Ces dernières semaines, nous n’avons pas pu passer à côté d’un sujet qui a marqué l’actualité : l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM, pour les intimes) et les débats qui ont suivi. Cela a été l’occasion pour nous de rafraîchir notre article sur les transports en vacances en nous concentrant cette fois sur le transport aérien.

Y a-t-il une carotte dans l'avion ?

Le 1 juillet 2019
Ces dernières semaines, nous n’avons pas pu passer à côté d’un sujet qui a marqué l’actualité : l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM, pour les intimes) et les débats qui ont suivi.
Cela a été l’occasion pour nous de rafraîchir notre article sur les transports en vacances en nous concentrant cette fois sur le transport aérien.
Vignette de l'article Y a-t-il une carotte dans l'avion ?

Attention au décollage !

Qui prend l’avion et pour aller où ? D’aucuns seraient tentés de jeter la pierre aux entreprises et aux déplacements professionnels, mais la grande majorité du transport aérien est le fait de déplacements privés. Aux États-Unis, en 2015, seuls 31 % des passagers (pdf) se déplaçaient pour raisons professionnelles contre 47 % 20 ans plus tôt.
D’autre part, malgré des prix tirant de plus en plus vers le bas, il semble que l’avion reste tout de même un moyen de transport qui attire plutôt les classes aisées. Au Royaume-Uni, on estime que plus de la moitié de la population ne prend jamais l’avion, tandis que 33 % le prendraient une ou deux fois par an.
De l’autre côté de la Manche, d’après un sondage OpinionWay pour Air Indemnité, durant les cinq dernières années, un Français sur deux a voyagé au moins une fois en avion, les seniors en majorité. Les vols intérieurs (hors DOM-TOM) représentent 68 % des trajets.

Avenir nuageux pour les avions

Alors que des dizaines de milliers d’avions sillonnent le ciel chaque jour, il est légitime de se poser la question des conséquences environnementales de cette activité. On rentre alors dans une belle zone de turbulences.
D’un côté, les industriels du secteur et le gouvernement martèlent le chiffre des 2 % des émissions de CO2 mondiales. Cela semble peu, mais c’est tout de même autant que toutes les émissions cumulées d’un pays comme l’Allemagne.
D’un autre côté, lorsque l'on s'intéresse à l'impact d'une activité humaine sur le réchauffement climatique, il faut tenir compte de plusieurs facteurs, et pas seulement du CO2. Ainsi, le GIEC utilise la notion de forçage radiatif (en watts par mètre carré) pour mesurer le réchauffement que subit la Terre face à une activité humaine.
Dans son rapport de 2007, le GIEC attribue au secteur du transport aérien 4,9 % du forçage radiatif (pdf, anglais) anthropique total depuis 1750, avec une forte incertitude tant les phénomènes mesurés sont difficiles à évaluer. Parmi eux, on compte les rejets d’oxyde d’azote, de soufre, d’ozone ou encore la formation de cirrus. Les émissions de CO2 du secteur compteraient donc grossièrement tout au plus pour moitié dans l'impact total.
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Les cirrus, qui peuvent être induits par les traînées des avions, ont un fort effet de réchauffement climatique — Image Didier Darrigand
Le Réseau Action Climat (pdf) avance qu’entre 1990 et 2008, à l’échelle européenne, les émissions de CO2 liées au transport aérien ont augmenté de 110 % alors même que les principaux autres secteurs industriels ont réduit leurs émissions. Pis, le trafic aérien mondial devrait doubler d’ici les 20 prochaines années. Quel impact à ce moment-là ?

Contre-attaque des avionneurs

Le secteur de l’aviation ne reste bien sûr pas les bras ballants face à ces problématiques. Saluons l’efficacité énergétique en hausse : à capacité de transport égale, les avions les plus récents émettent moins de CO2 par kilomètre qu’avant.
Cependant cette baisse n’est pas suffisante pour endiguer l’augmentation mondiale du trafic aérien : moins 24 % de carburant utilisé en moyenne depuis 2005 contre une augmentation de 60 % du nombre de passagers.
L’avenir des carburants aériens réside peut-être dans les agrocarburants, comme ce vol test réalisé voici quelques années. Malheureusement, comme nous vous l’expliquions dans notre article, cette solution est pour le moment inenvisageable à grande échelle. En cause, des prix élevés, une concurrence avec le marché alimentaire et des produits encore majoritairement issus de déforestation (brute pour le soja et nette pour l’huile de palme).
Les autres biocarburants, de deuxième ou troisième génération, en sont encore au stade de la recherche et ne pourraient pas se substituer aux millions de litres de carburants fossiles utilisés chaque jour dans les cieux (60 000 litres de kérosène pour un Paris -Pointe à Pitre).

