Chers lecteurs et chères lectrices, vous êtes-vous déjà demandé quel était le point commun entre un mariage, la Saint-Valentin et des obsèques ? Les fleurs, pardi ! Qu'elles soient synonymes de célébration ou de deuil, offertes à un ami qui nous reçoit pour dîner ou simple plaisir du quotidien acheté pour soi au marché, les fleurs coupées nous accompagnent dans de nombreux moments de notre vie. En 2019, nous vous parlions des plantes d’intérieur (ficus, orchidées et autres jacinthes), mais cette fois, nous nous concentrons sur les végétaux qui n’ont pas de pot. (Vous l’avez ?) Nous avons donc décidé de vous faire une fleur et d’aller mettre notre nez de carotte dans le sujet : d’où viennent les fleurs coupées vendues sur les marchés et chez les fleuristes ? Dans quelles conditions sont-elles produites et quel est leur impact sur la planète ? Est-ce qu’offrir des roses à la Saint-Valentin est une si bonne idée ?

Ça sent pas la rose

Le 14 février 2022
Chers lecteurs et chères lectrices, vous êtes-vous déjà demandé quel était le point commun entre un mariage, la Saint-Valentin et des obsèques ? Les fleurs, pardi ! Qu'elles soient synonymes de célébration ou de deuil, offertes à un ami qui nous reçoit pour dîner ou simple plaisir du quotidien acheté pour soi au marché, les fleurs coupées nous accompagnent dans de nombreux moments de notre vie. En 2019, nous vous parlions des plantes d’intérieur (ficus, orchidées et autres jacinthes), mais cette fois, nous nous concentrons sur les végétaux qui n’ont pas de pot. (Vous l’avez ?)
Nous avons donc décidé de vous faire une fleur et d’aller mettre notre nez de carotte dans le sujet : d’où viennent les fleurs coupées vendues sur les marchés et chez les fleuristes ? Dans quelles conditions sont-elles produites et quel est leur impact sur la planète ? Est-ce qu’offrir des roses à la Saint-Valentin est une si bonne idée ?
Vignette de l'article Ça sent pas la rose

Le marché de la fleur coupée

Commençons par un petit retour en arrière : ça vient d’où, cette idée de s’offrir des fleurs coupées ?
Les fleurs coupées font partie de ce que l’on appelle “l’horticulture ornementale”, aux côtés des plantes en pot et à massifs, pépinières et bulbes. Et l’horticulture ornementale, ça démarre vers 3 000 avant J.-C., où l’on commence à faire pousser des végétaux “pour faire joli” et pas seulement pour qu’ils soient utiles. Les fleurs servaient alors à confectionner des couronnes à poser sur la tête ou bien constituaient des offrandes aux dieux. Puis, sont apparus les premiers bouquets pour décorer lors de fêtes.
Vers la fin de l’empire Romain (autour de l’an 400), la couronne de fleurs se transforme en symbole de richesse, car les fleurs coupées sont un produit de luxe. Si la chute de l’empire met un frein au marché des fleurs, la Renaissance (XVe et XVIe siècle environ en France) et ses explorateurs lui redonnent du souffle, jusqu’à faire de certaines variétés, comme les tulipes au XVIIe siècle, un véritable business annonciateur des échanges commerciaux contemporains, puisqu’en 2020, le marché des végétaux d’intérieur représente près de 1 milliard d’euros ! C’est plutôt pas mal : pour vous donner une idée, le marché du chocolat c’est un peu plus de 3 milliards d’euros, sachant que 4 français sur 5 en mangent chaque semaine !
En 2021, les fleurs coupées (la rose en tête) représentent 59 % des dépenses des Français dans le marché des végétaux d’intérieur, suivies de près par les plantes fleuries (30 %) avec leurs stars : les orchidées. En tout, les Français ont dépensé en moyenne 115 euros pour fleurir leur vie.
La consommation a d’ailleurs un peu changé depuis le début de la crise sanitaire. Suite aux deux confinements de 2020, leurs achats de végétaux d’intérieur ont augmenté et 41 % d’entre eux estiment que les végétaux sont devenus plus importants pour eux depuis le début de la crise sanitaire. De là à supposer que les fleurs participent peut-être à notre bien-être, à nous sentir plus proches de la nature et à avoir un intérieur dans lequel on se sent bien, il n’y a qu’une carotte.

