L'inspiration pour cet article nous est venue face aux étals de fraises de notre supermarché. Comment, des fraises en hiver ? Comment s'y retrouver entre les fraises de Plougastel, d'Espagne et les fraises bios ? Et les différences de prix sont-elles justifiées ? Voici quelques éléments de réponse pour nous aider à nous y retrouver.

La fraise sur le gâteau

Le 14 janvier 2019
L'inspiration pour cet article nous est venue face aux étals de fraises de notre supermarché. Comment, des fraises en hiver ? Comment s'y retrouver entre les fraises de Plougastel, d'Espagne et les fraises bios ? Et les différences de prix sont-elles justifiées ?
Voici quelques éléments de réponse pour nous aider à nous y retrouver.
Avec 130 000 tonnes vendues chaque année dont 59 000 produites en France (chiffres Nations unies), la fraise fait partie des fruits préférés des Français. Qu’elle soit croquée entière ou incorporée à des préparations pâtissières, la reine rouge remporte un franc succès dans nos assiettes. La fraise française ne pèse néanmoins pas lourd dans le marché mondial, loin derrière la Chine et les États-Unis, ni dans le marché européen, dominé par l’Espagne.
Ghislaine Buffard y consacre un reportage : "La fraise, un parfum de business", diffusé en 2017 sur France 5 − et encore accessible en ligne.

Des fraises en toute saison

Avez-vous remarqué qu’au marché, il est possible de se procurer des fraises en toute saison ? Pourtant, la vraie saison des fraises, c’est de la fin du printemps au milieu de l’été. Lorsque l’on en achète en dehors de cette période, on paye jusqu’à trois fois le prix normal pour une fraise qui n’a, souvent, pas de goût.
Pour arriver à tromper les fraises sur les saisons, les agro-industriels placent les plants de fraisiers dans d'énormes réfrigérateurs pendant l’été … Puis dans des serres allumées et chauffées en hiver !
Au-delà d'un bilan écologique désastreux, la fraise d'hiver ne peut synthétiser les molécules qui lui donnent son goût sucré et acidulé, car elle n’a tout simplement pas obtenu assez de soleil. Comme quoi les fraises ne se laissent pas duper aussi facilement !

¡ Yo soy una fresa !

Jusqu’à dix fois moins chères que les fraises bios françaises, les fraises espagnoles ridiculisent la concurrence… En tout cas, sur le plan du prix. De fait, elles représentent quasi la moitié de celles consommées en France en 2016 (selon les chiffres officiels des douanes).
Mais ces prix bas cachent une sombre histoire. De nombreux ouvriers immigrés travaillent en effet dans des conditions déplorables pour cueillir ces fraises. Beaucoup d’entre eux sont payés moins de 3 euros de l’heure et vivent dans des bidonvilles.
D'autre part, les exigences environnementales sont rarement respectées, ce qui fait de la fraise espagnole un fruit à risques pour la santé et pour l’environnement. L'organisation WWF en veut pour preuve les prélèvements d'eau importants aux alentours des cultures de fraises, ainsi que des décharges de plastique à ciel ouvert, notamment dans le parc de la Doñana, ce qui met en péril la faune et la flore locale.
En un mot : les fraises espagnoles sont à éviter autant que possible.

Des fraises en lévitation ?

Aujourd’hui, la plupart des fraises vendues en France sont cultivées "hors-sol". Finie l’image d'Épinal des fraises des bois qui poussent en pleine terre. Il s'agit de faire pousser les fruits en hauteur, sans contact avec le plancher des vaches, ce qui a l'avantage de faciliter leur cueillette.
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Les racines des fraises sont plongées dans des bacs, où les nutriments leur sont apportés directement. Ces derniers sont les mêmes partout en France, adieu les subtilités de notre terroir ! Le goût de la fraise hors-sol sera le même, qu'elle vienne de Plougastel, du Périgord ou de Provence.
La fraise hors-sol est choyée, puisqu’on lui apporte au goutte-à-goutte les nutriments essentiels. Le problème, c’est que dans beaucoup d’exploitations, ces nutriments sont des engrais synthétiques issus de l’industrie pétrolière que l’on dissout dans de l’eau.
En contrepartie, les agriculteurs ayant adopté le hors-sol mettent en avant des augmentations de rendement importantes qui leur permettent de rester compétitives face aux fraises espagnoles. Étant donné que la cueillette est plus facile en hors-sol, ils ont également plus de facilité à fidéliser leur main-d'œuvre. D’autres progrès notables sont l’allongement de la période de récolte (sans duper les fraises) et l’augmentation de la résistance des cultures aux maladies. À croire que ces avantages l'ont emporté sur l'aspect "à chaque terroir son goût" !
Toutes les fraises hors-sol ne sont pas à mettre dans le même panier en osier ! Certains agriculteurs pratiquent la bioponie, c’est-à-dire la culture en hauteur, en utilisant uniquement des produits naturels. Pour autant, le label Ecocert qui décerne la mention Agriculture Biologique a des règles strictes et seules les cultures en contact avec la terre peuvent l’obtenir.
« La culture hors-sol uniformise le goût des fraises, tout en facilitant la récolte des fruits. »

