Bienvenue dans le deuxième LundiCarotte à propos du nucléaire ! Dans le premier volet, nous avons décortiqué ce que nous risquions quand le nucléaire fait une grosse colère. Bien qu’il puisse être virulent, et que nous ne sommes jamais entièrement à l’abri d’une catastrophe humaine ou naturelle imprévue, nous avons découvert qu’il est en fait un enfant sage en comparaison de ses acolytes fossiles. Cette semaine, nous nous penchons sur les différents impacts environnementaux et sociaux que son casse-croûte, l’uranium, peut avoir avant et après son passage dans la centrale nucléaire.

L’uranium, mon précieux...

Le 29 juin 2020
Bienvenue dans le deuxième LundiCarotte à propos du nucléaire ! Dans le premier volet, nous avons décortiqué ce que nous risquions quand le nucléaire fait une grosse colère. Bien qu’il puisse être virulent, et que nous ne sommes jamais entièrement à l’abri d’une catastrophe humaine ou naturelle imprévue, nous avons découvert qu’il est en fait un enfant sage en comparaison de ses acolytes fossiles. Cette semaine, nous nous penchons sur les différents impacts environnementaux et sociaux que son casse-croûte, l’uranium, peut avoir avant et après son passage dans la centrale nucléaire.
Vignette de l'article L’uranium, mon précieux...
Comme nous l’expliquions voici deux semaines, l’électricité est produite à partir de la division d’atomes d’uranium, qui relâchent une grande quantité d’énergie. Celle-ci chauffe de l’eau, entraînant des turbines reliées à un alternateur, une machine qui transforme la rotation de la turbine en électricité. L’eau est ensuite refroidie, libérant la vapeur d’eau caractéristique qui s’échappe des tours de la centrale, et le cycle reprend son cours.
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Institut de Radioprotection et de Sécurité Nucléaire (IRSN) - La chaleur libérée par la fission nucléaire d’uranium est un moyen efficace de chauffer de l’eau pour entraîner une turbine à vapeur.

En fait l’uranium, c’est quoi ?

Grosse surprise, l’uranium n’est pas une pépite verte fluorescente, mais un métal gris argenté. L’uranium naturel est peu radioactif, mais il est quand même toxique pour la vie, comme d’autres métaux dits eux aussi “métaux lourds”, tels le plomb et le mercure. Quand on y est exposé, l’uranium s’accumule dans les reins et affecte leur fonctionnement.
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Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’uranium ne brille pas dans le noir.
Bien que les gisements français du Limousin et de Vendée contiennent encore quelques ressources d’uranium enfouies profondément, celles-ci ne sont pas considérées comme faisant partie des réserves mondiales d’uranium. Les ressources désignent la totalité des quantités de minerais identifiées, tandis que les réserves, termes utilisés plus couramment lorsqu’il s’agit de matières premières minières, désignent la part de ces ressources dont l’exploitation économique est assurée dans les conditions actuelles politiques, technologiques, financières, d’infrastructure, etc. Merci au site “Connaissance des énergies” pour cette définition. En somme, les mines d’uranium françaises ne sont, jusqu’à nouvel ordre, plus économiquement exploitables. Notre uranium est donc importé, principalement du Niger, de l’Australie, du Canada et du Kazakhstan. Ceci lui procure un avantage géopolitique face au pétrole fourni en grande partie par des pays qui connaissent des tensions internes et des tensions avec l’État français.
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Image CEA - Données de la World Nuclear Association (2009) - Les réserves mondiales d’uranium sont concentrées principalement en Australie, au Canada et au Kazakhstan.

On en a pour combien de temps ?

