Les beaux jours arrivent et cet article est à lire et à garder dans un coin de sa tête pour l’automne prochain ou pour les jours de pluie de cet été ! Et pour les ceux et celles qui se sentiraient en reste, sachez que l’on retrouve du nylon dans les coupe-vent, les vêtements de sport, les doublures... Et même dans les brosses à dents !

Un collant, ça file énormément

Le 22 juin 2020
Les beaux jours arrivent et cet article est à lire et à garder dans un coin de sa tête pour l’automne prochain ou pour les jours de pluie de cet été ! Et pour les ceux et celles qui se sentiraient en reste, sachez que l’on retrouve du nylon dans les coupe-vent, les vêtements de sport, les doublures... Et même dans les brosses à dents !
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Les bas du dimanche

Avant toute chose, rendons à César ce qui appartient à César. Cet article s’est beaucoup appuyé sur un dossier très complet de l’association Halte à l’Obsolescence Programmée ou HOP qui lutte contre la réduction délibérée de la durée de vie ou d’utilisation de nombreux produits par l’industrie afin de pousser à la consommation.
Commençons par le commencement : où sont apparus nos collants ? C’est dans une usine chimique des Etats-Unis en 1935 qu’un scientifique découvrit une matière chimique synthétique ultrarésistante. La naissance du nylon, fibre plastique de type polyamide (c'est-à-dire qu'on ne trouve pas de nylon dans la nature), fut vite suivie de la commercialisation de ce qu’on appelait à l’époque ‘les bas nylon’. Et le succès ne se fit pas attendre… enfin jusqu’au début de la seconde guerre mondiale, où la précieuse fibre synthétique fut réquisitionnée pour fabriquer des parachutes.
L’accalmie des jambes à l’air ne fut que de courte durée cependant et au lendemain des hostilités, le marché du collant reprit des couleurs.
De nos jours, le collant fait encore partie des indispensables de beaucoup de garde-robes. Avec 8 milliards de paires vendues dans le monde chaque année, dont 130 millions dans l'Hexagone, on pourrait imaginer une accumulation délirante de collants dans nos placards. Pourtant ce n’est pas vraiment le cas, car ce vêtement ne résiste en moyenne qu’à six journées d’usage, soit 80 heures de durée de vie avant que la bête ne file. Ceci d’autant plus que les collants opaques, réputés plus résistants, ne représentent que 21 % du marché, contre 72 % pour les collants voile transparents.
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Des petits trous, des petits trous… et encore un collant à la poubelle !
Sur ce marché en plein essor, l’entreprise DIM possède plus de 43 % des parts du marché français ; on dit qu’on vend un collant DIM toutes les secondes et demie. La société DIM s’appelait à l’origine “Les Bas Dimanche” et fut fondée en 1958 par un ancien résistant. En 1968, la marque connut un réel essor grâce à la révolution sexuelle et l’apparition de la minijupe. Cependant, malgré cet exemple de réussite d’une marque française, DIM est à présent une filiale du groupe de textile américain HanesBrands.

Nylon pas par quatre chemins...

Nous consommons 9,5 kg de carottes par personne et par an en France et ceci, sans créer de scandale.
Cependant, la production de collants (même orange) n’a pas le même impact sur l’environnement. En effet, pour produire une seule paire de collants classiques, 14 000 kilomètres de fil et 750 litres d’eau sont nécessaires.
En outre, ils sont un produit de l’industrie synthétique pétrolière et leur coloration nécessite énormément de produits chimiques, car le nylon se teint très mal avec des colorants naturels. Résultat : mieux vaut ne pas aller se baigner dans l’eau qui entoure les usines, car celle-ci peut être polluée par ces additifs chimiques et teintures allergènes.
« Pour produire une seule paire de collants classiques, 14 000 kilomètres de fil et 750 litres d’eau sont nécessaires »
Même si vous ne comptez pas y piquer une tête, le collant peut avoir un effet néfaste sur votre santé. Certains additifs y sont parfois ajoutés pour le protéger des ultraviolets et de l’oxygène. Or, ceux-ci se déposent sur la personne qui les porte et sont des perturbateurs endocriniens. Pour éviter ce risque, la certification Oeko-tex 100 garantit des collants avec peu de résidus chimiques.
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Le logo d’OEKO-TEX est une garantie que votre vêtement ne contient pas de produits chimiques nocifs pour la santé
Finalement, car un problème vient rarement seul, le collant est aussi particulièrement difficile à recycler. Le nylon mettrait entre 30 et 600 ans à disparaître, ce qui veut dire a minima 1 825 fois plus longtemps que le temps qu’aura passé le collant sur nos jambes, c’est le calcul carotte du jour ! Or, les bas nylon représentent tout de même environ 7 315 tonnes de déchets par an en France, soit le volume de sept piscines olympiques !
Heureusement, certaines entreprises, conscientes du problème, cherchent des solutions, comme la société italienne de production de fibres synthétiques Aquafil qui a développé un procédé permettant de transformer les déchets plastiques en un nylon 100 % recyclé et recyclable. Avec une autre approche, la société française Povera s’est spécialisée dans la transformation des collants usagés en bijoux, éponges, ceintures et autres joyeusetés !
« Les bas nylon représentent environ 7 315 tonnes de déchets par an en France, soit le volume de sept piscines olympiques »
Pour ceux qui veulent en apprendre plus sur les enjeux environnementaux des vêtements, on vous renvoie à notre article sur l’industrie textile, deuxième plus polluante après celle du pétrole.

