Mesdames et Messieurs bonjour, bienvenue à bord de ce LundiCarotte. Nous sommes Paul, Alix et Théodore, vos pilotes.
Nos stewards et hôtesses de l'air viennent de vous distribuer le menu du jour : le transport longue distance. Notre temps de lecture aujourd'hui sera d'environ 10 minutes. Nous vous souhaitons un agréable trajet en notre compagnie.

Départ imminent !

Le 23 mai 2022
Mesdames et Messieurs bonjour, bienvenue à bord de ce LundiCarotte. Nous sommes Paul, Alix et Théodore, vos pilotes.
Nos stewards et hôtesses de l'air viennent de vous distribuer le menu du jour : le transport longue distance. Notre temps de lecture aujourd'hui sera d'environ 10 minutes. Nous vous souhaitons un agréable trajet en notre compagnie.
Vignette de l'article Départ imminent !
En ces temps modernes, les vacances sont souvent synonymes de départ. Et pour cause. Chaque année, ce sont quelques 1 500 000 000 terriens qui vont se balader dans l’herbe plus verte des pays voisins. Soit 47 000 fois plus que les 25 000 touristes internationaux de 1950. Premiers chiffres de cet article, qui donnent une idée de l’impressionnante augmentation de la mobilité longue distance dans le monde. La qualification “longue” est forcément subjective. Nous proposons de considérer comme un trajet “longue distance” (qu’on appelera voyage) les trajets qui conduisent à passer au moins une nuit hors de chez soi.
Si l’on en croit nos statistiques nationales, les Français réaliseraient en tout quelques 200 millions de voyages par an, dont la grande majorité (90%) pour motif personnel. Ces voyages sont majoritairement effectués en voiture (75%), en train (12%), en avion (8%) et en autocar (2%). Jusqu’ici, rien de grave, chacun ses goûts. Oui mais ! Qui dit kilomètres dit énergie, dit souvent pétrole ou électricité, et dit donc aussi impact environnemental. Plus particulièrement, changement climatique. Jugez-en : d’après le Citepa, calculateur officiel des émissions de GES directes* du pays, le secteur du transport, toutes distances confondues (et incluant le transport de marchandises), est responsable d’un tiers d’entre elles. Un tiers ! Ce sera donc la principale lunette de cet article : quelle mobilité longue distance peut-être qualifiée de “climato-compatible” ?
* Note : les émissions de GES directes d'un pays ne tiennent pas compte des émissions dues à la production de ce que le pays importe (mais prennent en compte celles pour produire ce qu’il exporte)

Premier réflexe : comparaison kilométrique

Commençons par jeter un œil aux émissions de GES pour un trajet de 1000 kilomètres (environ la distance Paris-Marseille), moyen de transport par moyen de transport* :
Unité : kgCO2eq/1000km/passager
  • en TGV : 3 ;
  • en autocar : 30 ;
  • en voiture à essence/diesel de 4 passagers : environ 50 ;
  • en voiture à essence/diesel vide de passager : environ 200 ;
  • en avion court courrier : entre 260.
* Ces données proviennent du très pratique simulateur de l’Ademe
Cette liste est à priori assez éloquente, mais fendons nous de quelques commentaires. Tout d’abord, notons l’imbattable première place du TGV. Remarquons ensuite l’implacable logique du covoiturage, ou plutôt l’évident gâchis du solovoiturage. Troisièmement, précisons que s’il y a quelques controverses autour de l’empreinte carbone de l’avion, ça ne l’empêche pas de se situer dans le bas tableau.
En ordre de grandeur, on peut retenir que :
  • le TGV se situe à 3 kgCO2eq/1000km/passager ;
  • le covoiturage et le car autour de 40 ;
  • l’avion et le solovoiturage tous les deux au-dessus de 200.
« En ordre de grandeur, on peut retenir que le TGV se situe à 3 kgCO2eq/1000km/passager, le covoiturage et le car autour de 40, l’avion et le solovoiturage tous les deux au-dessus de 200 ! »
Et, pour être un peu plus concret, vous pouvez comparer ces chiffres en kgCO2eq au maximum admissible pour “rester sous les +1,5°C”: 1 700 kg par an par personne. Un aller retour Paris Marseille en avion ou en solovoiturage représente déjà autour d'un cinquième de votre “budget annuel” !