L’avion au rabais

Peut-être que, comme Servane, vous avez décidé de partir à la découverte de la capitale allemande cet été. Différentes options s’offrent à vous, plus ou moins onéreuses : le stop (sans doute plus d’une journée, 0 €), le trajet en voiture personnelle (150 € en solo, plus de 10 h), l’autocar (50 €, une nuit), le train (100 €, 9 h) et l’avion (75 €, 1 h 50).
Pourtant, ces différences de prix ne reflètent pas les empreintes carbone respectives (voir notre comparatif pour Paris-Barcelone). Comment expliquer que l’avion soit si peu cher ?
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En haut l’avion, en bas le train : faites vos jeux !
Tout d’abord, l’avion bénéficie d’un énorme avantage fiscal par rapport aux autres moyens de transport. La TVA est réduite à 10 % pour les vols intérieurs et est inexistante pour les vols à l’étranger, d’où les fameux achats duty free. D'autre part, les passagers des avions sont exemptés de la fameuse TICPE sur les produits pétroliers, que les Français en voiture payent à la pompe. Le détail du prix du billet d’avion avec l’exemple Paris-Nice ainsi que des explications sur la taxation du kérosène sont disponibles dans cet excellent document du Shift Project.
Ensuite, les compagnies aériennes ont intégré très rapidement les mécanismes visant à casser les prix via les agences dites low cost. En diminuant les coûts de maintenance et de formation du personnel, en rendant payantes les options en dehors du simple vol et en baissant les salaires, les compagnies comme Ryanair et Easyjet tirent leur épingle du jeu.
Le train, quant à lui, subit non seulement des taxes, mais surtout le coût des infrastructures. Même si voler semble plus difficile que rouler, construire des chemins de fer est beaucoup plus onéreux que construire un aéroport et des pistes d’atterrissage, en témoignent les 9 milliars d’euros de la ligne à grande vitesse Paris-Bordeaux.

L’avion pèse lourd dans la balance

Tout ceci nous amène finalement à nous demander si l’on peut prendre l’avion tout en ayant un mode de vie durable. Eh bien, cela dépend de ce que l’on entend par “mode de vie durable”.
Commençons par la définition idéale : un mode de vie où tous les humains auraient le même budget carbone pour stabiliser le taux de CO2 atmosphérique. Cela correspond grossièrement à 1,6 tonne de CO2 par habitant et par an. À titre de comparaison, en France, on émet aujourd’hui en moyenne entre 6 et 10 tonnes de CO2 équivalent selon que l’on compte les importations ou non.
Ce graphique issu du blog de Jean-Marc Jancovici résume bien la situation. Les vols long-courriers seraient tout bonnement à proscrire tandis que certains court-courriers seraient envisageables pour les personnes particulièrement frugales en carbone.
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Emissions de GES pour différents trajets (aller-retour), la ligne rouge représente la barre des 1,6 tonne de CO2 par habitant.
Pour autant, relativisons : si l’on vise un mode de vie durable plus réaliste, tendant à diminuer autant que possible son empreinte carbone, tous les efforts permettant de la réduire sont appréciables. On connaît d’ailleurs une très bonne newsletter qui aide à suivre cette voie.

Une question vitale

Bien gentils, les LundiCarotte, mais si je dois vraiment prendre l’avion ? Souvent inévitables dans le monde professionnel, les voyages en avion ont quand même leurs vertus et quelques pratiques simples permettent d’en atténuer (un peu) l’impact.
Parlons d’abord de la compensation carbone dont nous vous expliquions le principe ici. Beaucoup de compagnies aériennes proposent désormais dès l’achat du billet de s’acquitter de cette compensation, mais le consommateur perd alors le choix du type d’organisation qu’il soutient. Dans notre article sur le Transport en vacances, nous vous mettions en garde contre certaines compagnies aux pratiques douteuses sur le sujet.
L’Ademe conseille également de voyager léger ! Ainsi “réduire de 15 kg ses bagages peut faire économiser entre 100 et 200 kg équivalent CO2 sur un vol Londres-Tenerife”. Privilégions les produits peu ou pas emballés pour éviter les déchets à l’autre bout de la planète ou les achats superflus.
« Selon l’ADEME, réduire de 15 kg des bagages peut faire économiser plus de 100kg de CO2 sur un vol moyen-courrier. »
Enfin, on ne peut que conseiller de voyager sur des durées plus longues pour rentabiliser l’effort, tout en n’oubliant pas ses bonnes habitudes de consummation durable sur son lieu de voyage !

Contre les kilomètres inutiles, l’avènement du tourisme lent et local

Pour beaucoup d’entre nous, se passer d’avion, c’est se passer de voyages, de découvertes, d’expériences et de vacances réussies. En réalité, renoncer à l’avion ne signifie pas renoncer à se déplacer, mais le voyage ne compte pas que par sa destination, le trajet peut compter autant, si ce n’est plus, à en croire Thierry Paquo.
Il s’agit donc plus de repenser cet idéal de plages paradisiaques (sur lesquelles, avouons-le, une fois le tour de la barrière de corail fait, il ne reste plus que le coup de soleil à essayer) pour le remplacer par des découvertes plus locales. Rares sont ceux d’entre nous qui, comme Ocatarinetabellatchitchix, connaissent tous les chemins de leur pays (près de 60 000 km de Grande Randonnée en France, et plus encore...).
Quant aux Parisiens qui ont peut-être le sentiment d’avoir ‘tout vu tout fait’, Libération propose d’excellentes sorties dans toutes l’Île-de-France.
Pour ceux qui souhaitent tout de même s’évader hors de France, le dispositif Interrail permet aussi d’obtenir un pass illimité dans un ou plusieurs pays européens en train et en ferry.

Les AstucesCarotte pour être au septième ciel

  • Découvrir la quantité d’avions qui circulent en ce moment avec le site FlightRadar24
  • Sensibiliser ses collègues/sa hiérarchie aux impacts des voyages en avion comme le Labo1point5
  • Si l’on a envie de continuer à voyager en Europe en train, signer la pétition Oui aux trains de nuit.
Que vous ayez décidé de passer votre mois d’août à sillonner les routes de France à vélo et sac à dos ou de prendre le vol 714 pour Sydney, nous vous souhaitons un très bel été.
Servane Courtaux, Yvon Kerdoncuff et Laura Sereni
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