De l’infilable au collant jetable

Devant un tel constat, on se sent en droit de demander pourquoi nos collants ne tiennent même pas toute une saison.
Selon l’association HOP, le nylon qui ne file pas existe depuis bien longtemps, mais il est plus coûteux. Il ne serait donc pas rentable pour l’industrie de le commercialiser lorsqu’on sait que certains collants ne coûtent que 3 euros. Nous vendre des collants jetables permet à l’industrie du textile de se constituer un bas de laine !
Le tissu est fragilisé à cause de l’utilisation d’un fil en polyamide de mauvaise qualité, mais aussi à cause d’un tricotage moins serré qui réduit la quantité de fil utilisée et à cause de bains de teinture à 50 degrés. Si toutes ces méthodes permettent au producteur d’augmenter ses marges, on s’en met à regretter la couture à l’arrière qui était synonyme d’une certaine solidité au siècle dernier.
Enfin, il ne s’agit pas de perdre espoir, il est toujours possible de trouver des collants relativement solides, pour peu qu’on sache lire l’étiquette du vêtement. Les collants sont en effet classés en fonction de leurs deniers, c'est-à-dire de la densité et de l’épaisseur du tissu qui les constitue. Comme le denier peut aller de 5 à 100, il vaut mieux se tourner vers les modèles de plus de 30 deniers pour éviter de devoir retourner en magasin dans une semaine !

Et si on ne se défilait plus ?

Cela signifie-t-il que nous sommes condamnées à ranger nos robes et jupes au placard lorsqu’il fait trop froid pour sortir gambettes à l’air ?
Qu’on se rassure, ce n’est pas le cas, même si le marché du collant durable reste confidentiel, il est possible de se procurer une paire de collants qui ne nuisent ni à la planète, ni à notre santé.
Deux Suédoises ont ainsi fondé Swedish Stockings, une marque qui fabrique ses collants à partir de filets de pêches recyclés puis colorés grâce à des teintures hypoallergéniques. De plus, l’entreprise prend le temps de purifier l’eau utilisée durant ce processus grâce à une microbactérie et propose de recycler tous les collants inutilisables. Toutefois, les collants de Swedish Stockings demeurent encore fragiles, c’est pourquoi la société conduit des recherches pour en produire de plus résistants grâce à des matières naturelles comme l’amidon de maïs et l’huile de ricin.
Dans la même veine, Woldford, avec sa collection certifiée Cradle to Cradle propose une alternative durable grâce à la biodégradation ou la dépolymérisation des matériaux utilisés. Cela signifie que chacun des éléments peut être composté ou séparé afin de resservir pour la production d’une future paire de collants.
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Les cycles de la biodégradation et la dépolymérisation
Enfin, il est aussi possible de se tourner vers des matériaux alternatifs au nylon. Thought Clothing propose par exemple des collants en coton bio, chanvre, bambou ou encore polyester recyclé. De leur côté, les collants en coton et lin bio de la marque Adèle sont entièrement fabriqués en France et plus accessibles pour nos porte-monnaie. Un dernier pour la route, Bleuforêt vend ses collants en coton, laine ou soie 100 % naturelle fabriqués en France à des prix doux dans certaines grandes enseignes comme Monoprix.
Ces collants durables ont certes l’inconvénient d’être sensiblement plus chers que les modèles d’entrée de gamme, mais sur le long terme, ils peuvent se révéler un investissement bien plus rentable.

Astuces carottes pour ne pas se découvrir d’un fil

  • Privilégier les collants opaques de plus de 30 deniers certifiés Oeko-tex 100 et se débarrasser des collants troués ou filés qui traînent dans son armoire pour se concentrer sur un petit nombre paires de qualité.
  • Laver ses collants à la machine avec un programme délicat à 30 °C, de préférence en les mettant dans une pochette à lingerie en tissu ou dans une taie d’oreiller.
  • Ramener ses collants filés dans les bornes de recyclage dédiées au textile. Pour trouver la plus proche de chez vous, le site lafibredutri recense les 41 700 points d’apport en France. Si vous habitez Paris, Lille ou Bruxelles, il vous est aussi possible de déposer vos collants dans un point de collecte de Povera où vos collants se verront accorder une seconde vie !
  • Transformer ses collants en éponges japonaises, mais aussi en accessoires pour cheveux, en sac, en chiffons. Les utiliser pour faire briller ses chaussures en cuir, rembourrer des coussins, fabriquer du savon… Bref, il n’est pas compliqué de donner une deuxième vie à des collants troués !
  • Un petit conseil culture : si la question de l’obsolescence programmée vous a intriguée, jetez un œil au documentaire Arte "Prêt-à-jeter” gratuitement sur Youtube.
On espère que malgré toutes ces nouvelles astuces, nous n’aurons pas besoin de porter de collants tout l’été et on vous souhaite de beaux après-midi à prendre le soleil les jambes à l’air !
Servane Courtaux et Alice Leleu
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