En ce début de mois d’octobre, LundiCarotte épluche un fruit de saison, la pomme !

Le fruit défendu

Le 7 octobre 2019
En ce début de mois d’octobre, LundiCarotte épluche un fruit de saison, la pomme !
Vignette de l'article Le fruit défendu

Pomme de reinette et pomme d’api...

Originaire d’Asie centrale, la pomme est arrivée dans nos contrées par la route de la soie pour devenir le fruit préféré des Français, devant les bananes et les oranges. Nous en consommons en moyenne 7,5 kg par an, soit à peu près 37 pommes. Si cela vous semble beaucoup, sachez que ce chiffre concerne les pommes fraîches, mais aussi leurs produits dérivés.
Si la Chine reste, de loin, le plus gros producteur de pommes avec environ 40 millions de tonnes par an, la France se hisse dans le top 10 avec 1,7 million de tonnes. Parmi ces pommes produites en France, 50 % sont destinées à être vendues localement, environ 30 % à être exportées et les 20 % restants à être transformés en produits dérivés.
Sur les dix à vingt mille variétés de pommes existant dans le monde, la plus consommée en France est la Golden.

La pomme de discorde

Sur nos étals, on trouve des pommes toute l’année. Si ce fruit est cultivé pendant la majeure partie de l’année - d'août à avril (pdf), mais majoritairement cueilli de juillet à octobre - il ne devrait pas être disponible entre avril et août. Éclaircissons ce mystère.
Tout d’abord, France 3 (vidéo) nous apprend que la pomme est le fruit qui montre les meilleures capacités de conservation. Dans une cave fraîche, elle peut se conserver 2 à 3 mois. Dans le documentaire, on apprend également que pour en vendre toute l’année, les producteurs les stockent dans des chambres froides à atmosphère contrôlée, c’est-à-dire qu’ils remplacent l’oxygène de l’air par de l’azote. Le fruit ayant besoin d’oxygène pour mûrir, son remplacement bloque le processus de mûrissement et on peut ainsi le conserver entre 6 et 12 mois.
« Les producteurs stockent les pommes dans des chambres froides à atmosphère contrôlée, ce qui leur permet de les conserver jusqu’à 1 an. »
Ces chambres frigorifiques ne sont pas sans impact sur l’environnement : elles sont très gourmandes en énergie. Une chambre froide de 56 m3 avoisinant les 0° C consomme environ 42 306 kWh/an, soit 3 600 kg de CO2 (eq), en tenant compte du référentiel français, les chiffres variant selon les modèles. Sachant qu’un tel frigo peut contenir au maximum 120 000 pommes, cela donne un bilan de 30 g de CO2 (eq) par pomme, juste pour le stockage. C’était le CalculCarotte de la semaine ! BaseCarbone, qui chiffre l’impact carbone d’une pomme sans le stockage, nous dit qu’il est de 17 g de CO2 (eq) par fruit. Le stockage augmente donc considérablement l’impact des pommes. À titre de comparaison, une mangue a un impact de 61 g de CO2 (eq) / fruit.
En outre, pour maintenir une température basse, ces chambres froides fonctionnent encore parfois avec des gaz halogénés. Les deux principaux, le CFC et le HCFC, sont interdits en Europe, car trop nocifs pour la couche d’ozone. Cependant, l’utilisation de HFC, un produit à haut potentiel d’effet de serre reste, elle, autorisée. Ça fait froid dans le dos ! Les alternatives dites “à bas effet de serre” (CO2, ammoniac, eau et hydrocarbures) semblent pour le moment plus difficiles à mettre en œuvre, pour une efficacité moindre.
Pour éviter ces pommes réfrigérées, privilégions l’achat de pommes pendant la saison de la cueillette, de juillet à octobre, et renseignons-nous directement auprès des producteurs sur les marchés ou dans les magasins bios.
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Des pommes dans une chambre froide. Source : lapomme.org
Dernière astuce pour rendre les pommes vraiment immortelles : le SmartFresh, un produit permettant de stopper le vieillissement des pommes en inhibant la production d’éthylène, le gaz qui favorise la maturation. Suscitant parfois des doutes, le SmartFresh a toutefois obtenu un avis favorable de l’ANSES (pdf).
Ces deux méthodes de conservation permettent notamment aux producteurs d’avoir sous la main des fruits commercialisables, répondant aux exigences de taille, de forme et d’état de la grande distribution et des consommateurs.
Les pommes sont également disponibles toute l’année, car l’Europe importe au printemps des pommes de l’hémisphère sud. Pour être sûr d’acheter des pommes françaises, un réflexe simple est de vérifier l’origine des fruits sur les étiquettes.