Dont acte, TGV

Regardons en détail les enjeux du TGV.
La performance “carbone” du TGV, et plus généralement du trafic ferroviaire français, est directement dû à la très faible part (8%) d’énergie fossile dans le “mix électrique français”, laquelle (très faible part) peut être qualifiée d’exception française. Elle est dûe à la très importante part (68%) de l’électricité nucléaire en France.
De cette considération en découlent deux autres : dans les autres pays européens, la part du nucléaire dans le mix électrique est plus faible, celle des énergies fossiles plus élevées (en moyenne autour de 45% en 2016), et l’avantage carbone du train par rapport à une voiture remplie s’estompe.
Deuxièmement, qui dit nucléaire dit moins de GES, mais ne dit pas pour autant des excuses pour jeter l’énergie par la fenêtre. En effet, aussi bien pour les enjeux environnementaux propres de l’énergie nucléaire que pour l’interrelation du réseau électrique à l’échelle européenne, nous considérons que chaque kWh, même d’électricité nucléaire, doit être considéré comme une précieuse ressource à utiliser avec parcimonie. En raison de quoi, la bonne performance carbone du TGV ne doit pas forcément dispenser le voyageur de se questionner sur le sens de ses kilomètres parcourus. En comptant 20 kWh/km pour un train de 200 personnes, ça revient tout de même à 200 kWh l’aller retour Paris-Marseille, soit un mois de la consommation électrique d’un français à son domicile.

Quid de l’autocar ?

Notre second au classement, l’autocar, n’a pas la côte. Il pèse pour seulement 2% des voyages des français. Sûrement le secteur souffre-t-il d’une image quelque peu terne, d’un bus vieillissant, dans lequel il fera soit trop chaud soit trop froid, bruyant dans tous les cas, et se mouvant telle une tortue sur les routes de France. Est-ce un vieux souvenir de voyage scolaire ? Possible. Mais nous pensons qu’il est temps de revoir ce cliché. Le secteur s’est beaucoup modernisé après le changement de statut légal de 2015. Si vous voulez tenter ce renouveau, les deux principales compagnies nationales (et même continentales) sont Flixbus et Blablacar Bus. Ce petit moteur de recherche vous aidera à voir si un trajet vous correspond.

Quid de la voiture ?

Nous avons déjà parlé de voiture dans le passé ici en 2018, et en 2020. Rappelons simplement ici deux choses.
Le covoiturage a une empreinte énormément diminuée et est un flagrant bon sens environnemental, en plus d’être une forme de solidarité moderne et un éventuel vecteur de lien social. En tant que conducteurs, si vous ne le faites pas pour amoindrir vos frais, dites vous que votre trajet peut beaucoup aider quelqu’un. En plus de l’incontournable Blablacar, on trouve des plateformes de covoiturages alternatives comme Mobicoop ou Laroueverte.
De même, l’éco-conduite, c’est-à-dire la mise en place des mesures qui permettent de diminuer la consommation d’essence par kilomètre, mérite certainement de devenir la norme. Les “bonnes pratiques” de l’éco-conduite peuvent être révisées avant chaque long trajet. On n’a jamais fini d’apprendre en la matière ! On en remet quelques-unes ici pour le plaisir :
  • l’enjeu du poids du véhicule  : 100kg de plus, 5% d’émissions en prime ;
  • la pression correcte des pneus ;
  • passer le plus vite possible à la vitesse supérieure (se fier au compte tour de moteur plutôt qu’à son oreille) ;
  • rouler moins vite : jusqu’à 1L/100km de moins pour 10km/heure de moins (à comparer à une consommation moyenne de 7L/100km) !
  • ne pas abuser de (voire ne pas utiliser) la climatisation (+0.5L/100km) !
Bonne nouvelle : dans “éco-conduite”, le éco vaut autant pour écologique que économique, puisque chaque litre de carburant en moins vaut 2€ gagné.

Quid de l’avion ?

De même que nous avions déjà parlé de voiture, un de nos articles est déjà consacré à l’avion. Celui-ci méritera d’être un jour re-toiletté, mais d’ici là, quelques éléments tout de même :
  • L’empreinte carbone par kilomètre de l’avion est particulièrement élevée pour les petites distances. Car ce sont le décollage et l'atterrissage qui consomment le plus, quelle que soit la distance. Raison de plus pour privilégier les alternatives en France et en Europe !
  • La spécificité de l’aviation n’est pas tant son empreinte carbone par kilomètre élevée (pas si différente du celle de la voiture en solovoiturage), mais sa vitesse. Avec l’avion, on peut parcourir en une journée quelques milliers de kilomètres, et émettre les GES qui vont avec. L’avion a démocratisé/généralisé/banalisé la mobilité longue (et même très longue) distance - et le processus n’est peut-être pas fini ;
  • Nous avions dédié un article aux mécanismes de compensations carbone : lien.

Quid du bateau/ferry ?

L’option bateau/ferry est souvent avancée comme l’alternative à l’avion. Nos recherches ne nous ont pas permis de confirmer qu’un km en bateau est beaucoup plus vertueux qu’un km en avion. Il se pourrait que ce ne soit pas le cas - et quand on voit ces énormes immeubles flottants se balader sur l’océan, on se dit que ce n’est surement pas le transport durable de nos rêves. Mais deux éléments surnagent.
Premièrement, le bateau est propice à la multimodalité. Par exemple pour aller au Maroc, vous pouvez vous rendre en TGV ou en covoiturage jusqu’à un port le plus proche possible du Maroc. Vous aurez ainsi verdit une grosse partie de votre trajet.
Secundo, le bateau, par sa lenteur relative comparée à l’avion (par exemple, comptez 48 heures pour Sète - Tanger), est une bonne façon de s’extraire de la banalisation aérienne des kilomètres parcourus. En bateau, on reprend conscience de la valeur d’un kilomètre.

