Des courses Fast & Furious |
Le 20 juillet 2020 |
Cette semaine, la Rédac’ va faire les courses, mais une fois n’est pas coutume, elle s’y rend en voiture, puisque c’est du drive qu’elle veut vous parler aujourd'hui! |
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Synonyme de gain de temps et de maîtrise des dépenses, les courses au drive font la une de la semaine chez LundiCarotte. La Rédac’ s’est penchée sur les aspects sociétaux et environnementaux que questionne ce sujet d’actualité. Pour cela, elle a pu bénéficier du retour d'expérience de l’une des rédactrices - Juliette - qui a elle-même été employée dans un drive, apportant ainsi un témoignage de première main. |
Parce qu’en anglais, ça sonne toujours mieux |
C’est bien connu, la Rédac’ n’aime pas les anglicismes, mais cette semaine, elle n’a pas vraiment le choix, puisque le drive est le nom donné au circuit de distribution avec lequel les consommateurs commandent leurs courses en ligne et passent les récupérer à des points de collecte à l’heure qui les arrange. |
Le drive a émergé en France en 2004 lorsqu’Auchan a ouvert son premier Chronodrive près de Lille. Les concurrents de l’enseigne, voyant là un marché en or, se sont empressés de reprendre la formule et en quelques années, Leclerc, Système U, Carrefour et Intermarché ont créé leurs propres drives. |
Depuis lors, le drive a grignoté des parts de marché jusqu’à représenter 5,2 % des ventes de produits de grande consommation en 2017. Et l’envol ne semble pas près de s’arrêter, puisque son chiffre d’affaires affiche une croissance à plus de 5 % et que la France est aujourd’hui la championne européenne des courses au drive. |
En 2019, on trouvait ainsi 5 209 points de vente en drive dans l’hexagone. Cependant, le nombre d’enseignes ne correspond pas forcément à leur notoriété, puisque si Leclerc n’est que 4e en termes de nombres de drives, il détient à lui seul 48 % du marché du drive en France, grâce à des prix inférieurs à tous ses concurrents. |
On n’est jamais mieux servi que par soi-même ? |
Le drive présente plusieurs avantages qui peuvent expliquer son succès. Tout d’abord, il permet au client de gagner du temps au moment de faire les courses, ce qui est un bénéfice considérable pour de nombreuses personnes. Ensuite, il permet d’acheter des produits lourds (packs d’eau, lessive…) sans avoir à les transporter, ce qui est un atout non négligeable pour les personnes à mobilité réduite. |
Finalement, l’usager en sort aussi gagnant du point de vue du prix, puisque, contrairement à la livraison à domicile, le client n’a pas à débourser plus qu’en magasin. Pour certains, le drive permet même d’éviter les “achats d’impulsion” que la grande distribution cherche à provoquer. |
Une fois cela dit, il faut tout de même distinguer trois modèles de drive : le picking, l’adossé et le solo. Dans le dernier modèle, très utilisé par Leclerc, les commandes sont préparées dans un entrepôt isolé. A l’inverse, dans les deux premiers, le drive est dépendant d’un magasin de référence où il s’approvisionne pour répondre à la demande. |
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Le drive, un modèle aux multiples facettes |
L’entrepôt d’un drive solo est lui-même divisé en trois zones : l’ambiante où l’on trouve les boissons et l’épicerie, celle contenant les produit frais et surgelés et la ‘mezzanine’ proposant les produits d’hygiène et ménagers. Ils ont aussi une organisation hiérarchique commune et les préparateurs sont affectés durablement à une zone. |
Une ombre au tableau tout de même : comme dans le cas de la livraison de repas à domicile, ce modèle peine à être rentable. L’achat des terrains, la gestion des stocks et les salaires à verser empêchent bien souvent le chiffre d’affaires d’être positif. |
De plus, quelques critiques se font entendre contre ce mode de distribution, notamment au niveau des ruptures de stock et de la palette de choix restreinte. Dès lors, malgré son succès, le drive risque de couler avec la grande distribution qui a perdu 3,3 % de chiffre d’affaires entre 2010 et 2018. |
‘Les temps modernes’ de Chaplin au goût du jour |
Parmi toutes les critiques, la principale concerne les conditions de travail. En effet, la grande distribution n’hésite souvent pas à jouer sur la précarité sociale de ses employés. |
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l’organigramme d’un drive, pour ne pas se perdre entre les rayons |
Dans les drives, le salaire d’un préparateur de commande correspond au smic horaire, soit 7,82 euros net de l’heure, alors que celui-ci travaille entre 5 heures et 7 heures par jour, 6 jours sur 7. Le travail n’est pas de tout repos, puisque le salarié se doit de réaliser 8 préparations ou “preps” par heure, c’est-à-dire une toutes les 7,30 minutes. Le préparateur reçoit donc seulement 98 centimes par prep’ effectuée, un calcul carotte qui nous laisse sans voix ! Et encore, si ce rythme est tenable pour une préparation de 1 à 30 articles, il relève de l’impossible lorsque les commandes contiennent 250 articles, comme cela peut arriver, selon Juliette. |
« Le préparateur reçoit seulement 98 centimes par prep’ effectuée. » |
De plus, préparer une commande est un exercice physique qui peut amener un préparateur à marcher entre 10 km et 18 km par jour et à porter quotidiennement des packs de produits lourds, ce qui peut générer de vrais problèmes de santé. Juliette nous raconte ainsi ses journées passées à s'accroupir, escalader les étagères, se plier en quatre pour attraper le sac de croquettes Royal Canin ou la boîte de thon Petit Navire. Tout cela, vêtue et chaussée par son employeur - qui ne pousse toutefois pas le zèle jusqu’à contrôler l’état des bleus de travail. |
