Nous vous l’avions annoncé, nos bénévoles prennent le relais des services civiques dans l’écriture d’articles. Et pour cette inauguration, LundiCarotte en profite pour traiter un sujet inédit. En effet, l’objet de cet article, vous êtes en train de le consommer. Trouvé ? Il s’agit bien sûr des emails. L’occasion pour notre newsletter de faire son introspection et de réfléchir à son propre impact. Les emails, c’est la nouvelle bête noire de la toile. Légende urbaine ou vrai problème ? Nous avons voulu en être sûrs.

Vous avez un message

Le 6 avril 2020
Nous vous l’avions annoncé, nos bénévoles prennent le relais des services civiques dans l’écriture d’articles. Et pour cette inauguration, LundiCarotte en profite pour traiter un sujet inédit. En effet, l’objet de cet article, vous êtes en train de le consommer.
Trouvé ? Il s’agit bien sûr des emails. L’occasion pour notre newsletter de faire son introspection et de réfléchir à son propre impact.
Les emails, c’est la nouvelle bête noire de la toile. Légende urbaine ou vrai problème ? Nous avons voulu en être sûrs.
Vignette de l'article Vous avez un message

Décryptons les emails

Pour comprendre ce qui se passe lors de l’envoi d’un email, prenons un exemple concret. Aurélie écrit à Servane pour lui proposer une soirée débat LundiCarotte avec un programme en pièce jointe. Les différents acteurs impliqués sont :
  • L’émetteur : dans notre cas, par exemple, l’ordinateur d’Aurélie, qui utilise un service de messagerie en ligne ;
  • Le data center émetteur : les serveurs de ce service de messagerie qui vont traiter la demande d’envoi et stocker le message dans la boîte d’Aurélie (ainsi que la pièce jointe) ;
  • Le data center récepteur : les serveurs du service de messagerie de Servane qui vont traiter la réception de l’email et le stocker dans leur boîte (vous l’avez deviné, avec la pièce jointe) ;
  • Le récepteur : par exemple, le téléphone de Servane qui recevra le message et le stockera en local ;
  • Et pour relier tout ça : le réseau internet, gigantesque maillage d’équipements (câblage, routeurs…).
Une fois l’email reçu, il va rester sur les data centers émetteurs et récepteurs, parfois très longtemps. À la Rédaction, nous avons réussi à déterrer des emails vieux de 15 ans !
Illustration

On s’en-mail avec tous ces chiffres...

