comprimera (sauf dans certaines villes) et compromettra son recyclage, soit des personnes ou organismes plus ou moins illégaux prendront vos objets pour leur compte.
Il faut dire que chaque DEEE vaut son pesant d’or ! Ou d’argent, de platine, de cuivre, de fer… Il existe en France et en Europe des organisations plus ou moins recommandables qui s’en mettent plein les poches avec nos détritus. Sur les dix millions de DEEEs produits tous les ans en Union Européenne, moins d’un tiers atterrit dans les filiales légales.
En effet, recycler un DEEE, c’est à la fois récupérer les éléments de valeurs qu’il contient, mais aussi gérer la fin de vie de ses produits toxiques et polluants. La première étape est plutôt rentable, la seconde plutôt pas. D’où l’idée qu’on eu certains de récupérer la valeur des DEEEs et de se débarrasser discrètement du reste, en les enfouissant ou en les envoyant dans des pays moins à cheval sur ces sujets-là, principalement le Ghana ou le Chine.
Là-bas, des enfants s’occupent de trier les matériaux, au détriment de leur santé (cancers, troubles neurologiques, malformations congénitales, maladies de peau…). L’écologie du pays “d’accueil” en prend aussi un coup, notamment du fait de l’acide qui sert à extraire l’or des composants puis jetée dans les cours d’eau.

Mais alors, où jeter mon éplucheur électrique ?

En fait, il existe trois groupes d’acteurs susceptibles de faire un bon usage de vos vieux appareils :
  • les magasins d'électroniques
Les magasins comme la FNAC ou Darty sont légalement obligés de reprendre votre vieil appareil gratuitement si vous en achetez un neuf. C’est le principe du “1 pour 1”. C’est valable même si vous vous faites livrer. Le livreur doit prendre l’ancien dans son camion. Il y a aussi le “1 pour 0”, qui stipule qu’une grande surface d’électronique doit reprendre gratuitement vos petits appareils.
  • les associations
En tête de file, les associations Emmaüs et Envie font travailler des personnes en réinsertion professionnelle pour remettre en état les appareils. On peut aussi compter sur le vaste réseau des ressourceries
  • les éco-organismes agréés
Ce sont des entreprises à but non lucratif officiellement chargées par l’Etat (et payées) pour donner une fin de vie optimale à nos DEEEs. Les deux principaux sont Eco-systèmes et Ecologic.
Tout ce joli monde est répertorié cette sur cette carte. Vous ne pouvez pas vous perdre. Et si vous ne savez pas vers qui vous tourner, ne vous en faites pas : ces acteurs travaillent main dans la main. Environ 9/10ème des appareils collectés par les associations solidaires sont redirigés vers les éco-organismes du tri, et inversement les produits récoltés par la filière du recyclage mais qui fonctionnent encore sont donnés à Emmaüs et Envie.
Pour vous y retrouver, il faut tout de même en tête les quatres grosses catégories de DEEEs :
  • le gros ménager hors froid : lave-linges, fours, lave-vaiselles, chauffes eau…
  • le gros ménager froid : réfrigérateurs, congélateurs et climatiseurs
  • les écrans dont la diagonale de l’écran dépasse 18 centimètres : télévision, écrans plats, ordinateurs portables, tablettes
  • les petits appareils : téléphones, sèche-cheveux, cafetière, perceuses, épilateur, jouets pour enfant… C’est ici qu’on trouve notre épluche-carottes automatisé.
Le premier maillon de la chaîne de recyclage, c’est donc bien nous, quand on met notre appareil au bon endroit.

A quel avenir sont promis mes déchets ?

C’est une fois rentré chez nous, le cœur lourd de s’être séparé de notre vieil épluche-carotte qui nous faisait les meilleures soupes, que son voyage commence. Les appareils sont fichés pour assurer leur traçabilité, puis triés et envoyés dans une des 90 usines de traitement spécialisées en France.
C’est la main de l’homme qui s’occupe de démanteler les machines et de faire un premier tri des différents composants. C’est là par exemple que le béton du contrepoids des machines à laver est récupéré pour devenir des bouts de route ou de bâtiment. Le recyclage demande pas mal de main d’œuvre : Eco-systèmes emploie au moins 7 000 personnes sur le long de sa chaîne.
Après cette étape, certains appareils doivent être dépollués. C’est le cas des frigos, dont les fluides réfrigérants sont des gaz à effet de serre très polluants. Les fluides réfrigérants sont extraits et l’appareil est ensuite broyé sous atmosphère contrôlée pour aspirer les gaz à effet de serre présents dans les mousses isolantes. En France, c’est un peu plus de deux millions de réfrigérateurs qui sont recyclés tous les ans. Leur dépollution a évité jusqu’à présent l’émission de 2,5 millions de tonnes de CO2 équivalent dans l’atmosphère.
Vient le broyage. C’est le sort qui attend notre éplucheur. Une fois converti en milliers de petits bouts, des technologies multiples comme des lasers et des aimants permettent de séparer les différents métaux et plastiques... Les métaux qui contiennent du fer sont par exemple (PDF) transformés en armature de construction ou en ustensiles de jardinage. Le cuivre servira probablement à faire de nouveaux câbles et l’aluminium deviendra une pièce automobile.
Pour les plastiques, c’est plus subtil. Il en existe au moins vingt sortes, qui ne doivent pas être mélangés si on veut les réutiliser. On utilise pour ça une machine qui analyse les bouts de plastique avec un laser et les tri. Chaque tas est ensuite fondu et transformé en granulés qui pourront être utilisés pour de nouvelles applications : pare-chocs, pots de fleurs, bancs publics ou même emballages alimentaires pour certains plastiques alimentaires. Cette machine repère également le taux de matériaux dangereux pour la santé, notamment les retardateurs de flammes bromés.
On le voit, toutes les technologies dans nos vies demandent de la technologie en coulisse pour un recyclage efficace. Par exemple, pour les écrans, on est passé de l’écran à tube cathodique facilement recyclable aux écrans à pixels cristaux liquides (écrans LCD) qui sont de véritables casse-têtes du recyclage. Ils contiennent d’une part du mercure, un métal toxique, et d’autre part des matériaux rares comme l’indium. Les éco-organismes travaillent avec des scientifiques pour faire avancer les techniques de recyclage au rythme soutenu des autres avancées technologiques. Ils travaillent aussi avec les fabricants de DEEEs pour concevoir des produits plus facilement recyclables.

Et qui paye l’addition ?

Une dernière question se pose : qui paye pour tout ça ? Et bien, c’est nous ! Pour chaque achat d’un DEEE, le consommateur paye comme indiqué sur l’étiquette ce qu’on appelle l’éco-participation, qui correspond au coût de recyclage. Pour les frigidaires, par exemple, l’éco-participation est élevée (16€) car le traitement des fluides de refroidissement est coûteux, alors celle d’un smartphone qui contient des métaux de valeur ne sera que de quelques centimes.
Ce serait quand même dommage de se priver d’un service qu’on paye ...
Nous vous souhaitons une bonne semaine sans votre épluche-carotte automatique.
Alix Dodu et Théodore Fechner
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