Cette semaine, la Rédac’ revient avec un nouveau volet sur le poisson et la pêche, avec une petite pensée pour tous ceux qui sont en train de déguster du poisson au bord de l’Océan.

Attention, ça mord !

Le 31 août 2020
Cette semaine, la Rédac’ revient avec un nouveau volet sur le poisson et la pêche, avec une petite pensée pour tous ceux qui sont en train de déguster du poisson au bord de l’Océan.
Vignette de l'article Attention, ça mord !

Dans le grand Océan…

Pour se donner un ordre idée, selon la FAO, en 2018, la consommation moyenne de poisson par habitant dans le monde se situait aux alentours de 20 kg avec, bien entendu, de grandes disparités selon les régions.
Si cela peut ne pas sembler aberrant à l’échelle individuelle, au niveau global, cela signifie que 179 millions de tonnes de produits aquatiques ont été pêchées cette année-là contre 101,8 en 1986.
De fait, au cours de ces 50 dernières années, la consommation mondiale de poisson a augmenté deux fois plus vite que la croissance démographique annuelle mondiale, en partie due au développement de certains pays. Ces derniers ont vu émerger une classe moyenne importante avec les moyens de consommer ce type de produits auparavant réservés à une minorité privilégiée.
La pêche fait aussi vivre de nos jours près de 60 millions de personnes, principalement en Asie. D’ailleurs, il faut savoir que la Chine représente à elle seule 35 % de la production mondiale de poisson et l’Asie dans son ensemble, près de 70 %.
D’ailleurs, que pêche-t-on ? Les trois espèces de poissons les plus pêchées au monde sont le colin (ou lieu noir selon les régions), l’anchois et le thon Listao.

Et le Commandant Cousteau dans tout ça ?

La France est un pays de pêche par tradition, mais pas seulement. Le fait qu’elle dispose d’une Zone économique exclusive sur tous les océans, sauf l’Arctique, lui donne accès à d’intéressantes ressources halieutiques. Une ZEE est un espace maritime entre les eaux territoriales et les eaux internationales qui ne peut être exploité que par les États côtiers.
Illustration
La flotte française en quelques chiffres
Conscient du caractère prometteur du secteur de la pêche, l’État le protège activement ainsi que les 600 000 personnes qui en dépendent, notamment par le biais de subventions publiques.
Cependant, la pêche française n’a pas grand-chose à voir avec les immenses chalutiers chinois. Plus des trois-quarts des bateaux français font moins de 12 m² et 80 % d’entre eux ne quittent pas la côte plus de 24 heures - on parle alors de petite pêche.
« Plus des trois-quarts des bateaux français font moins de 12 m² »
La pêche française est-elle donc restée une pêche de tradition ? Oui et non, car ce secteur en France souffre d’un marché international très compétitif : ⅔ des poissons consommés dans l’Hexagone viennent de l’étranger. Il fait aussi face à de multiples difficultés telles que l’augmentation du coût du carburant et le vieillissement de la flotte.

À la pêche aux moules

Pour comprendre cette concurrence sur le marché du poisson, il faut se tourner vers les différentes techniques de pêche. La première grande distinction à effectuer se fait entre la pêche par capture et l’aquaculture, plus précisément la pisciculture.
Si pour la plupart d’entre nous, pêche rime avec marins sur le pont, la réalité est tout autre, puisque sur la totalité des poissons pêchés en 2018, 46 % provenaient de la pisciculture.
Cette pratique peut être vue comme une forme d’élevage de poissons, en eau douce ou salée, puisque ceux-ci évoluent toute leur vie dans des cages sous-marines. Elle a le vent en poupe, puisqu’elle a été multipliée par 5,5 en seulement trente ans, passant de 14,9 millions de tonnes à près de 83 millions de tonnes.
La pêche de capture, quant à elle, mérite d’être à nouveau sous-divisée en plusieurs sous-catégories. Dans notre précédent article, nous faisions la différence entre pêche active et pêche passive, intéressons-nous aujourd’hui aux distances parcourues par les bateaux.
Il faut ici distinguer la pêche continentale qui représente 8 % de la pêche par capture et la pêche marine ou sauvage qui a lieu en dehors des eaux continentales.
Au niveau mondial, les grands pays producteurs de poisson sont la Chine, Taïwan, la Corée du Sud et l’Espagne. Depuis une trentaine d’années, ils dominent le marché, car ce sont les seuls à posséder des chalutiers industriels suffisamment grands pour aller pêcher dans les zones les plus reculées. Leurs flottes sont telles qu’aujourd’hui, 60 % de la surface totale des océans est exploitée pour la pêche.