L’envoi d’un email et son stockage, ce sont les deux choses qui peuvent avoir un impact en termes d’émissions de gaz à effets de serre. Mais alors, de combien parle-t-on ?
Après seulement 10 minutes de recherches sur internet, on a de quoi paniquer :
  • L’envoi d’un email avec pièce jointe serait équivalent à garder une ampoule allumée pendant 1 h.
  • Notre envoi d’emails annuel reviendrait à faire 1 000 km en voiture !
  • Les emails d'une entreprise de 100 personnes émettraient ainsi chaque année 18 tonnes de gaz à effet de serre, soit l'équivalent de 18 allers-retours Paris-New York.
  • De plus, 80 % des emails ne seraient jamais ouverts !
On a cru devoir fermer boutique direct. On vous rassure tout de suite, on ne l’a pas fait. Sans plus attendre, dé-mailons le vrai du faux !
Le moins que l’on puisse dire, c’est que nos recherches nous ramènent sans arrêt à une étude de l’ADEME de 2011 qui table sur environ 20 g de CO2 équivalent (CO2eq) pour l’envoi d’un email de 1 Mo (mégaoctet) avec pièce jointe. Notons que ce scénario est pessimiste : 1 Mo, c’est gros pour un email. En comparaison, l’email que vous avez sous les yeux fait environ 100 Ko (soit 0,1 Mo, pas mal optimisé, LundiCarotte !). Après quelques calculs, on se retrouve avec les chiffres impressionnants cités précédemment.
Ce chiffre a fait du bruit à une époque où l’impact du numérique était encore peu souvent abordé. Beaucoup de médias s’en sont emparés, notamment à la suite de la COP21 en 2015.
Pourtant, il est aujourd’hui largement contesté. Par le think tank Shift Project dans un rapport de 2018, qui parle dans les mêmes conditions d’envoi d’environ 0,4 g de CO2eq, soit 50 fois moins. Également par APESA, cabinet d’étude mandaté par la Famille Zéro Déchet pour son livre “Famille en transition écologique”, qui cite le même chiffre que le Shift Project. Enfin également par GreenIT, communauté des acteurs du numérique responsable. Bien que leurs études ne soient pas publiques, car commanditées par des entreprises, c’est l’acteur de référence en France qui se penche sur le sujet depuis 15 ans. On reproche notamment à l’étude de l’ADEME d’être dépassée (en 10 ans dans le numérique, tout change !).
En résumé, on ne saura pas vraiment quel est le bon chiffre, mais tous s’entendent aujourd’hui pour dire qu’il est très faible, même l’ADEME, qui a demandé à GreenIT de le corriger dans une étude à paraître en 2021.
« Tous s’entendent aujourd’hui pour dire que l’impact carbone des emails est très faible. »
Faible à quel point ? Prenons le 0,4 g de CO2eq du Shift Project. Pour ceux qui ne parlent pas le CO2eq couramment, on vous a fait une petite table d’équivalence. On a appelé ça le jeu “Combien faut-il d’emails pour faire…”
  • 1 carotte = 22 emails (pensez-y la prochaine fois que vous mangez une carotte) ;
  • 1 steak haché = 4 092 emails ;
  • 1 vol Paris - Londres = 258 000 emails.
Toujours avec ce chiffre, malgré le nombre incroyable d’emails envoyés par jour dans le monde (293 milliards, hors spam !), d’après nos calculs, ils représenteraient 3 % de l’impact du numérique. Le visionnage de vidéos a par exemple beaucoup plus d’impact.
Ça, c’est pour l’envoi. Concernant le stockage, les émissions sont encore plus faibles d’après GreenIT : supprimer 1 Go d’emails ferait gagner 40 g de CO2eq / an. La boîte mail d’Aurélie pesant 7,7 Go, cela fait relativiser quand on sait que pour l’alimentation ou l’énergie du logement, par exemple, l’ordre de grandeur est généralement la tonne de CO2eq / an par personne.
« Supprimer 1 Go d’emails apporterait un gain de 40 g de CO2eq / an. »
Que faut-il en retenir ? Certes, les emails ont un impact, mais il est loin d’être aussi alarmant que ce que beaucoup de personnes propagent - sans le savoir - en reprenant les chiffres de l’ADEME.

Ouvrons la boîte de Pandore

À ce stade, nous avons poussé un grand soupir de soulagement et sommes partis préparer notre prochain article. Mais par curiosité professionnelle, nous avons quand même voulu savoir à quoi était dû ce chiffre.
On trouve en premier lieu le coût de fabrication des équipements émetteurs et récepteurs (rappelez-vous, l’ordinateur d’Aurélie et le téléphone portable de Servane). D’après nos échanges avec GreenIT, il est responsable de 90 % des impacts d’un email stocké pendant 15 ans, et fait de l’écriture et la lecture les étapes les plus impactantes de la vie d’un email. En considérant que traiter nos emails ne représente qu’une petite partie de nos activités numériques, on imagine l’ampleur du problème.
« La fabrication des équipements utilisateurs est responsable de 90 % des impacts d’un email stocké pendant 15 ans. »
Contre toute attente, l’électricité nécessaire pour faire tourner les data centers 24 h sur 24 n’est donc pas le principal problème. Bien qu’allumés en permanence, beaucoup d’efforts sont faits pour optimiser leur consommation d’électricité (et donc leur coût !). Cela a porté ses fruits avec d’importants progrès réalisés ces dernières années.
On vous en parlait dans notre article sur les smartphones, si la fabrication des équipements a un coût aussi important, c’est parce que le coût d’extraction des métaux, leur raffinage à grand renfort de produits chimiques ou leur transformation en composants électroniques sont très énergivores et destructeurs de l’environnement. À cela s'ajoutent de graves problèmes environnementaux et sanitaires liés à la pollution de l’eau, ainsi que de tensions pour l'acquisition des “minerais de conflits”, comme le coltan et l’or. À ce sujet, on ne saurait que trop vous recommander la lecture du livre “La guerre des métaux rares” de Guillaume Pitron.
Illustration
Orange Labs - Impact des métaux rares pour le secteur des TIC
La taille de l’email a un impact plus ou moins lourd sur le coût du transport. Plus l’email est petit, mieux c’est ! C’est la pièce jointe qui jouera le plus sur le poids. Pas d’inquiétude non plus : comme dit précédemment, l’hypothèse d’un email de 1 Mo est déjà pessimiste.
Finalement, l’impact des emails est-il exagéré dans les médias ? A la Rédaction, on trouve tout de même que cette mise en avant a permis de faire entrer dans le débat le numérique, aujourd’hui responsable de 3,8 % des émissions de gaz à effet de serre, et de faire prendre conscience des énormes impacts de la fabrication de nos équipements. L’email est un petit peu l’arbre qui cache la forêt.

