Cette semaine, la Rédac’ laisse de côté vins et bières dont elle a déjà parlé pour s’attaquer aux plus costauds de la bande : les alcools forts ou spiritueux. Vice conspué ou breuvage divin, l’alcool questionne à la fois par ses effets et par l’aura qui l’entoure depuis déjà de nombreux siècles.

Ca réchauffe le coeur

Le 5 octobre 2020
Cette semaine, la Rédac’ laisse de côté vins et bières dont elle a déjà parlé pour s’attaquer aux plus costauds de la bande : les alcools forts ou spiritueux. Vice conspué ou breuvage divin, l’alcool questionne à la fois par ses effets et par l’aura qui l’entoure depuis déjà de nombreux siècles.
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L'alcool est notre pire ennemi, fuir serait lâche !

Les spiritueux font leur apparition durant le Moyen Âge grâce à l’invention, par des alchimistes arabes et perses, de l’instrument nécessaire à leur fabrication : l’alambic. Ce dernier se popularise en Occident vers le XIIe siècle et les alcools qu’il permet de produire sont alors utilisés à des fins médicales.
Cet usage un peu surprenant vient du fait que leur fabrication suppose de récupérer "l’âme de la boisson alcoolisée", ce qui donnerait au produit final des vertus thérapeutiques, notamment celle de prolonger la vie et de garder sa jeunesse. Cela explique aussi leur autre nom d’eau-de-vie. Dans l’absolu, les spiritueux ne garantissent pas une longue vie, en revanche, leur fort degré d’alcool peut en faire des antiseptiques de secours. Cependant, n'oublions pas qu'ils abîment les cellules hépatiques des buveurs réguliers !
Après ce voyage dans le temps, place au voyage touristique avec un tour du monde non exhaustif des alcools forts :
  • Le rhum est un spiritueux issu de la canne à sucre qui est apparu au XVIIe siècle dans les colonies européennes des Amériques. À l’époque, il n’était pas du tout un alcool noble, puisqu’il était fabriqué à partir de la mélasse, résidu liquide de la production de sucre raffiné. Aujourd’hui, il a retrouvé ses lettres de noblesse, notamment grâce à des cocktails comme le mojito ou la piña colada.
  • La vodka est apparue - sans surprise - en Russie aux alentours du XVe siècle. Traduction littérale de ‘petite eau’, elle est produite à base de céréales et respecte, depuis les expériences de Mendeleïev au XIXe siècle, une norme de 60 % d’eau pour 40 % d’alcool - apparemment le rapport idéal entre alcool et eau.
  • Les origines du whisky font encore débat aujourd’hui, puisqu’à la fois les Irlandais, avec leur célèbre moine Saint Patrick, et les Ecossais en revendiquent la paternité. Le nom de cet alcool de céréales - orge, blé ou avoine - vient en réalité du terme ‘uisce beatha’, traduction celte de l'eau-de-vie.
  • Finissons par chez nous avec l’armagnac, la plus vieille eau-de-vie française, qualifiée "d’eau d’immortalité" à ses débuts. Il ne surprendra personne d’apprendre qu’il est issu de la distillation de vin, mais l’anecdote amusante est qu’il fut à l’origine consommé par les Hollandais qui s’étaient vus interdire la vente de vin français au XVIIe siècle - mais pas d’alcool !
Nous ne pourrions terminer cette partie sans une recommandation de modération quant à la consommation d’alcool, car, comme disait Michel Audiard, “L'alcool ne procure pas la gaieté, mais la cirrhose” !
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Soyons raisonnables, varions les plaisirs !

Goutte à goutte

Prêts à replonger le nez dans vos cours de physique chimie de collège ? Allons voir comment se fabriquent les alcools forts en pratique.
Dans un premier temps, les levures présentes dans les produits à l’origine des boissons alcoolisées (vin, canne à sucre ou céréales en fonction des traditions) vont transformer le sucre en alcool : c’est la fermentation. Pour le vin, la bière ou le cidre, le processus s’arrête là et l’on obtient alors des produits dont la teneur en alcool est comprise entre 5 et 15 %.
Mais pour les puristes qui veulent un verre de scotch, il est l’heure de l’étape cruciale : la distillation. Celle-ci consiste à faire chauffer la boisson obtenue de sorte que l’alcool est recueilli à part dans un alambic - sa température d’évaporation étant inférieure à celle de l’eau.
On comprend mieux d’où vient le nom de spiritueux (dont l'étymologie est spirit ou esprit en latin) : c’est l’essence même du vin qui est prélevée pour fabriquer un cognac… De là à dire que l’alcool est un esprit, on vous laisse libres de juger !
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Un schéma qui ne nous rajeunit pas !
Pour ceux qui se demandent d’où viennent les parfums fruités ou épicés de certains spiritueux, ces derniers sont rendus possibles par deux étapes finales et facultatives : la macération ou l’infusion. Dans les deux cas, on imprègne l’alcool distillé d’une substance végétale, mais si la macération se fait à froid, l’infusion se fait dans un alcool bouillant.
« Les parfums fruités ou épicés de certains spiritueux sont rendus possibles par les techniques de la macération et de la distillation »
Les boissons spiritueuses ‘composées’ les plus fameuses sont le pastis, aromatisé à l’anis et à la réglisse, le gin, aromatisé aux baies de genévrier et les liqueurs de fruits que l’on trouve souvent comme digestif.