Comme l’uranium, contrairement au vent ou au rayonnement solaire, est une ressource finie, le nucléaire n’est pas une énergie renouvelable. Ceci le situe au même rang que le gang des énergies fossiles (gaz, pétrole et charbon).“Connaissance des énergies” nous fait un petit récapitulatif du temps restant jusqu'à épuisement des combustibles pour chacune de ces énergies. À noter que ces réserves sont la part des ressources terrestres économiquement intéressantes. Ceci veut dire qu’elles fluctuent en fonction de la consommation, des nouvelles ressources d’uranium trouvées, du prix du marché, des nouvelles technologies d’extraction…
  • le pétrole : environ 44 ans de réserves prouvées
  • le gaz : environ 41 ans
  • le charbon : environ 90 ans, et enfin,
  • l’uranium : un peu moins de 90 ans
« L’uranium est une ressource finie. »
Pour prolonger les réserves, 22 centrales françaises sont équipées de technologies permettant de réemployer une partie des déchets radioactifs en tant que nouveau combustible. Ce recyclage partiel permet déjà de produire plus de 10 % de l'électricité nucléaire française, tout en réduisant le volume et la toxicité des déchets radioactifs. En revanche, il a pour sous-produit du plutonium, qui doit être mis sous surveillance accrue, puisqu’il peut faciliter la fabrication d’armes nucléaires : 5 kg de plutonium avec un peu d'uranium enrichi suffisent pour une bombe, contre 50 kg d’uranium enrichi à 90 % - ce qui est beaucoup !- quand on n’a pas de plutonium.
Pour aller plus loin dans le réemploi de ressources nucléaires, de gros espoirs résident dans les générateurs dits “de 4e génération”. Ceux à neutrons rapides, en développement en France, permettraient selon les experts d’utiliser l’uranium sans avoir à l’enrichir, augmentant la durée de la réserve 50 à 100 fois. Avec ces nouveaux réacteurs, l’avenir nucléaire serait donc assuré pendant 4 500 à 9 000 ans ! C’était le CalculCarotte de la semaine !

D’où vient l’uranium exactement ? N’y avait-il pas une histoire de scandale avec des mines françaises au Niger ?

Comme toute activité minière, extraire de l’uranium chamboule le paysage : les trois techniques privilégiées étant l’exploitation en galeries souterraines (comme le charbon), à ciel ouvert ou par injection de produits chimiques dans les sols. Un avantage environnemental est que le nucléaire est peu gourmand en uranium et que l’extraction se fait généralement de manière contrôlée.
Cependant, l’exploitation des gisements nigériens par Orano (anciennement Areva) a fait scandale. La compagnie française s’est attiré les foudres d’ONG depuis les années 2000. On lui reproche entre autres d’instaurer des durées de travail excessives et de ne pas avoir reconnu comme maladie professionnelle de nombreux cancers et maladies du rein. Comme on le voit dans ce documentaire, les habitants environnants, mal informés, sont exposés aux émissions radioactives des matériels miniers réemployés pour fabriquer de la tuyauterie ou des ustensiles de cuisine. À noter que des problèmes similaires, pourtant évitables avec une régulation efficace, ont aussi été rencontrés dans certaines villes limousines près d’anciennes mines d’uranium fermées en 2001.
« Le nucléaire nécessite relativement peu d’uranium et les mines d’exploitation sont une ressource économique importante pour les régions concernées, mais l’exploitation des gisements nigériens par Orano se fait dans de mauvaises conditions sociales et sanitaires. »
Il reste donc beaucoup de progrès à faire en ce qui concerne l’exploitation minière. Après ces débuts peu joyeux, l’uranium est exporté du pays d'origine et enrichi pour devenir un combustible digne de ce nom. En France, cette opération est effectuée par Orano à Georges Besse II dans la Drôme, l’une des trois principales usines d’enrichissement du monde.
On vous parlait déjà “d’enrichir” l’uranium plus haut, quid de cette pratique ? Les particules d’uranium existent sous différentes formes et le minerai naturel est très pauvre en “uranium 235”, la particule utilisée dans les centrales. Le minerai est donc concentré par de nombreuses opérations chimiques jusqu’à produire des tubes remplis de pastilles d’uranium enrichi : les “crayons” de combustible.
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Le casse-croûte du nucléaire ne vaut pas une bonne poignée de spaghettis.

Et après l’utilisation ? Qu’en est-il des déchets ?

