Ah, les huiles essentielles ! Souvent présentées comme un must de la trousse de l’écolo débutant, elles fleurissent dans les produits cosmétiques et nettoyants maison ou encore dans les méthodes de soin alternatives. Chez LundiCarotte, on s’est demandé si elles tenaient leurs promesses !

Allons à l'essentiel

Le 23 décembre 2019
Ah, les huiles essentielles ! Souvent présentées comme un must de la trousse de l’écolo débutant, elles fleurissent dans les produits cosmétiques et nettoyants maison ou encore dans les méthodes de soin alternatives. Chez LundiCarotte, on s’est demandé si elles tenaient leurs promesses !
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Un franc succès

Les huiles essentielles - abrégées HE dans la suite de l’article - sont un extrait ultra-concentré des molécules aromatiques des plantes. Elles sont obtenues par distillation ou par pression à froid des plantes.
L’utilisation des HE remonterait à l’Égypte ancienne - soit plusieurs millénaires avant JC - où elles étaient utilisées en cosmétique, en parfumerie et en médecine, mais également pour embaumer les corps.
Elles auraient été introduites en Grèce, où elles connurent un franc succès, par Alexandre le Grand. Quelque peu délaissées au Moyen-Age, elles seraient revenues sur le devant de la scène à la Renaissance. On raconte qu’elles prévenaient la peste, ce qui aurait permis à quatre voleurs enduits d’HE de piller des pestiférés sans subir de représailles.
M. Gattefossé, qui a remis les HE au goût du jour au début du XXe siècle, aurait découvert leur efficacité à ses dépens. Travaillant sur les HE en parfumerie, une explosion aurait eu lieu dans son laboratoire et par réflexe, il aurait plongé les bras dans un seau d’HE de lavande, ce qui lui aurait permis de cicatriser en un temps record ! Attention, à chaque HE ses propriétés, une autre essence n’aurait pas forcément eu cet effet.
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René-Maurice Gattefossé, chimiste considéré comme le père de l’aromathérapie moderne.
Si l’HE de lavande semble miraculeuse, ce n’est pas la plus vendue. Elle vient loin derrière l’orange et la menthe qui représentent 75 % de la production mondiale. Cette dernière s’élève à plus de 110 000 tonnes et vient en grande partie du Brésil et de l’Inde.
La demande en HE est en croissance : en pharmacie, on a observé une augmentation de 40 % (pdf) de la quantité vendue entre 2012 et 2016. En prenant seulement les contenances les plus vendues - 5 et 10 ml - la quantité annuelle vendue en pharmacie représente donc un flacon de 10 ml acheté par Français et par an. Si l’on rajoute les ventes effectuées en magasin bio et en ligne, cela représente le double.

Les huiles essentielles et notre santé

Si les HE sont aussi populaires, c’est qu’on leur prête une myriade de vertus médicinales. Relaxantes, tonifiantes, antibactériennes, il peut parfois être difficile de s’y retrouver. Pour cela, la Rédac’ recommande de se munir d’un guide rédigé par un aromathérapeute professionnel ou de s’adresser à lui directement.
Pour ceux qui souhaiteraient se lancer dans l’aromathérapie, le trio des trois HE incontournables serait la menthe poivrée (bonne pour la digestion, anti-nausée, tonifiante...), la lavande fine (relaxante, cicatrisante) et le ravintsara (renforce le système immunitaire, antiviral) selon Alexia Blondel (vidéo), aromathérapeute.
Mais attention, mal utilisées, les HE peuvent avoir des effets néfastes sur la santé. Leurs effets à long terme sont encore mal connus, il est donc recommandé de les utiliser avec prudence et parcimonie. Elles peuvent provoquer des allergies, car certaines contiennent une ou plusieurs des 26 substances classées allergisantes par la Commission Européenne (anglais).
« Les effets à long terme des huiles essentielles sont encore mal connus, il est donc recommandé de les utiliser avec prudence et parcimonie »
Certaines auraient des propriétés abortives ou seraient toxiques pour les tissus nerveux, comme le cerveau, et pour le foie. Ceci explique pourquoi il est déconseillé aux femmes enceintes, aux personnes âgées ou atteintes de maladies chroniques de les utiliser.
De plus, elles sont souvent utilisées dans des diffuseurs pour assainir et parfumer l’air intérieur. Le problème, c’est qu’elles contiennent des composés organiques volatils (COV) (vidéo) pouvant interagir avec des polluants présents dans l’air et, ainsi, former des composés irritants pour les voies respiratoires. Les HE n’assainissent donc pas l’air. Il est recommandé de modérer leur usage en tant que parfum d’ambiance et de bien aérer vos habitats. On vous parlait plus en détail de pollution de l’air intérieur dans notre numéro sur les bougies.
Bien que 60 millions de consommateurs mette en garde sur le fait que les huiles essentielles “ne sont considérées ni comme des médicaments, ni comme des produits cosmétiques et ne sont donc soumises à aucun contrôle préalable avant leur mise sur le marché”, il faut tout de même noter que selon l’ANSM et la DGCCRF elles sont soumises à des réglementations en fonction de leur utilisation.
En conclusion, si vous faites partie des populations à risque (personnes âgées, femmes enceintes ou allaitantes, enfants de moins de 7 ans, asthmatiques ou sujets à problèmes respiratoires ou à allergies), mieux vaut les utiliser avec beaucoup de prudence et de parcimonie et demander l’avis de votre médecin, ce qui tient aussi pour toute autre personne.

