Ne restons pas là à enfiler des perles et allons examiner bagues, pendentifs et autres parures pour découvrir leurs secrets.

Mon précieux

Le 18 avril 2022
Ne restons pas là à enfiler des perles et allons examiner bagues, pendentifs et autres parures pour découvrir leurs secrets.
Vignette de l'article Mon précieux

Tout ce qui brille

Commençons déjà par définir ensemble de quoi nous allons vous parler. Derrière le mot “bijoux”, il y a aussi bien les diadèmes en diamants empreints d’histoire que les colliers de bonbons de la cour de récré, les bracelets en argent offerts aux copines pour les anniversaires, les symboliques et précieuses bagues de fiançailles ou les boucles d’oreilles en toc vendues sur les marchés. Mazette, ça fait beaucoup, beaucoup de possibilités qui s'offrent à nous !
Quelques définitions donc pour mettre tout cela au clair : le Larousse nous dit que…
  • La joaillerie est l’art de mettre en valeur des pierres précieuses, des pierres fines, des perles ou des minéraux divers et variés afin de révéler leur éclat, leur couleur et leur forme ;
  • La bijouterie est l’ensemble des articles exécutés ou vendus par les bijoutiers ;
  • L’orfèvrerie est l’art de fabriquer en métaux précieux, argent ou or principalement, des objets destinés au service de la table, à l'ornementation de l'intérieur ou à l'exercice du culte ;
  • Un métal précieux (nomenclature officielle) est un élément chimique naturel et rare. Brillant, non corrosif et résistant, le métal précieux est utilisé depuis des millénaires pour frapper des monnaies, mais aussi pour fabriquer des bijoux. C’est grâce à la qualité de ces métaux que les bijoux anciens sont parvenus jusqu’à nous ! À la différence des métaux nobles (les métaux ayant des propriétés physico-chimiques précises), le qualificatif de précieux ne dépend que de la valeur marchande des métaux, ils ne possèdent pas de propriétés chimiques plus exceptionnelles que les autres ;
  • Un carat est une unité de mesure de masse pour la pesée des diamants et des pierres précieuses, brutes ou taillées, valant exactement 0,2 gramme depuis sa métrification en 1907 ;
  • Les bijoux (de) fantaisie : d’imitation (ndlr : sans matières précieuses).
Nous allons écarter les bijoux de fantaisie (y compris ceux en bonbons, nous nous excusons auprès de nos lecteurs qui ont gardé leur âme d’enfant) et l’orfèvrerie pour nous concentrer sur la bijouterie-joaillerie des métaux et des pierres précieux, son marché, ses matériaux, son impact environnemental et humain et ses alternatives ! Nous gardons les autres types de bijoux pour un prochain article.

Diamants sur canapé

Au niveau mondial, le marché de la joaillerie est estimé à plus de 100 milliards de dollars (en comparaison, celui du smartphone s’élève à 522 milliards de dollars). 90 % des ventes sont réalisées par des fabricants sans marque reconnue, mais la France est mondialement réputée pour ses célèbres joailliers, comme Van Cleef & Arpels ou Cartier et la fameuse place Vendôme à Paris où sont rassemblés de très grands noms du secteur.
En 2020, le marché français des bijoux représente un peu plus de 5,6 milliards d’euros TTC, ce qui correspond à environ 60 millions de bijoux vendus.
Nous envoyons aussi nos précieuses créations orner les cous et les poignets de nos voisins, avec par exemple plus de 4,4 milliards de dollars d’exportations en 2020.
Selon une étude réalisée en 2016 par OpinionWay, un salon des professionnels de la bijouterie, 73 % des Français prévoient un montant inférieur à 200 euros pour l’achat d’un bijou et 7 % songent à un montant de plus de 500 euros.
Les bijoux peuvent être achetés pour se faire plaisir, se remonter le moral, s’en faire un talisman et, très souvent, ces achats sont liés à un événement : dans presque la moitié des cas, c'est un cadeau lors d’une fête annuelle (Saint-Valentin, fête des Mères) et, dans 35 % des cas, il s’agit d’une grande occasion exceptionnelle (comme un mariage ou une naissance).

C’est pour offrir ?

Les bijoux attirent toutes les générations, mais les moins de 35 ans représentent tout de même presque 70 % des acheteurs. D’ailleurs, les consommateurs les plus jeunes, les “millenials”, représentent un nouveau défi et une part de marché à ne pas négliger pour les acteurs de la joaillerie. Ils sont en effet davantage enclins à acheter les bijoux d’une marque qui représente leur personnalité, leurs valeurs, plutôt que selon le prestige d’une enseigne. Ils sont également soucieux de la provenance des matériaux et de l’impact social et environnemental de leurs achats ! De quoi, peut-être, inciter les plus anciennes maisons à faire évoluer leurs pratiques.
Les bijoux étant très présents dans notre société, nous nous sommes donc demandé ce qu’il se passait avant qu’ils ne parviennent à nos poignets. Allons voir de plus près leur impact sur les hommes et les femmes (les fabricants, les mineurs, les habitants qui vivent près des exploitations), mais aussi sur la planète.