Quand ces crayons sont consommés, les noyaux d’atomes d’uranium cassent et des neutrons sont libérés. Ceux-ci entrent en contact avec la cuve et d’autres matériaux de la centrale, les rendant radioactifs. Une partie du combustible reste aussi radioactive après utilisation. En France, c’est l’ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) et Orano qui se chargent de ce bagage, par exemple sur le site de la Hague en Normandie, où les déchets sont traités.
Il existe différents types de déchets :
  • Les déchets faiblement ou moyennement radioactifs, dont la dangerosité est éliminée en une trentaine d’années (comme les combinaisons utilisées par les ingénieurs pour se protéger de la radioactivité), ils sont donc très nombreux. En France, ils sont coulés dans du béton en attendant leur fin de vie et entreposés dans des zones de stockage, comme celle de l’Aube, qui restera surveillée pendant au moins 300 ans parce qu’elle accueille aussi des déchets à durée de vie plus longue.
  • Les déchets faiblement ou moyennement radioactifs à vie longue, comme les matériaux contenant le combustible. Ils sont moins nombreux, mais leur période de dangerosité est beaucoup plus longue. En France, ces déchets sont provisoirement entreposés dans des fûts, en général sur le lieu où ils ont été produits, dans les centrales de Bugey, Chinon ou Saint-Laurent.
  • Les déchets hautement radioactifs à période de vie très longue (majoritairement du combustible usé). Ils sont tout d’abord entreposés en piscine à côté de la centrale, car l’eau sert de protection radiologique. Ils sont ensuite entreposés dans des puits de manière provisoire, notamment sur le site de la Hague en Normandie, en attendant une meilleure solution. Les déchets à vie longue peuvent rester radioactifs entre 432 et 4 470 000 000 ans !
Il est intéressant de noter que, 66 ans après la construction de la première centrale nucléaire, l’humanité n’a pas encore de solution définitive pour cette dernière catégorie de déchets. En 2016, selon l’ANDRA, 10 % des déchets radioactifs français seraient en attente d’une solution d'entreposage de long terme, ce qui représente l’équivalent de 61,6 piscines olympiques de matière. (154 000 m3). C’était le deuxième calcul carotte de la semaine !!
La seule solution envisagée à ce jour pour le stockage définitif de ces déchets est l’enfouissement sous couche géologique profonde stable. En France, le projet Cigéo, dans la Meuse, devrait accueillir 3 % d’entre eux, soit environ le contenu de deux piscines olympiques de matières (4 620 m3).
« 10 % des déchets radioactifs français, soit l’équivalent du contenu d’une soixantaine de piscines, seraient en attente d’une solution d’entreposage durable. »
Le stockage en couche géologique profonde est controversé parce qu’il a pour but de stocker des déchets pendant des milliers d’années. Il y a plus de deux mille ans, on ne mangeait pas encore de carottes ; autant dire qu’on ne sait pas ce qui peut se passer pendant ce laps de temps.
En France, le “principe de réversibilité” est inscrit dans la législation pour le stockage en couche géologique profonde : il impose la possibilité de sortir les déchets dans les 100 ans. Ceci est un défi technique, puisque le but de ce stockage est justement de le rendre définitif.
Greenpeace, contre le stockage en couche géologique profonde, prône le « stockage à sec en sub-surface », une solution contestée qui serait temporaire et réversible dans l’attente d’une solution plus viable.

Les AstucesCarotte pour participer à la discussion enflammée sur le nucléaire :

  • Garder (toujours) la tête froide.
  • Ne pas transformer sa pioche à uranium en cuillère à café.
  • Recycler ses déchets au maximum.
  • Trouver soixante piscines olympiques stables pour les prochains 5 milliards d’années.
  • La meilleure électricité est celle que l’on ne consomme pas ! Mettre un pull, acheter moins d’objets, prendre des douches courtes et bichonner son frigo sont de bonnes pistes.
  • Sans diaboliser le nucléaire, il est toujours bon de passer à un fournisseur d’électricité durable.
  • Lire le premier et le prochain volet LundiCarotte sur le nucléaire.
Dans ce volet, nous voyons donc que le nucléaire, même s’il consomme relativement peu de combustible et qu’il produit généralement peu de déchets, n’est pas un bon élève sur toute la ligne. Bien que l’exploitation de l’uranium soit une opportunité économique importante dans les régions concernées, la sécurité et les droits des mineurs et populations sont loin d’être respectés comme il se doit. De plus, les déjections très radioactives qu’il produit posent un défi important non résolu. Les experts doivent encore se creuser la tête pour savoir comment on va gérer tout ça. En attendant, la Rédac’ vous concocte le dernier volet sur le nucléaire, où on parle coût et climat. À bon entendeur !
Anna van der Lee, Raphaëlle Lacroix, Laura Sereni et Alix Dodu
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