Un écosystème qui prend l’eau…

Le principal problème causé par la pêche est celui de la surexploitation des ressources halieutiques. En effet, à nouveau selon la FAO, 33,1 % des stocks de poisson étaient surexploités en 2016 contre seulement 10 % en 1974 et 58,1 % étaient exploités au maximum.
Au sein des espèces surexploitées, on retrouve sans surprise les poissons les plus consommés tels que l’anchois, le hareng, le thon ou la morue.
Illustration
Depuis 1974, la pêche mondiale est sur une mauvaise pente..
Enfin pas de fatalisme, la loi américaine pour une pêche durable de 1996 a déjà permis de ramener 64 % des stocks surexploités à une situation biologiquement durable. Tout n’est pas foutu !
De plus, tous les types de pêche ne sont pas aussi nocifs et les principaux problèmes sont causés par la pêche au chalut. D’ailleurs, concernant les méfaits de la pisciculture sur l’environnement, on vous renvoie à notre premier volet sur les poissons.
Au-delà de la biodiversité, la pêche pose un autre problème écologique, celui de la pollution causée par les navires en termes d’empreinte carbone et de déchets plastiques. En effet, la consommation de gasoil par les navires est particulièrement élevée. En 2000, une étude montre qu’il fallait en moyenne 0,6 litre de gasoil pour pêcher un kilo de poisson et pour les chalutiers, on montait à 3 litres.
« Les filets de pêche représentent 10 % de la pollution plastique des océans »
Concernant les déchets plastiques, les filets de pêche représentent 10 % de l’ensemble de la pollution plastique des océans, en particulier ceux issus de la pêche illicite et non déclarée.

…Et des populations qui boivent la tasse

La surpêche peut aussi affecter directement des population dans certains pays en voie de développement qui sont dépendants de cette activité, notamment en Asie du Sud Est, en Afrique et dans les pays insulaires .
En Afrique, les pêcheurs doivent dorénavant s’éloigner de plus en plus des côtes pour trouver les bancs de poissons, puisque les grands bateaux industriels arrivent pour pêcher près des côtes. En effet, en Mauritanie et au Sénégal, 1 % des bateaux industriels réalisent 50 % des prises à eux seuls, ce qui accroît considérablement la précarité des petits pêcheurs.
L’impact est encore plus important pour les femmes qui sont particulièrement dépendantes de cette activité, car ce sont elles qui préparent les lignes et les filets, partent à la recherche de crédits pour les chalutiers et s’occupent de la transformation du poisson pour sa commercialisation. Pour elles, la surpêche est synonyme de raréfaction de la ressource première de leur labeur et donc, d’augmentation de leur pauvreté.
Mais les conséquences ne s’arrêtent pas aux producteurs. Lorsque les quantités de poissons prises diminuent à cause de la surpêche, les prix augmentent et il devient plus difficile pour les populations les plus vulnérables d’y avoir accès.
Résultat, certaines personnes ne pouvant pas acheter les parties nutritives du poisson se tournent vers des restes appelés poissons-déchets, qui sont à la fois peu chers et peu nourrissants. Cela entraîne une augmentation de la malnutrition qui, elle-même, peut affaiblir le système immunitaire favorisant les maladies comme le paludisme, la rougeole, la diarrhée au sein de populations déjà fragiles.
Cette pratique s’explique par le fait que le poisson pèse pour près de 20 % des protéines animales pour 3,1 milliards de personnes dans le monde et que 24,7 % des protéines animales venant du poisson sont consommées dans les pays peu développés. Ces chiffres montrent la place centrale occupée par le poisson dans le régime alimentaire de ces pays.

Une pêche durable à tribord !