Quand les carats ne brillent plus

Vous l’avez constaté dans l’article sur l’or, la plupart de nos activités ont un impact non négligeable sur l’environnement, mais aussi sur les humains qui peuplent ce dernier. Ainsi, toute exploitation industrielle de métaux précieux a de nombreuses conséquences, allant de l'érosion des sols à la fuite de produits chimiques nocifs dans l'eau, en passant par l'altération d'un écosystème entier. Sans oublier l'empreinte carbone de la machinerie lourde utilisée dans le processus et les conditions de travail des personnes dans ces mines. Pour vous donner une idée, d'après Earthworks, l'extraction de l’or pour fabriquer une bague génère 20 tonnes de déchets miniers.
Commençons par comprendre à quoi ressemble une chaîne de fabrication de bijoux :
  • Exploration ;
  • Exploitation minière ;
  • Triage ;
  • Découpage ;
  • Polissage ;
  • Création de bijoux ;
  • Inspection et certification ;
  • Vente du produit final.
C’est un long processus qui demande l’intervention de nombreuses personnes, l’utilisation de beaucoup de moyens, machines, technologies… De la "mine au marché", beaucoup de choses peuvent mal tourner d'un point de vue social ou environnemental.
Lorsqu’on se penche sur les mines (or, métaux précieux, diamants, etc.) et leur impact, voici ce qu’il en ressort.

Impacts environnementaux

  • Les mines en elles-mêmes prennent beaucoup de place (l'extraction d'un diamant d’un carat seulement déplace 250 tonnes de terre). Tellement imposantes qu’elles sont visibles depuis l’espace. Il faut aussi enlever plus de 5 tonnes de roche supplémentaire pour chaque tonne de minerai. Le résultat est un trou gigantesque qui continue de s'agrandir au fur et à mesure de l'exploitation.
Illustration
Imagerie satellite de l'expansion de l'exploitation minière artisanale au Pérou de 2003 à 2011 - “Jewelry Industry Impacts. A Comparative Case Study of Gold in Peru and Diamonds in Botswana” (pdf en anglais)

Impacts sociaux

  • Les conditions de travail dans les mines. Plus de 100 millions de personnes dans le monde travaillent dans le secteur de la bijouterie, dont la majorité vit dans les régions les plus défavorisées du monde. Entre les dangers mortels (effondrements de terrain, accidents, inhalations de gaz…), les maladies (maladies de peau, silicose, tuberculose…), le danger des poussières pour ceux qui taillent les pierres ou encore les conflits que cela génère… ce n’est pas très reluisant ;
  • Les populations locales. Même si les résidents ne sont pas contraints de se déplacer, ils sont souvent exposés à des substances et conditions de vie qui ont un impact sur leurs moyens de subsistance. La biodiversité locale diminue, les sols se dégradent, la qualité de l'eau est affectée, l'empoisonnement de l’eau empêche la pêche et l’agriculture suite aux lavages des métaux avec des produits chimiques acides. L'importance historique de ces terres n'est pas souvent prise en compte ;
  • Le travail des enfants. Bien qu’illégal, les lois de protection sont très peu appliquées, d’après Human Right Watch… On estime à un million le nombre d'enfants qui travaillent dans des exploitations minières. Mauvais traitements, inhalation de poussières et de particules nocives… Des cas de travail dangereux d'enfants ont notamment été documentés dans des pays comme la Centreafrique ou le Congo.

Que font Tiffany et compagnie ?

On se demande alors que font les grandes marques de joaillerie face à tout cela. Bien évidemment, elles prennent conscience petit à petit que ces conditions ne sont pas du tout acceptables et tentent d’être de plus en plus transparentes, de prendre des mesures. Mais au vu de l’ampleur de cette industrie et de celle des dégâts que nous venons de lister, nous pensons que même eux doivent avoir du mal à avoir un impact immédiat et réel.
Ci-dessous, le classement des entreprises joaillières et leur niveau de transparence concernant l’impact de leur entreprise. Les journalistes de ce rapport, Human Rights Watch, ont envoyé des lettres aux 13 entreprises présentées ci-dessous, leur demandant des informations sur leurs politiques et pratiques en matière de droits humains et d'approvisionnement en or et en diamants.
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Classement des entreprises joaillières en matière d'approvisionnement responsable - Le coût caché des bijoux

Il y a toujours des alternatives pour briller vert, pardi !