Une pomme empoisonnée ?

Avant de croquer le fruit défendu, attardons-nous sur ses conditions de production et, notamment, son célèbre traitement aux produits phytosanitaires.
Pas de bol, les pommes sont parmi les fruits et légumes le plus souvent contaminés aux pesticides, d’après le classement (anglais) de l’ONG américaine Environmental Working Group (EWG).
Pas moins de 2 500 pesticides différents sont susceptibles de se retrouver sur les pommes françaises. En moyenne, les pommiers en agriculture conventionnelle recevraient 35 traitements par an. On pourrait dire qu’ils sont chouchoutés… ou pas !
Si certains affirment que les doses restant sur les fruits sont infinitésimales et, en tout état de cause, largement inférieures aux doses toxiques, Santé publique France reconnaît que leurs effets sur la santé des consommateurs sont largement méconnus. Greenpeace met notamment en garde contre un possible « effet cocktail » dû aux interactions des différents pesticides entre eux et d’autres substances présentes dans la nature.
« Les effets des pesticides sur la santé des consommateurs sont largement méconnus. »
Rien de plus simple, pour pallier cet amoncellement de produits à la surface des fruits, que de les faire tremper 15 minutes dans un bain au bicarbonate de soude, si tant est que l’on en ait la patience. Garance recommande d’ailleurs de le faire en revenant des courses, avant de les ranger. Une étude a conclu en 2017 qu’il s’agissait de la méthode la plus efficace pour “décrocher” un maximum de pesticides ! On peut également éviter les pesticides de synthèse en achetant plutôt des pommes bios.
En revanche, les pesticides ont un effet néfaste avéré sur la santé des agriculteurs qui les utilisent et qui y sont donc exposés à hautes doses.
Enfin, les humains ne sont pas les seuls affectés: la faune et la flore (dont les cultures elles-mêmes !) sont les premières à être en danger du fait de leur usage. Les abeilles, entre autres, connaissent un déclin dans les vergers, forçant les agriculteurs chinois à avoir recours à des humains pour polliniser les pommiers.
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En Chine, la pollinisation doit parfois se faire manuellement. Source : China Dialogue

Les bienfaits du fruit défendu

Comme aiment le dire nos voisins anglophones “an apple a day keeps the doctor away” (une pomme par jour éloigne le docteur). Nous avons vérifié.
Nombreuses sont les sources qui évoquent une diminution de la qualité nutritive des pommes en raison de l’appauvrissement des sols, de la croissance trop rapide des fruits et de leur cueillette prématurée, ainsi que des traitements de conservation. L’Organic Center parle de 3 fois moins de fer entre les pommes de 1940 et celles de 1991, le Nouvel Obs de 100 fois moins de vitamine C entre les pommes d’aujourd’hui et celles d’il y a 50 ans. Réjouissons-nous, d’après ce dernier, les pommes bios seraient moins touchées par cette diminution.
Tout bien considéré, les pommes restent un aliment très sain, dont les bienfaits ne sont plus à prouver ! Selon un article de Nature (anglais), la consommation de pommes représente 22 % des apports en polyphénols d’un Américain. Dans un article sur le thé, nous vous avions parlé des bienfaits de cette substance contre les maladies cardio-vasculaires et le cancer.
Les polyphénols n’ont cependant pas le monopole des bénéfices apportés par la pomme. Celle-ci contient également de la pectine, qui se fixe sur le mauvais cholestérol et empêche en partie son absorption.
Même si elle contient beaucoup d’eau (84 %), la pomme est également composée d’un petit panel de vitamines - C, B, E et A - et d’antioxydants.
« Consommer des pommes régulièrement préviendrait les maladies cardio-vasculaires, les cancers et le cholestérol. »

Les AstuceCarotte pour croquer les pommes à pleines dents

  • Privilégier l’achat sur le marché ou en magasin bio
  • Préférer l’achat de pommes fraîches entre septembre et mai, en utilisant éventuellement un calendrier par variétés, par exemple celui-ci
  • Si on l’on en a le courage, préparer de la compote maison à congeler ou à stériliser (recette ici) pour en consommer toute l’année
  • Vérifier la provenance des fruits
  • Peler et/ ou laver les pommes dans un bain de bicarbonate de soude avant de les manger
Comme notre maison brûle, concluons avec les paroles de feu le Président Jacques Chirac : « Mangez des pommes », si possible fraîchement cueillies, bios, et locales.
Elisa Autric et Garance Régimbeau
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