La pêche durable englobe toutes les méthodes de pêche qui ne dégradent pas la capacité de reproduction des espèces de poisson menacées, de sorte que l'écosystème n'est pas endommagé et que la proportion de prises dues à la pêche est fortement réduite. Les produits de la pêche durable peuvent provenir de la pêche en mer, de la pêche continentale, de la pêche côtière, de la pêche à la ligne, mais aussi de l'aquaculture.
Comment faire pour consommer des produits issus de la pêche durable ? Pas si simple en réalité : une enquête du magazine UFC Que Choisir révèle que 86 % des poissons vendus dans les grandes surfaces en France sont pêchés selon des méthodes non durables et dans des stocks surexploités.
De plus, les étiquettes sur la méthode et la zone de pêche ne sont pas toujours conformes, ce qui rend la tâche encore plus compliquée pour celui qui veut consommer responsable.
« les étiquettes sur la méthode et la zone de pêche ne sont pas toujours conformes »
En effet, depuis 2014, l’étiquette devrait mentionner explicitement la méthode de production, la zone de pêche ou le pays d'élevage, la catégorie de l'engin de pêche et éventuellement l'indication « décongelé », mais en réalité, ces informations sont bien souvent peu lisibles et souffrent d’absences de mentions.
Ne perdons pas espoir, il existe malgré tout des moyens de consommer du poisson issu de filières durables. Par exemple, il est recommandé de limiter sa consommation de thon rouge, d’espadon, de saumon de l’Atlantique et de poissons des grands fonds, comme l'empereur ou le flétan qui sont des espèces en danger.
ll faut aussi privilégier les poissons de grande taille qui ont atteint leur maturité sexuelle.
Pour d’autres espèces comme le merlu, l’arbitrage est plus compliqué. Celui de l’Atlantique est considéré comme durable, mais pas celui de Méditerranée... autant dire que faire ses courses devient tout une odyssée.
D’autant plus qu’il faudrait aussi se pencher sur les périodes de reproduction de chaque espèce pour consommer en toute bonne conscience.
Illustration
Quels labels choisir.
Comme il est évident que nous n’avons pas tous le temps de nous renseigner en profondeur pour chacun de nos achats, quelques labels nous offrent un gage de garantie et de qualité :
  • L'écolabel public Pêche Durable certifie aux consommateurs que les produits répondent à des exigences environnementales, économiques et sociales.
  • Pour la filière française de la pêche, deux logos sont à retenir : France pêche durable et responsable et Pavillon France.
  • Le label international Artysanal œuvre pour une pêche responsable qui respecte des critères environnementaux, sociaux et économiques pour les pêcheries artisanales.
  • Le label Pêche Artisanale & Bar de ligne - Pointe de Bretagne s’engage à des méthodes de pêche à faible impact environnemental et s’attache à prendre des poissons matures et en moindre quantité.
Concernant le label MSC (Marine Stewardship Council), l’un des plus connus au monde, il a fait l'objet de plusieurs polémiques quant à sa fiabilitié. Une étude menée par un groupe de chercheurs a analysé les 19 objections formelles formulées à propos des certifications de quelques pêcheries problématiques au sein du MSC.
Par exemple, la pêcherie de colin d’Alaska avait plusieurs fois été jugée non conforme à la législation nationale, mais s’est quand même vue octroyer la certification MSC.

A la pêche aux moules...

Pour les pêcheurs du dimanche, deux choses essentielles à savoir.
D’abord, il est interdit de vendre le poisson pêché, celui-ci doit être remis à l’eau ou bien consommé par le pêcheur et sa famille. Ensuite, si la pêche maritime ne nécessite pas de permis, celle en eau douce requiert l'achat d'un permis de pêche.
En pratique, les réglementations changent souvent et diffèrent d’une région à l’autre. Pour ne pas avoir de mauvaises surprises, il vaut donc mieux se renseigner auprès de la Direction départementale des territoires et de la mer (délégation à la mer et au littoral) sur la réglementation applicable concernant les zones d’interdictions, de restrictions ou les zones d’activité et les tailles de capture admises.
La majorité des règles concerne les tailles minimales de capture, les quotas en vigueur et le respect des fermetures de pêche pour certaines espèces et le marquage des captures.
Une solution parfois pratiquée par les pêcheurs amateurs est la pêche en “no-kill”. Cette pratique permet aux adeptes de cette activité de profiter de la nature et de temps précieux en famille, seul ou avec des amis, sans pour autant mettre à mal l’écosystème aquatique. Celle-ci n’est toutefois pas sans risque et peut facilement mener à la mort du poisson pêché si les manipulations sont trop brutales ou hâtives.

Les Astuces-Carottes pour s'en sortir dans le grand Océan:

  • Aller (re)lire notre premier article sur le poisson pour un panorama plus complet du sujet.
  • Privilégier les labels de pêche durable mentionnés ci-dessus.
  • Éviter certains poissons comme le thon rouge, le flétan ou le requin qui sont des espèces menacées.
  • Pour les amateurs de pêche en no-kill, à celle avec un ver sur un hameçon, car cette dernière est beaucoup plus mortelle pour les poissons.
On espère que ces deux dernières semaines se sont bien passées et on vous souhaite une très bonne semaine !
Alice Leleu et Mohamed Youssouf
Partager ce LundiCarotte
MAILTWFB