On a découvert le pot aux roses

Mais si elles font souvent du bien au moral, les fleurs ne font malheureusement pas toujours du bien à notre planète… Regardons cela de plus près. Pour les fleurs coupées comme pour les plantes d’intérieur, ça pèche à différents niveaux, notamment :
  • Culture sous serres chauffées, où chaque mètre carré peut consommer presque autant qu’un congélateur !
  • Très grande consommation d’eau (entre 3 et 18 litres pour un bouton de rose en fonction des méthodes de culture), ce qui peut entraîner des situations catastrophiques dans certains pays de culture, comme au Kenya, avec l’assèchement du lac Naivasha ;
  • Fleurs importées de pays où l’utilisation de produits chimiques n’est pas ou peu réglementée et où les personnes qui les cultivent ne disposent pas d’équipements de protection adaptés. Ces fleurs, vendues ensuite en France, contiennent souvent de grandes quantités de pesticides, fongicides… dont certains sont théoriquement interdits par l’UE.
Nous vous en parlions déjà dans un article sur les plantes d’intérieur et, comme avez pu le voir, le tableau n’est pas terrible !

C’est le bouquet !

Si on se penche sur le transport, 81 % des fleurs coupées vendues en France viennent de l’étranger, dont 68 % des Pays-Bas. La Belgique, l’Italie et l’Espagne suivent ensuite pour les fournisseurs de l’Union européenne et la Colombie, l’Équateur, l’Éthiopie, le Kenya et l’Afrique du Sud pour les pays hors UE. Les fleurs se promènent donc un peu avant d’arriver dans un vase sur votre table basse et forcément, ça rajoute à l'impact.
En plus, comme ces beautés végétales sont fragiles, le transport routier se fait dans des camions réfrigérés, qui rejettent davantage de CO2 qu’un camion classique. Et pour celles qui ne prennent pas la route, elles s’envoient en l’air en avion, qui est loin d’être le moyen de transport le plus sobre, mais on ne vous apprend rien…
Quand on fait les comptes, une rose venant du Kenya émet environ 2,4kg de CO2eq. Pour vous donner une idée, produire 125 g de bœuf (ce qui correspond à un steak) demande 4,5 kg de CO2eq. Un bouquet de 10 roses, et hop, c’est l’équivalent de l’impact CO2 d’un peu plus de 5 steaks qui vient d’atterrir dans un vase. Aïe.
Pour autant, ce serait faux de dire que plus une fleur vient de loin, plus son impact est important. En effet cette même rose venant des Pays-Bas a un impact équivalent ! Ce qui est économisé en transport est émis en électricité, car la culture des roses se fait sous serre chauffée, alors qu'au Kenya le climat est propice à une culture en plein air. Attention aux idées reçues donc, le mode de production peut avoir un effet aussi important que le transport.
La bonne nouvelle, c'est qu'une fleur cultivée localement, et en plein air, donc de saison, a un impact bien moindre. D'après une étude britannique, une fleur de lys des Pays-Bas a un impact de 3,5kg de CO2eq, contre 0,8kg de CO2eq pour une fleur de lys locale, soit 4 fois moins. Certaines fleurs descendent a 52g de CO2eq.

Plaisir d’offrir, joie de recevoir

Pas facile de se repérer dans toute cette jungle, si vous souhaitez acheter des fleurs qui ont un impact minimum sur la planète et les humains. Nous avions dressé dans cet article sur les plantes d’intérieur une liste détaillée des labels de confiance. Retrouvez ci-dessous ceux qui comportent un volet environnemental :
  • Plante Bleue pour des fleurs françaises, cultivées par des producteurs horticoles ayant de bonnes pratiques, notamment en termes de gestion de l’irrigation et des déchets, de respect de la biodiversité et de l’environnement et de règles sociales et sociétales ;
  • MPS engage les horticulteurs à contrôler les intrants (les éléments entrant dans la production des fleurs) de leurs exploitations tels que l’eau, l’énergie et les fertilisants utilisés. C’est un label européen ;
  • Fleuriste écoresponsable pour des boutiques de fleuristes qui ont un impact social et environnemental global positif, via notamment une meilleure gestion des consommations d’eau et d’énergie, des déchets et des achats ;
  • Fleurs de France assure une production française des fleurs et, combiné avec les autres labels ci-dessus, garantit une démarche écoresponsable ou une qualité supérieure des végétaux ;
  • Agriculture Biologique assure l’absence de produits chimiques de synthèse et d’OGM.
N’hésitez pas à engager la conversation avec votre fleuriste pour l’interroger sur la provenance des fleurs ou pour savoir si elles sont bios ! En effet, s’il est obligatoire depuis juillet 2021 de signaler lors de l’achat les végétaux potentiellement dangereux pour la santé ou provoquant des allergies, comme le laurier-rose (à ne pas manger !) ou le frêne (alerte pollen !)... cette loi ne concerne pas les fleurs coupées ! Méfiez-vous donc lorsque vous mettez votre petit nez dans un bouquet, le parfum des fleurs pourrait cacher des substances moins poétiques.
D’autres initiatives, qui ne sont pas des labels, proposent des fleurs cultivées de manière responsable, mais aussi solidaire, par exemple en favorisant l’emploi de personnes en parcours d’insertion comme “Le chemin des Fleurs” (ex-Fleurs de Cocagne).
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Les logos à repérer chez votre fleuriste ! - Crédit photo : LundiCarotte