Le rythme est d’autant plus difficile à tenir que les pauses ne sont que de 3 minutes par heure de travail effectué, soit 21 minutes pour 7 heures de travail, et qu’elles ne sont pas toujours accordées au bout des 4 heures de travail réglementaires. Les scannettes accrochées aux bras des employés qui souhaiteraient lever un peu le pied les en dissuadent aisément. Celles-ci agissent comme des mouchards, détaillant les statistiques du préparateur aux supérieurs hiérarchiques et facilitant les sanctions. |
Quittons un instant les préparateurs pour nous tourner vers les livreurs, autres acteurs incontournables de la chaîne. La livraison d’une commande doit être réalisée en moins de 10 minutes, quelle que soit la densité des produits commandés, ce qui implique à nouveau une bonne aptitude physique. Le livreur doit d’abord assembler les produits commandés dans l’entrepôt, puis les entreposer dans le coffre de la voiture comme demandé par le client. |
Finalement, Juliette mentionne le sous-effectif salarial, un quotidien dans les drives de la grande distribution où le turn-over est particulièrement important. Juliette a ainsi assisté pendant les deux mois de sa période d’essai à un va-et-vient incessant de nouveaux employés durant plusieurs semaines au cours desquelles le nombre de préparateurs n’était pas suffisant pour la quantité de commandes à réaliser. En réalité, rares sont les préparateurs à supporter plus d’une semaine le rythme de travail d’un drive et rares sont ceux embauchés au terme de leur période d’essai. |
Cette cadence peut expliquer qu’il soit possible de devenir chef de file après seulement 6 mois à 1 an d’ancienneté et même responsable d’un drive au bout de seulement deux à trois ans. Cette facile montée en grade est une conséquence de la pénibilité du travail et la plupart des préparateurs ne sont pas gardés. |
Du pétrole jusque dans les chaussettes |
L’autre reproche que l’on peut adresser légitimement au drive est la nécessaire utilisation de la voiture. Pour les moins anglicistes d’entre nous, drive veut dire conduire, ce qui implique nécessairement des émissions de gaz à effet de serre. D’autant plus que le déplacement du consommateur émet 1,6 fois plus que l’importation des produits, comme on le mentionnait déjà dans l’article sur les transports de marchandises. |
Ainsi, il ne faut pas croire que le drive et la livraison sont équivalents du point de vue des émissions de gaz à effets de serre. Dans le cas des livraisons, les distributeurs cherchent souvent à optimiser le coût du transport en utilisant le moins possible de carburant et en groupant un maximum de commandes dans un seul véhicule. |
« Dans le cas des livraisons, les distributeurs groupent un maximum de commandes dans un seul véhicule, ce qui réduit leur empreinte carbone. » |
Si le drive ne partage donc pas les économies d’échelle de la livraison à domicile, il la rejoint dans l’utilisation massive d’emballages et de sacs plastique. Là où vous pourriez mettre vos carottes directement dans votre sac en allant vous-mêmes au supermarché, les salariés des drives sont tenus de vous amener vos courses dans des sacs, parfois à usage unique comme chez Système U, ce qui pose de vrais problèmes environnementaux. |
De son côté, Leclerc, qui utilisa longtemps des sacs en plastique renforcés consignés et réutilisables a dû arrêter, car les clients retournaient souvent les sacs salis. Toutefois, ne jetons pas la pierre trop vite, les deux distributeurs ont récemment changé leurs pratiques et privilégient désormais les sacs en papier kraft à usage unique, un matériau recyclable et biodégradable. |
Des solutions pour les plus pressés ? |
La grande distribution n’est pas la seule à avoir développé des solutions drive pour les plus pressés d’entre nous, il existe aujourd’hui des drives fermiers en circuit court, avec des produits de saison. Par exemple les casiers fermiers à St-Quentin, la Ruche qui dit oui et les AMAP présentes partout en France, qui sont des solutions abordables pour s’approvisionner sans avoir mauvaise conscience. Une autre initiative qui ne règle pas tout, mais ouvre la voie, est le drive zéro déchet initié par le drive tout nu à Toulouse. Avec ce modèle, le consommateur peut passer une commande « garantie 100 % responsable et 0 déchet ». Finalement, l’enseigne Carrefour vient de lancer l’étrange concept de drive piéton qui permet de gagner du temps sans émettre de gaz à effets de serre. |
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Le drive tout nu cherche à faire entrer la logique du vrac dans ce monde |
Les astuces carotte à emporter sans attendre |
- Ne pas s’énerver si notre commande n’est pas encore prête lorsque l’on arrive pour récupérer nos courses : les préparateurs font de leur mieux !
- Penser à ramener les sacs en plastique et en papier au drive afin qu’ils soient recyclés ou choisir l’option “commande sans sac” lorsqu’elle existe, le livreur déposera alors directement les produits dans vos sacs de courses.
- Pour les denrées “lourdes”, penser aux préparateurs qui devront les porter et essayez de les répartir sur plusieurs commandes… Ou encore mieux, remplacer vos achats de packs d’eau par une carafe filtrante permettant de boire l’eau du robinet. Saviez-vous que la France possède une excellente qualité d’eau potable, disponible partout ?
- Se renseigner auprès de sa mairie pour découvrir les drives fermiers accessibles à proximité de chez soi.
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On espère que l’article vous a plu et si vous avez une remarque sur les courses en drive ou les courses plus généralement à nous partager – n’hésitez pas à nous l’envoyer par mail, on y répondra avec plaisir ! |
Alice Leleu et Julia Denier |