Un amer goût de pesticides

La fraise fait partie des fruits et légumes sur lesquels on retrouve le plus de pesticides. En cause, une peau très poreuse, ce qui implique qu’elles absorbent les substances chimiques dans leur chair − à la différence des agrumes, dont les pesticides restent en surface et pour lesquels un rinçage suffit.
On retrouve ainsi entre 3 et 5 pesticides différents sur une fraise non-bio. Quels sont-ils ? Principalement des insecticides et des fongicides. Pour autant, seuls 3,6 % des échantillons analysés par l'association Générations futures dépassent les seuils autorisés par la réglementation sur les cinq dernières années.
Contrairement à la pomme ou à la salade, la peau de la fraise est poreuse, ce qui implique que le lavage ne suffit pas pour la débarrasser de ses résidus de pesticides. Pis, le trempage détériore le goût de la fraise qui se retrouve gorgée d’eau. À en croire une étude de la revue Environment Monitoring and Assessment relayée par le Figaro, la meilleure méthode pour éliminer les pesticides de ses fraises sans dégrader les fruits serait de les traiter aux ultrasons. Le consommateur lambda préfera sans doute utiliser du bicarbonate de soude.
« Le bicarbonate de soude est efficace pour éliminer les résidus de pesticides »
Toujours d’après Générations futures, les fraises hors-sol sont soumises à trois fois plus de traitements phytosanitaires que celles de pleine terre en plein air. Un résultat qui semble logique, puisqu’en pleine terre et en plein air, les insectes néfastes aux fraises sont chassés par leurs prédateurs naturels (coccinelles, bourdons …). D'ailleurs, les agriculteurs hors-sol ont parfois recours dans leurs serres à ces “pesticides vivants” sous forme de cartouches, comme alternative aux pesticides chimiques classiques.

Et le bio dans tout ça ?

Alors, on achète quoi  ? Les fraises bios sont une valeur sûre.
Elles ont l’obligation d’être en contact avec le sol et l’indication géographique a du sens : les minéraux du sol donnent à la fraise le goût du terroir.
Si le bio est encore nettement plus cher que le conventionnel, il vaut mieux en manger moins souvent et soutenir ce mode de culture afin qu’il se démocratise, ce qui pourrait bien inciter les producteurs à respecter notre santé et notre environnement.
La fraise bio est-elle vraiment imbattable sur le plan du goût ? L’équipe du documentaire a fait goûter différentes fraises à des chefs cuisiniers, en l’aveugle, et voici comment ils les ont jugées :
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Selon le jury la gariguette bio devance la gariguette hors-sol d'une courte tête niveau goût.

Le futur des fraises

Parmi les cultures de fraises plus minoritaires, on peut également citer la bioponie : il s'agit de combiner culture hors-sol et agriculture biologique. Le principe est le même que l'agriculture hors-sol, à la différence près des engrais, issus de fertilisants organiques et biologiques.
Enfin, un Petit Poucet a récemment fait son apparition sur le marché des fraises : il s'agit d'Agricool. Le concept : des fraises cultivées en hors-sol à Paris, en conteneurs isolés, et chauffées au besoin à l'énergie renouvelable. La jeune start-up annonce également consommer 99 % moins d'eau qu’il n’en faut pour la culture traditionnelle. C'est l’un des projets en vogue parmi ce que l'on appelle l'agriculture urbaine et il se pourrait bien que ce genre d'initiative se développe à l'avenir !

Les AstucesCarotte pour bien ramener sa fraise

  • Éviter autant que possible les fraises espagnoles.
  • Au marché, demander à goûter les fruits pour ne pas être déçu une fois rentré à la maison (une très bonne raison de se régaler).
  • Pour ne pas laisser ses fraises s'abîmer, les placer en évidence dans son frigo. Illustration dans cette vidéo.
  • Pour les Parisiens, déguster des fraises très locales dans l'un des points de vente d'Agricool
Entre tradition et modernité, la fraise reste un incontournable du début de l’été. Alors, à la rédaction, on attend patiemment de pouvoir en profiter ! En attendant, c’est fruits secs à volonté.
Servane Courtaux, Théodore Fechner, Paul Louyot et Gaëtan Morand
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