Merci à tous nos lecteurs présents aux Retrouvailles#1. On vous dit à bientôt pour la prochaine édition ! Ce lundi, nous vous proposons un petit bain d'huile de palme pour commencer la semaine en glissant.

La palme d'argent

Le 26 février 2018
Merci à tous nos lecteurs présents aux Retrouvailles#1. On vous dit à bientôt pour la prochaine édition ! Ce lundi, nous vous proposons un petit bain d'huile de palme pour commencer la semaine en glissant.
Vignette de l'article La palme d'argent
Même si vous ne faites probablement pas revenir vos oignons dans l’huile de palme, il y a de fortes chances que vous en mangiez. En effet, l’huile de palme est l’huile végétale la plus consommée de la planète. Dans nos rayons, environ un produit conditionné sur trois en contiendrait. Et oui, malgré l'attention toute particulière portée sur le Nutella, il n’y a pas que la pâte à tartiner qui en contient.

Alors déjà, l’huile de palme c’est quoi ?

L’huile de palme provient comme son nom l’indique du palmier, un arbre originaire de l’Afrique de l’Ouest qui pousse dans les régions chaudes et humides des tropiques. Ses fruits jaunes et orangés sont cueillis en grappes et pressés à chaud pour récupérer l'huile de palme. Attention à ne pas confondre avec l’huile de palmiste, qui provient elle de la noix du fruit.

Pourquoi tant d’huile de palme ?

Ce que le nom n’indique pas, c’est qu'il s'agit de l’huile végétale la plus économique du marché. Un palmier produit environ 40 kilos d’huile par an. Ceci équivaut à 3,8 tonnes d’huile par hectare, contre 0,8 pour l’huile de colza et 0,5 pour l’huile de soja, les principales rivales sur le marché.
Ses propriétés chimiques lui confèrent d’autres avantages : elle résiste bien à la cuisson, se conserve longtemps, n’a presque pas de goût et surtout elle est semi-fluide à température ambiante. Elle serait ainsi à l’origine de la sensation de “fonte en bouche” de certaines pâtes à tartiner, glaces et cookies. Elle sert aussi à ajouter du brillant et empêche le chocolat de fondre tout seul dans son placard.

C’est économique, c’est pratique, ça fond dans la bouche… Où est le problème ?

L’huile de palme est liée à deux polémiques : la santé et la déforestation. Question santé, elle a mauvaise réputation dû à son haut taux d’acides gras saturés, qui augmentent le taux de cholestérol malsain (le cholestérol LDL si vous voulez tout savoir). L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) signale aussi que l’huile de palme raffinée contient beaucoup de contaminants cancérigènes. Ceci pose surtout problème si le consommateur est très jeune ou très exposé, soucis donc pour les bébés qui sont nourris aux purées préparées. Cependant, plusieurs études démontrent qu’il n’y a pas de lien direct entre l’huile de palme et les maladies cardiovasculaires si elle n’est pas utilisée en cuisson. De plus, elle est très riche en vitamines E. Même si elle reste moins saine que l’huile d’olive ou de colza, l’huile de palme ne fait donc pas de tort si on arrive à en consommer sans excès.

Et la forêt dans tout ça ?

Aujourd’hui l’huile de palme représente près de 40 % de la production mondiale d’huile végétale. La production a explosée, de 15 millions de tonnes en 1995 à environ 62 millions de tonnes en 2015. Les plantations couvrent au total un tiers de la superficie de l’Allemagne. Bien qu’une plantation de palmier prenne relativement peu de place, il lui en faut quand même. C’est la forêt vierge qui en cède, surtout en Indonésie et en Malaisie qui concentrent à eux seuls presque 90 % de la production mondiale. En Indonésie, près d’un quart de la forêt primaire a disparu entre 1990 et 2015.
Un hectare de plantation de palmiers capture jusqu’à 85% (PDF) moins de CO2 qu'un hectare de forêt vierge. Cependant c’est la destruction de la forêt par le feu et le déboisement des tourbières qui forment le fond du problème car ces actions libèrent les grandes quantités de CO2 capturée dans la végétation et dans la terre. L’Indonésie est ainsi le troisième pays le plus émetteur de gaz à effet de serre, derrière la Chine et les Etats-Unis.
La forêt vierge est aussi l’habitat irremplaçable de nombreuses espèces animales menacées : l’orang-outan, le rhinocéros, le tigre de Sumatra, l’éléphant pygmé de Bornéo… Les minorités ethniques, qui représentent environ 25% de la population Indonésienne, perdent elles aussi leur habitat. WWF souligne de plus que 40% de la population dépend de la fôret vierge.

Et rien n’est fait pour la forêt, les orang-outans et les indigènes ?