Voir la vie en rose

S'il y a bien un moment où l'on s'intéresse aux roses, c'est la Saint-Valentin. La tradition de s’offrir des roses entre amoureux est relativement récente et liée à la transformation de cette fête en événement commercial (que tout un chacun est d’ailleurs libre d’interpréter et de célébrer à sa guise). Offrir des fleurs ou écrire un billet doux à sa chérie ou son chéri, à ses amis, ses parents, tout est permis pour dire je t’aime. (#3615 Carotte du Love).
Quelles soient roses, rouges ou blanches, les roses sont de nos jours les grandes stars de cette fête de l’amour (avec les chocolats - pas ceux avec la liqueur dedans, voir notre article dédié).
En France, en 2019, les Français ont importé pour 127 millions d’euros de roses, soit, à la louche, 466 millions de tiges (va falloir investir dans un gros, gros vase). En volume, 84 % des roses importées viennent des Pays-Bas et 11 % du Kenya, ce qui en fait l’une des fleurs les plus polluantes.
Mais voilà, les traditions ont la vie dure, car dans le langage des fleurs, les roses sont associées à l’amour, alors a priori quoi de plus naturel que d’offrir des roses aux personnes que l’on aime ? Rose rouge pour l’amour passion, rose blanche pour l’innocence et le charme, rose rose pour la tendresse…
Sauf que voilà, il y a un hic (un de plus)… les roses, ça ne pousse pas du tout en février !!!
Et oui, comme pour les fruits et les légumes, il y a des saisons pour les fleurs !
  • En hiver, retrouvez le mimosa, les renoncules, ou les anémones… mais pas les roses !
  • Au printemps, dites bonjour à la tulipe, au muguet et à la pivoine ;
  • En été, nos amies les roses sont enfin là, avec leurs compagnes les tournesols et les hortensias ;
  • En automne, c’est la fête pour les lisianthus, les dahlias et les chrysanthèmes.
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Crédit photo : LundiCarotte
Et là, vous vous dites : vous êtes bien gentils, les carottes, mais je fais quoi, moi, à la Saint-Valentin, si je n’offre pas de roses ? Si vous êtes en panne d’idées, voilà quelques suggestions qui ne feront pas trop de mal à la planète, mais qui feront battre le cœur de ceux que vous aimez :
  • Pas de plat cuisiné ce soir, mettez-vous en cuisine et dégainez vos meilleures recettes végétariennes, accompagnées peut-être d’un bon vin (à consommer avec modération !) ;
  • Sortez votre plus belle plume pour écrire des mots d’amour sur une jolie carte en papier recyclé ;
  • Offrez un moment à passer ensemble : sortie ciné, théâtre, expo ou restaurant près de chez vous ;
  • Un livre de poèmes sur l’amour, déniché d’occasion ;
  • Rendez visite à votre fleuriste de quartier pour un bouquet de fleurs, oui, mais de saison, bios et avec les labels qui vont bien.

Les Astuces Carottes pour des fleurs qui (ne) font (pas) un malheur

  • Soyez attentifs aux fleurs de saison : pas question d’acheter des hortensias en plein hiver, c’est comme pour les tomates sans goût, ça n’a pas d’intérêt ;
  • Jetez un œil aux labels pour des fleurs respectueuses de la terre et les humains qui la cultivent, comme Plante bleue ou Agriculture Biologique ;
  • Pour la Saint-Valentin, oubliez les roses, écrivez un billet doux et glissez-le dans un bouquet d’anémones, de renoncules et de mimosas ;
  • Pour prolonger cet article, on ne peut que vous conseiller l’excellent documentaire présenté par Hugo Clément intitulé “Saint-Valentin : que cachent nos bouquets ?” avec une enquête qui nous emmène dans les plus grandes “fermes de roses” du monde.
Audrey Ceyrat
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