Ce samedi, retours et précisions sur deux thèmes récents de LundiCarotte.

Le commerce équitable, vraiment ?

Le 9 décembre 2017
Ce samedi, retours et précisions sur deux thèmes récents de LundiCarotte.

Le catalogue de la transparence

Nous vous parlions pas plus tard que mercredi dernier de l'importance et des vertues de la transparence des entreprises. Alors quelle ne fut pas notre surprise de découvrir cette petite perle de l'association Foodwatch : le catalogue de Noël qui pointe du doigt les nombreuses entourloupes qu'on peut croiser dans un supermarché.
Parmi celles qui nous ont frappé, on retrouve :
  • chez Picard, une bûche "à la noisette" avec 2% de noisette
  • chez Coraya, des suprêmes "au goût frais de homard" ...sans homard
  • chez Stoeffler, des "saucisses d'Alsace bios" avec de la viande qui ne vient pas de l'Union Européenne.
  • chez Tipiak, des coquilles Saint-Jacques "à la bretonne" qui nous viennent... d'Amérique du Sud
Voilà pour un petit exemple de transparence ou d'opacité, qui vient à point nommé cette semaine. Conclusion : restons vigilant.

Le Courrier des Lecteurs

“Bonjour LundiCarotte. J'ai lu avec un grand intérêt votre article sur Max Havelaar et le commerce équitable, et je m'étonne qu'il n'y ait pas le moindre mot sur les critiques que reçoit parfois ce label.”
En effet, nous vous disions il y a quelques semaines que le label Fairtrade Max Havelaar encourageait la rémunération juste des producteurs, et c’est toujours le cas. Le label présente de nombreux avantages comparé aux produits issus de filières classiques, parmi lesquels par exemple l’interdiction du travail des enfants et un prix minimum garanti pour l’achat des matières premières.
Cependant, nous aimerions aujourd’hui nuancer un peu nos propos, en présentant quelques aspects moins goûteux du label. Pour vous donner une idée de l'ampleur des controverses et du débat sur le sujet : il a sa propre page wikipédia (EN).
La première critique qui revient souvent est le fait que le label a perdu sa vision engagée et idéaliste, au profit d’une démarche plus commerciale. Selon Frans Van de Hoff, co-fondateur de Max Havelaar en 1988, il est regrettable que le label ait perdu sa dimension politique, et le problème de l’exploitation des agriculteurs du tiers-monde ne pourra être véritablement réglé que quand les gouvernements voteront des lois justes pour la scène du commerce mondial. Il faudrait par exemple plafonner la marge de profit que les acheteurs intermédiaires et les distributeurs peuvent faire.
Christian Jaquiau, économiste et expert-comptable, qui a écrit plusieurs livres sur “les coulisses du commerce équitable” s’insurge du fait de travailler avec des entreprises dont il trouve l’éthique douteuse, comme Starbucks, Accor ou Nestlé. Il dénonce le partenariat entre le label et Dagris, entreprise détentrice d’un quasi-monopole sur le secteur cotonnier de l’Afrique de l’Ouest. Aminata Traoré, ex-ministre de la culture du Mali, disait avant que ce partenariat ne soit signé : « Le commerce équitable fait partie des solutions au drame africain, à la condition que Max Havelaar ne se mette pas avec Dagris. Dagris fait partie du problème. ». Jaquiau explique que le label avait un déficit financier à combler, d'où ce partenariat.
Des remarques plus techniques concernent le respect de la charte. FLO-cert (Fairtrade Labelling Organisations certification), l’organisme responsable du contrôle des pratiques équitables, disposent de 130 auditeurs à travers le monde pour vérifier les fermes et les acheteurs. Fairtrade France assure que toutes les productions sont visitées une fois par an par FLO-cert. Cependant, selon certains, ce n’est pas suffisant pour assurer le respect des exigences partout. Par exemple, dans des grandes fermes certifiées, il arrive que les travailleurs saisonniers embauchés par le propriétaire soient très peu payés.
Il y aurait aussi des fraudes : des articles issus de productions classiques qui se vendent sous la bannière du label. Dans certains cas, les fermiers ne reçoivent pas la prime de développement qui leur est promise. Tout cela fait que la situation des fermiers certifiés par FLO-cert ne s’améliore pas forcément sur le long terme. Van der Hoff, notre ami co-fondateur du label, explique : “Sur le plan économique, nous (la coopérative de fermiers de café Uciri dont Van der Hoff fait partie) nous portons un peu mieux qu’en 1988. Mais notre situation reste précaire : nos producteurs de café gagnent en moyenne 3$ par jour – moins que le salaire minimum légal mexicain de 4,5$ (lui-même réputé très bas, ndlr).”.
Alors en fin de compte, que faire ?
Malgré tout, la démarche du commerce équitable reste saluable, et le mieux que l’on puisse faire en tant que consommateur plein de bonne volonté est de l’encourager en préférant des produits issus du commerce équitable. Pour ce qui concerne les grandes marques qui font des partenariats avec des labels de commerce équitable, choisir ces produits labellisés encourage ces marques, souvent trés à l'écoute des consommateurs, à aller plus loin dans la démarche.
Si on veut aller plus loin, les marques fondées sur une démarche éthique apportent plus de garantie quant aux conditions de production de leurs produits. Il y a par exemple Ethiquable et Artisans du Monde.
Nous vous souhaitons un bon week-end sous le signe de la culture, à revoir Le crabe-tambour, à relire Au plaisir des Dieux ou à réécouter Vivre pour le meilleur.
Alix Dodu et Théodore Fechner
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