La RSPO (Table-ronde sur l’huile de palme durable), une initiative lancée en 2003 par WWF qui réunit plusieurs ONG et professionnels, certifie 20% de la production mondiale d’huile de palme. Ses critères sont une agriculture durable (utilisation de l’eau, de produits chimiques...), le respect des droits des travailleurs et des populations et l’interdiction de déforester pour créer une nouvelle plantation. Cependant la démarche est limitée. Des plantations sur des tourbières ou installées sur des parcelles déforestées avant 2005 peuvent par exemple être certifiées et certains pesticides dangereux ne sont pas interdits. Surtout, bien que la RSPO représente une amélioration de la situation, elle n’a pas réussi à freiner la déforestation.

Qu’est-ce que je peux faire alors ?

Une des raisons de cet échec est que les plantations certifiées n’arrivent pas à écouler leur stock. WWF a donc créé un classement (PDF) des marques pour récompenser celles qui choisissent l’huile certifiée : on trouve entre autre Carrefour, E.Leclerc, Casino, Super U et Ikea. Auchan est un des mauvais élève. Le classement de Greenpeace, qui prend en compte aussi d’autres labels durables, complète le podium des gagnants avec Nestlé et Ferrero, et celui des perdants avec Colgate-Palmolive et Pepsi.

Et si jamais je veux éviter l’huile de palme tout court ?

Justement, Ferrero mais aussi Nestlé, Carrefour, Unilever et Cargill ont même promis à terme de passer au 0% déforestation pour leur huile de palme. Celle-ci est souvent remplacée par du beurre, de l’huile de colza ou d’autres huiles végétales. Ces options ont le désavantage d’avoir un rendement moins important et l’avantage de ne pas nécessiter de climat tropical.
À part choisir ces marques, on peut :
  • Laisser la voiture de temps en temps : suite a une loi sur l’incorporation d’agrocarburant dans les carburants, 46% de l’importation d’huile de palme en Europe est destiné au diesel. 2% de votre bon vieux diesel est en fait du biodiesel à base de palme. Embêtant quand on sait que le diesel de palme émet trois fois plus de gaz à effet de serre que le diesel fossile. Heureusement, l’UE projette de l’interdire d’ici 2021 (revers de la médaille, ceci inquiète les quelques 3,2 millions de Malaisiens qui vivent des plantations).
  • Cuisiner soi-même : pour éviter les plats préparés et remplacer les craquelins et autres chips en tube par une bonne poignée de carottes en bâtons.
  • Lire les étiquettes : depuis décembre 2014, les graisses végétales doivent être mentionnées précisément. L’huile de palme a beaucoup de petits noms comme ‘stéarine de palme’. Quelques aliments qui valent la peine d’être scrutés de près : les céréales, les soupes toutes faites, les produits chocolatés, les biscottes, le pain brioché, le bouillon en cube (à remplacer par la version en poudre), les purées pour bébé, les bougies...
Les produits cosmétiques, qui comptent pour 23 % de l’utilisation d’huile de palme, peuvent eux contenir des centaines de dérivés différents pouvant se cacher sous des mots contenant “LAURYL”, “CETEAR-”, “STEAR-”, “PALM-”, “MYRIST-” ou “-DODEC-”. (Sodium Lauryl Sulfate, Cetearyl Olivate,...) Pour ceux qui n’ont pas envie de passer leur temps à lire des étiquettes - à chacun ses hobbies - il y a des listes de produits avec huile de palme et le moteur de recherche nopalm.org

Quid de l’huile de palme que j’ai trouvée sur mon produit biologique ?

L’huile de palme certifiée bio provient pour la plupart de Colombie, plus précisément de l’entreprise Daabon Organic qui est très controversée. Elle aurait chassé des centaines de familles de leur terre, aurait des liens avec la mafia locale et participerait à la déforestation.

N’y a-t-il donc aucun espoir pour l’huile de palme ?!

Pour l’instant le plus sûr pour le consommateur responsable reste à notre sens de l’éviter le plus possible, mais il y a quand même une lueur d'espoir. Des plantations non-intensives qui opèrent dans le respect des ressources naturelles existent en Amérique du Sud et en Equateur. Surtout, le haut rendement du palmier en fait une source potentiellement durable de matière grasse. Remplacer toute la production par de l’huile de colza ou de coco créerait de nouveaux soucis environnementaux. Selon Greenpeace, ce serait possible de doubler la production d’huile de palme sans déforestation supplémentaire, en appliquant des techniques d’agriculture écologiques et en réglant les problèmes administratifs qui concerne l’exploitation des terrains, si le gouvernement et les propriétaires y mettent du leur.
Nous espérons que vous n’avez pas trouvé cet article trop huileux et vous souhaitons une semaine bien huilée !
Alix Dodu et Théodore Fechner
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