Naturelles mais pas si vertes

On n’y croirait pas, à regarder nos petits flacons, mais les huiles essentielles ont aussi un fort impact sur l’environnement.
Traditionnellement, les huiles essentielles sont hydrodistillées, c’est-à-dire extraites à la vapeur d’eau.
Dans la mesure où elles sont un concentré de végétaux, il faut en compter d’énormes quantités pour produire un flacon. Pour obtenir de grandes quantités de végétaux, il faut de grandes surfaces de production. Ainsi, pour produire un flacon classique de 15 ml d’HE de citron, il ne faut pas moins de 50 citrons (anglais).
« Elles sont un concentré de végétaux, c’est pourquoi il faut en compter d’énormes quantités pour produire un flacon. »
Bien sûr, selon les HE dont on parle, les surfaces et quantités de végétaux à mobiliser ne sont pas équivalentes. Pour l’HE de rose, par exemple, il faut 4 tonnes de pétales de fleurs pour 1 kg d’huile essentielle, soit l’équivalent fourni par un champ entier de rosiers, tandis qu’il ne faut “que” 7 kg de clous de girofle pour en obtenir autant.
Dans certaines régions, leur production est source de déforestation et d’implantation de monocultures (anglais). Ces dernières étant à l’origine d’une perte de la biodiversité et d’un affaiblissement des pollinisateurs, mieux vaut se tourner vers les HE ayant été produites dans le cadre d’une agriculture raisonnée et non intensive. Afin de limiter l’impact de notre consommation d’huiles essentielles sur les sols et sur les forêts, une option consiste à se tourner vers les huiles bios.
Une attention particulière doit également être portée aux essences dont sont extraites les HE, car il peut s’agir de plantes en danger d’extinction, comme notamment le bois de santal (anglais). Ce risque concerne les espèces sauvages dont la cueillette est parfois abusive. Privilégions alors les huiles essentielles ayant les mêmes propriétés, mais issues de plantes dont la cueillette ou la culture ne sont pas nocives pour l’espèce.
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L’arbre dont est issu le bois de santal est une espèce vulnérable, car très prisée en raison de sa valeur.
Pour mettre en valeur l’artisanat local, limiter les transports de marchandises à grande échelle et augmenter la résilience de son territoire, on peut aussi choisir des huiles produites en France, comme celle de lavande. Une liste des distilleries françaises et artisanales est disponible ici.
Le rejet des huiles après utilisation, comme lorsque l’on évacue une lessive aux huiles essentielles par exemple, est lui aussi un enjeu pour l’environnement. En raison de leur forte concentration, attention à la façon dont l’on s’en débarrasse, car elles sont potentiellement toxiques pour les milieux aquatiques. Il faudrait en particulier éviter qu’elles n’entrent dans le circuit d’eau potable. Dans le cas des lessives aux HE notamment, il est impossible de l’éviter. C’est pourquoi il est impératif de ne pas en abuser : quelques gouttes par bouteille suffisent.
Pour remédier à tous ces problèmes en même temps, rien de plus simple d’après Lucie, du blog “Je deviens écolo”. Il suffirait de réduire les usages non médicinaux des HE, à savoir comme parfum pour un produit DIY, par exemple. On peut alors les remplacer par des hydrolats, coproduits de l’extraction des HE.

Comment utiliser les huiles essentielles ?

Place à la pratique ! Quelques paramètres à prendre en compte si l’on veut acheter une HE :
  • Le prix : en effet, un prix bas pour des huiles rares - qui peuvent coûter jusqu’à 40 € le flacon - peut être le signe d’une fraude et de dilution. Privilégions plutôt des huiles de bonne qualité, avec le logo AB ou Nature et Progrès, par exemple. Étant donné les très faibles quantités nécessaires pour la plupart des utilisations, on peut se rassurer en se disant qu’un flacon durera malgré tout très longtemps.
  • Leur nom : il faut se fier au nom latin des plantes et non à leur nom commun, pour bien différencier les HE. En fonction des variétés, les HE ont des propriétés très différentes ! Exemple : le Cèdre de l’Atlas a pour nom latin Cedrus atlantica et le Cèdre de Virginie Juniperus Virginiana.
  • Leurs propriétés : afin d’identifier ses besoins exacts en huiles essentielles, il est recommandé de se référer à un guide ou même de consulter son médecin pour connaître les éventuelles contre-indications. Ici un guide de 60 millions de Consommateurs pour les utiliser à bon escient.
Il faut également garder à l’esprit quelques précautions d’usage. Il ne faut jamais les utiliser pures sur la peau. Si l’on se brûle avec une huile essentielle, passer une huile végétale comme de l’amande douce sur la zone irritée pour l’apaiser. Notons aussi qu’elles sont particulièrement inflammables !
Pour les utiliser en cuisine, on conseille leur dilution dans un corps gras, du sucre ou de l’alcool. Aux fourneaux, leur utilisation n’est qu’aromatique, car les HE ne contiennent pas les nutriments des plantes dont elles sont issues. Il n’y a dès lors pas de raison d’avoir la main lourde. Certaines sources déconseillent aussi de les chauffer. Mieux vaut alors les incorporer au dernier moment si l’on veut tout de même les utiliser dans une recette qui doit être cuite.
Les AstuceCarotte pour revenir à l’essentiel :
  • Diminuer sa consommation d’huiles essentielles si l’on en est féru
  • Se renseigner sur les précautions à prendre et les éventuels risques liés à leur usage
  • Sélectionner des huiles essentielles locales, biologiques et dont la plante n’est pas en danger
  • Remplacer les HE par des hydrolats lorsque c’est possible (notamment pour parfumer ses produits fait-maison)
Il ne faut pas abuser des bonnes choses et les HE requièrent un usage parcimonieux. Comme le souligne Théodore, président de LundiCarotte, on peut prendre la résolution de bien réfléchir à ses besoins en HE avant l’achat : d’aller à l’essentiel, en somme.
Elisa Autric et Garance Régimbeau
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