La messagerie, facteur de stress

Il y a par contre une chose qui ne prête pas beaucoup à débat, c’est le facteur de stress que constituent les emails au travail. En trop grand nombre, ils sont accusés de nous faire souffrir “d’infobésité” ou surcharge d’informations. Résultat : sentiment d’urgence permanent, accélération du rythme de travail, sentiment d’isolement.
Les chiffres sont impressionnants : 56 % des utilisateurs passent 2 h par jour à gérer leur boîte mail. Une certaine forme d'addiction s’installe, au point que 65 % des utilisateurs disent vérifier leur messagerie toutes les heures, mais le font en vérité toutes les 5 minutes. Le pire, c’est que l’on met plus d’une minute à reprendre le fil de sa pensée après avoir été interrompu par un email. Un vrai frein à la concentration.
« 56 % des utilisateurs passent 2 h par jour à gérer leur boîte mail. »
On ne sait pas vous, mais nous, on se retrouve bien dans ce descriptif ! Pour éviter ces soucis, il est intéressant de désactiver les notifications des applications de messagerie afin de ne pas être interrompu dans son travail et de se fixer des plages horaires pour traiter ses emails.

On vous spamme d’AstucesCarotte !

On l’a compris, l’impact principal d’un email est dû au coût de fabrication des équipements utilisateurs. Le meilleur conseil que l’on pourra vous donner, c’est donc de prolonger leur durée de vie ! Appliquons à nos téléphones et ordinateurs la règle des 5R en évitant de les changer trop souvent et en les réparant. Vous pouvez par exemple emmener votre ami électronique dans un repair café (quand ils rouvriront), ou vous emparer vous-même de son bien-être avec les guides de réparation du site iFixit. Et quand il n’y a plus d’autre choix, pourquoi ne pas acheter un appareil reconditionné sur Back Market ?
Pour limiter l’impact pendant l’envoi, on peut essayer de prendre quelques bonnes habitudes numériques :
  • Bien réfléchir sur la nécessité de l’envoi d’un email ;
  • Ajouter uniquement les destinataires pertinents ;
  • Pour la pièce jointe, préférer une plateforme de stockage en ligne pour éviter de la stocker à de multiples endroits. Encore mieux : utiliser des plateformes comme WeTransfer où la durée de stockage est limitée dans le temps ;
  • En transférant un email, retirer les destinataires qui ne sont pas utiles, supprimer la pièce jointe si elle n’est pas nécessaire ;
  • Éviter les signatures trop lourdes, notamment avec des images ;
  • Pourquoi ne pas essayer le format texte brut plutôt que html, plus sobre, mais très léger ? Saviez-vous que vous avez l’option bien souvent dans votre application de messagerie ?
Pour optimiser le stockage, des services comme Cleanfox vous promettent un gros ménage en vous désabonnant de vos newsletters. Intéressant sur le papier, mais méfiance : vous devrez leur donner accès à l’entièreté de votre boîte mail et bien souvent, vos données seront anonymisées et commercialisées. Business is business !
Préférez l’instauration d’une nouvelle habitude dans votre quotidien : quand vous recevez une newsletter, posez-vous la question : “Est-ce vraiment utile ?”. Si non : direction le bas de l’email pour vous désabonner. À défaut d’être très efficace pour lutter contre le réchauffement climatique, cela vous fera toujours moins d’emails à lire !
Certes les emails ne sont qu’une goutte d’eau. Ces réflexions nous invitent par contre, comme souvent, à plus de sobriété et à bien réfléchir à notre usage. Un bon email est un email utile. Comme cette newsletter ! Si on ne devait en garder qu’une poignée, on n’enlèverait certainement pas ceux qui nous aident dans notre démarche de consommation durable.
On espère que cet article vous a convaincu de ne pas vous désabonner et on vous dit à la semaine prochaine !
Aurélie Valéry
Partager ce LundiCarotte
MAILTWFB