Quid du prix ?

Reste l’enjeu du prix d’un trajet en TGV, réputé rébarbatif. En l’absence de chiffre officiel, on peut se baser sur l’ordre de grandeur de 0,17 euro le kilomètre issues de deux études de UFC Que Choisir et GoEuro. ⚠, c’est une moyenne, et comme toutes les moyennes, celle-ci cache des disparités (entre les lignes, entre les voyageurs, et entre les périodes de l’année). Parmi les disparités significatives, remarquons que les plus longs trajets (supérieurs à 4 heures) présentent un prix moyen de 0.12€/km.
L’étude de GoEuro sus-citée conclut que le train est plus cher au kilomètre que l’avion (0,14€/km), mais ce n’est pas le résultat des calculs de Trainline. Difficile à vérifier. Notre avis est qu’hors opération promotionnelle tapageuse, les deux se situent dans les mêmes ordres de grandeur.
Pour la voiture, la Matmut recommande de compter 0.23€ par km d’autoroute, ce qui revient à 0.05€ environ pour une voiture remplie de passagers. C’est le même ordre de grandeur que le coût moyen au kilomètre en autocar d’après GoEuro, ou que le coût moyen observable sur Blablacar (par exemple, 60€ pour un peu plus de 800 kilomètre de Paris à Marseille).
Pour conclure, on ne peut franchement pas dire que le TGV soit bon marché en France par rapport à ses alternatives. En revanche, la SNCF a conscience de son rôle et du rôle de ses tarifs dans l’enjeu de la décarbonation de la mobilité longue. En 2021, la SNCF a revu et épuré sa politique tarifaire, notamment avec sa carte Avantage.

Repenser le voyage

Avant de conclure cet article, prenons un pas de recul sur le sens du voyage. Le terme de “touriste” est né au XVIIIème siècle, pour désigner les aristocrates anglais qui partaient s’éduquer au monde lors d’un “Grand Tour” en Europe, dont la durée se comptait en années. Aujourd’hui, le tourisme n’est plus un luxe économique à proprement parler, mais il reste un luxe environnemental. Parcourir des milliers de kilomètres, à moins d’être à pied ou à vélo, c’est une dépense énergétique toujours significative. Aussi, nous invitons chaque voyageur à bien peser le sens de son voyage. Que va-t-il chercher à l’autre bout de monde ? A quel point est-il disponible et disposé à vivre pleinement l’aventure du voyage ?
Si nécessaire, nous mettons à disposition quelques ressources pour repenser son voyage moins loin. Le Lonely Planet “Sans avion” vous donnera beaucoup d’idées, de même que le bas de cette infographie : des bouts paysagiques de Canada, de Turquie, d’Irlande… qu’on peut trouver en France.
Illustration
Colorado ou Vaucluse ? - Crédit photo : Colorado provencal
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Irlande ou Etretat ? - Crédit photo : Normandie Tourrisme
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Thailande ou Jura ? - Crédit photo : Montagnes du Jura
Ce podcast pourrait vous donner envie de troquer votre casquette de “touriste” pour celle de “voyageur”, et rappelle que cet échange est avant tout une disposition de l’esprit, et non pas une question de moyens. Et peut-être qu’aujourd’hui, on part plus loin en partant à la campagne sans son smartphone qu’en changeant de continent avec ?
« Peut-être qu’aujourd’hui, on part plus loin en partant à la campagne sans son smartphone qu’en changeant de continent avec ? »
En tout cas, si vous partez pour un voyage, nous vous le souhaitons très beau. Profiter au maximum de cette chance que vous vous offrez.

Nos Astuces Carottes finales

  • vers France : privilégier largement le train. En plan B, penser collectif, c'est-à-dire covoiturage ou autocar ;
  • vers l’Europe : concevoir une combinaison train/covoiturage/autocar sur mesure ;
  • plus loin encore : 1. bien réfléchir au sens de son voyage 2. si le voyage est décidé, prendre conscience du luxe que ça représente et en profiter au maximum pour que le voyage soit réellement une passerelle entre plusieurs mondes.
Mesdames et Messieurs, merci d’avoir voyagé avec Carotte Airlines aujourd’hui. Nous espérons qu’il fait beau là où vous atterrissez. Au plaisir de vous avoir à bord avec nous lundi prochain !
Et avant de vous dire à la semaine prochaine, nous avons une petite question, pour vous faire aussi travailler : cet article porte presqu’exclusivement sur l’enjeu climat & énergie. Quelles autres enjeux de durabilité importants se cachent à votre avis derrière la mobilité longue distance ? Ou autrement dit, quels autres aspects de la mobilité longue distance voudriez-vous voir traiter dans un article futur ? Vous pouvez répondre par retour de ce mail !
A bientôt,
Alix Dodu, Paul Louyot, et Théodore Fechner
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