Tout d’abord, le recyclage des métaux précieux est tout à fait possible ! Prenons l’argent. Ce minerai se raréfie de plus en plus et cela favorise son recyclage. Qu'il soit utilisé pur ou sous forme d'alliage, l'argent peut être séparé, puis purifié, pour ensuite être réutilisé dans n'importe quel secteur d'activité. Actuellement, l’argent recyclé ne représente que 20 % de la production globale (5 000 tonnes par an), car sa collecte est difficile (il est présent en petite quantité un peu partout et il faut du temps pour le rassembler et le recycler), mais sa raréfaction rendra son recyclage inévitable.
Il existe de plus en plus de marques qui proposent des bijoux faits avec des matériaux précieux récupérés dans l'électronique. Par exemple, BAYOU with Love propose des bijoux conçus à partir d’or recyclé caché dans de vieux ordinateurs, récupéré et extrait de manière responsable grâce au programme de recyclage de Dell.
Attention, les entreprises qui fabriquent des diamants en laboratoire déclarent que c’est plus écologique... eh bien, pas vraiment. Contrairement aux diamants naturels, qui ont été créés avec une chaleur et une pression naturelles en plusieurs milliards d'années, la fabrication de diamants synthétiques nécessite des quantités énormes d'énergie. Les réacteurs chimiques utilisés pour fabriquer des pierres de plus d'un demi-carat brûlent à une température de 7 760 °C. En comparaison, la surface du soleil n’est qu’à 5 538 °C. Certes, cela n'entraîne pas la destruction d'écosystèmes, mais ce n’est tout de même pas vraiment mieux…
Bien entendu, l’une des meilleures alternatives reste la seconde main que vous pouvez trouver en vous baladant dans des brocantes ou bien sur des sites Internet qui revendent ces bijoux d’occasion tels que Noir Carat ou bien Caillou Paris. Il existe également des marques qui créent des bijoux assemblés avec différents types de bijoux d’occasion, endormis dans nos placards, pour leur donner un nouveau design, tel que Kitesy Martin.
Une autre idée est de faire réparer vos bijoux qui se sont cassés ou abîmés avec le temps, voire de faire réparer ou transformer vos bijoux de famille (on parle bien de ceux en métal précieux, qu’il n’y ait pas de confusion, on entend déjà vos petits rires en coin !).
Enfin, pourquoi ne pas se tourner vers d’autres matériaux ? Par exemple, l'impression 3D se développe de plus en plus et offre de nombreuses possibilités. Les bijoux de la marque Aerea sont imprimés en 3D à partir de matériaux recyclés. Autre exemple : le bois recyclé. La marque Chutes Up! crée des bijoux à partir de chutes de bois destinés à la déchetterie !

Des labels et organismes qui scintillent de mille feux

Voici la liste des labels que vous pouvez rechercher ou bien demander à votre bijoutier lors de vos achats de bijoux :
  • Joaillerie de France. Les fabricants certifiés “Joaillerie de France” sont gages de produits fabriqués, sertis et polis en France. Le label se reconnaît par un poinçon en forme d’hexagone. De plus, ils s'engagent à respecter les lois et normes éthiques. Les labellisés doivent attester de ces pratiques responsables au niveau environnemental et social. Ils doivent s’inscrire dans la démarche de certification du RJC (Responsible Jewellery Council) ;
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Poinçon en forme d’hexagone du label Joaillerie de France - Joaillerie de France
  • Le RJC est une organisation internationale fondée en 2005 qui a mis en place un référentiel de pratiques responsables et éthiques dans la filière de l’or, du diamant et du platine, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à la distribution des produits finis ;
  • Le label Fairmined atteste que l’or est produit par des mines autonomes, responsables, artisanales et à petite échelle. Grâce à Fairmined, toute personne qui achète de l’or et des métaux précieux peut soutenir des processus communautaires de mines gérées de façon responsable. Fairmined est soutenu par un système de certification assurant que les communautés minières artisanales répondent aux principales normes mondiales en matière de pratiques responsables, relatives au développement social et à la protection de l’environnement.
  • L’ARM (Alliance for Responsible Mining) est reconnue comme leader et pionnière de l’activité minière responsable artisanale et à petite échelle. Pour atteindre cet objectif, ils travaillent en collaboration avec l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement : les mineurs, les législateurs, les organismes de l’industrie et les acheteurs.
  • Le processus de Kimberley est un dispositif international de certification visant à empêcher la circulation des diamants de conflits (blood diamonds). Cette initiative vise à tracer chaque diamant depuis l’endroit où il a été extrait jusqu’à celui où il a été vendu, évitant ainsi que des diamants de conflit illégaux ne soient vendus sur le marché.
Il est l’or de conclure cette parenthèse étincelante. Nous le voyons bien, l'industrie qui se cache derrière nos parures lumineuses ne donne pas vraiment le sourire. Bien que les grandes marques prennent conscience de l’impact de leurs entreprises, nous pensons que le réel impact positif vient de nos décisions. Heureusement, des alternatives s’offrent à nous et celles-ci ne manquent pas d’éclat. Nous conseillons donc de privilégier les bijoux en métaux recyclés (en vérifiant les labels propres à ce secteur), voire de se tourner vers la seconde main, car c’est ce qui a toujours été fait (l’or des bijoux n’est jamais jeté) et continuera d’être fait. Mais peut-être que se tourner vers d’autres matériaux tout aussi nobles fera changer de regard autant à nous qu’aux fabricants sur la qualité flamboyante de nos ornements.
Audrey Ceyrat, Laura Larrive
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