Des alcools forts en bouche et en empreinte écologique

Les alcools forts ont une empreinte carbone très importante. En effet, l'impact écologique des spiritueux est plus élevé que celui du vin ou de la bière.
Selon Radio Canada, l'alcool serait à l'origine de 0,7 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde. Plus l'alcool serait fort, plus il serait polluant. À titre de comparaison, boire un double "shot" de gin ou de vodka équivaut à conduire une voiture sur un kilomètre.
« L'alcool serait à l'origine de 0,7 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde »
Il y a un ensemble d'éléments à prendre en compte dans l’empreinte écologique des alcools forts : la culture des plantes qui serviront à la fabrication de l'alcool qui demande beaucoup d'eau et parfois l'usage de pesticides, la distillation (très gourmande en énergie et principal acteur des émissions de GES de l'alcool), le transport, ainsi que les déchets qui y sont liés.
La distillation, en plus de demander beaucoup d'énergie, va rejeter de nombreux déchets. Un ensemble de résidus acides et très chargés en matières organiques sont produits : cidrasses, pulpes, vinasses. Ces derniers sont à très haute température en sortie de distillation, il est donc dangereux de les rejeter dans la nature. Pour éviter une trop grande pollution des sols et des eaux, il est essentiel d’apprendre à gérer ces déchets.
Maintenant que nous avons vu l'impact écologique général des alcools forts, concentrons-nous plus précisément sur certains :
  • Le rhum : il a pour origine la canne à sucre : cette culture demande beaucoup d'eau et est l’une des principales causes de l'érosion et de la pollution des sols dans les pays tropicaux. De ce fait, les quantités d'eaux usées sont abondantes et les restes fibreux des cannes à sucre ont tendance à perturber l'équilibre des micro-organismes dans les cours d'eau ;
  • La vodka et le gin : encore aujourd’hui, certaines vodkas et gins sont faits à partir de pommes de terre, mais la majorité est produite à base de céréales. Contrairement aux autres spiritueux, ces deux alcools demandent une distillation plus importante et une quantité d'eau elle aussi supérieure. Ceci est dû au fait qu'ils sont distillés à 95 % d'éthanol, puis dilués dans l'eau pour revenir à une teneur de 40 % ;
  • La tequila : on retrouve pour la tequila les problèmes des déchets de culture du rhum, mais ici, cela concerne l'agave. On aspire la sève de l'agave pour avoir la base de la tequila, ce qui entraîne de nombreux déchets. Pour obtenir 1 litre de tequila, environ 5 kg de pulpe et 10 litres de vinasse sont rejetés, dans l'eau la plupart du temps ;
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Un champ d'agave pour la production de tequila !
  • Le whisky : celui-ci demande une grande consommation d'eau pour être produit : entre 40 et 100 litres d'eau pour 1 litre de whisky. Toutefois, sa distillation demande moins d'énergie que la vodka et le gin. Les matières premières utilisées sont d'ailleurs moins polluantes que pour d'autres : levures, eau et céréales.
Pour ces différents alcools, il ne faut pas oublier tous les engrais et pesticides utilisés afin d'éviter que les insectes abîment les récoltes, ainsi que les transports entre les différents continents (avec un coût écologique non négligeable !) - notamment pour le rhum, dont la production se fait majoritairement dans les Antilles !
En termes d'empreinte carbone en général, il n'existe pas de spiritueux miracle n'ayant pas d’impact écologique. Il est nécessaire de privilégier les alcools à faible teneur d'alcool et si vous souhaitez consommer un spiritueux, le whisky semble être le moins néfaste.

Des alternatives pour des soirées déchaînées !

Rien n'est perdu cependant ! De plus en plus d'alternatives commencent à émerger depuis quelques années, que ce soit les alcools plus légers tel le cidre, la bière ou le vin, mais aussi quelques alcools forts.
L’action la plus simple pour consommer mieux des alcools forts est de privilégier les alcools locaux ! Nous penserons au pineau, au cognac ou au Lillet. De même, pour éviter la pollution des transports, des spiritueux made in France apparaissent dans les rayons : on y retrouve la vodka de Camargue ou de Gironde, mais aussi du gin de Paris.
Il existe également tout une gamme de spiritueux bios, plus respectueuse des cultures et de la production, qui se présente comme une possible alternative. Vous pouvez par ailleurs en retrouver ici.
Pour terminer, de plus en plus de distilleries commencent à trouver des moyens de réutiliser les déchets liés à la distillation : compostage, élimination par épandage…

Les astuces carottes à consommer sans modération :

  • Ne pas oublier que d’un point de vue environnemental, il vaut mieux prendre un bon verre de cidre, de vin ou de bière que d’alcool fort.
  • Se tourner vers les productions de spiritueux locales et bios.
  • Sans donner complètement raison à l’adage “sans alcool, la fête est plus folle”, pourquoi ne pas essayer des recettes de cocktails sans alcool ?
  • Bon, comme on ne le dira jamais assez, évitez les excès, on les regrette toujours le lendemain matin ! :)
Et vous, quel est votre cocktail préféré ? Sans alcool ou avec ? Dites-nous tout et on vous souhaite une belle semaine malgré le mauvais temps !
Alice Leleu et Clément Vadaine
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