Le mot épice trouve son origine dans le latin species, littéralement "espèce", mot qui désignait certaines drogues chez l’apothicaire. C’est aussi de là que viendrait l’expression "payer en espèces".

Du grain à moudre

Le 6 juin 2022
Le mot épice trouve son origine dans le latin species, littéralement "espèce", mot qui désignait certaines drogues chez l’apothicaire. C’est aussi de là que viendrait l’expression "payer en espèces".
Vignette de l'article Du grain à moudre

La route des épices

La définition de cette denrée est floue. Selon les sources, les aromates tels que le thym ou le romarin en font ou non partie. Comme il existe des mots différents pour les décrire, LundiCarotte prend le parti de différencier épices et aromates. Pourtant, les épices, comme les herbes aromatiques - aromates -, proviennent de plantes et peuvent être des fruits, des racines et des bulbes, des tiges, des écorces ou encore des graines.
Historiquement, nombre d’épices que nous consommons en France viennent de contrées lointaines. Comme le souligne Jean Vitaux dans son livre La mondialisation à table, leur histoire est d’ailleurs étroitement liée à celle des routes de la soie, puis à celle de la découverte des Amériques, sans laquelle nous n’aurions pas eu de piment ! Parti aux Indes chercher du poivre, Christophe Colomb a découvert un nouveau continent et des légumes qu’on nommera… poivrons, ainsi que leurs cousins les piments.
Les Français aiment épicer leurs plats : troisième plus gros consommateurs européens, nous dépensons au total environ 1 milliard d’euros par an, soit environ 17 € par personne, et ça ne s’arrête pas : la consommation de ces dix dernières années a augmenté de 30 %. Il est loin le temps où les épices étaient si rares en Europe qu’elles constituaient une monnaie d’échange ! Nos préférées ? Le poivre, le gingembre, la coriandre, suivis de près par la cannelle.
« La France est le troisième consommateur européen d’épices, avec en moyenne 17 € dépensés par personne et par an. »
Le plus gros producteur d’épices est de loin l’Inde, qui représente les trois quarts du secteur avec une production de 2 millions de tonnes, une grande partie étant destinée à son marché intérieur.

Globetrotteuses, nos épices ?

Après moult recherches, nous n’avons pas trouvé de sources fiables quant à l’impact environnemental lié à l’agriculture des épices. En revanche, compte tenu de leur origine souvent exotique (poivre, clous de girofle, cannelle, curcuma…) nous nous sommes interrogées sur l’impact du transport de ces denrées.
Illustration
Les grains du poivrier poussent en grappe.
Une grande partie des épices que nous utilisons proviennent d’Asie, d’Afrique ou encore d’Amérique Latine. Le poivre, par exemple, provient majoritairement du Vietnam ; le gingembre, de Chine et la vanille, de Madagascar. Une large proportion de l’impact carbone de ces produits est due à leur acheminement jusqu’à nos cuisines.
Le calculateur d’Etiquettable donne un impact carbone total de 70 g de CO2 (eq) pour un contenant de taille classique de poivre (environ 30 g). Notre pot de poivre a donc le même impact que 10 minutes de visionnage de vidéos en streaming. Quand on considère le temps qu’il dure, son impact est assez faible.
Réjouissons-nous, la France cultive une large variété d’herbes aromatiques, comme les herbes de Provence, il y en a pour tous les goûts !
On peut aussi tout à fait se lancer dans la production d’épices maison. Pour un guide des épices à faire pousser chez soi, c’est par ici. A noter que même le fameux safran peut être cultivé à domicile, une solution écologique et économique, si tant est qu’on ait la patience nécessaire !
Quant aux conditions sociales de production des épices, on peut noter que les producteurs sont souvent de petits exploitants, isolés du marché, qui sont donc dépendants des intermédiaires et qui n’ont pas d’influence sur les prix pratiqués. Selon le type de culture et le pays, le secteur des épices peut être confronté à des conditions de travail instables voire au travail des enfants et à l’exploitation d’immigrés clandestins. Favoriser les produits FairTrade ou des marques ayant rejoint la Sustainable Spice Initiative permet d’éviter cela.

Un mix aigre-doux

Le secteur des épices est très touché par les fraudes : le service de répression des fraudes annonce qu’un quart des échantillons contrôlés présente des anomalies. 81 % des safrans sont concernés et 49 % des poivres, ce n’est pas rien !
Si certaines sont sans risques pour la santé, ce n’est pas le cas de toutes. Par exemple, un curcuma vendu comme produit alimentaire était en fait remplacé par un curcuma à usage médicinal, ayant des effets secondaires ; une cannelle de Ceylan provenait en réalité de Chine, or la cannelle chinoise contient de la coumarine, qui serait potentiellement toxique pour le foie et les reins.
N’ayez crainte, LundiCarotte vous donne des pistes pour ne pas tomber dans le panneau !
« Un quart des échantillons d’épices contrôlés par la Direction de la répression des fraudes présente des anomalies. »
Les bienfaits des épices sur la santé sont connus et font l’objet d’une importante documentation : antioxydantes, anticancer, antiseptiques, anti-inflammatoires,… elles ont tout pour plaire ! Bien sûr, aucune variété ne cumule tous les possibles bienfaits des épices, on a donc tout intérêt à varier les plaisirs. Toujours avec modération, si l’on veut éviter d’éventuelles fâcheuses conséquences. Pas besoin de vous faire un dessin !
Pour une mémoire d’éléphant, la cannelle est une alliée de choix. Le curcuma facilitera quant à lui la digestion, et le piment le brûlage des graisses. Attention toutefois à ne pas vous brûler… la bouche ! Rien de tel alors qu’un aliment contenant un corps gras pour faire cesser cette sensation désagréable. Enfin, le poivre serait un antidépresseur naturel. On ne sait pas s’il a jamais empêché quelqu’un de raser les murs, mais ça vaut le coup d’essayer !
Illustration
Le curcuma est en fait un rhizome (racine).
Vous l’aurez compris, à chaque épice ses spécificités et ses effets. Pour plus d’exemples, n’hésitez pas à consulter les listes élaborées par Ouest France ou Le Figaro. Pour une utilisation thérapeutique, Laura, membre de LundiCarotte, recommande de se procurer Le petit Larousse des plantes qui guérissent.

Des herbes de Provence polonaises

La provenance des épices est souvent falsifiée : comme la cannelle de Chine dont nous venons de parler, les herbes de Provence sont parfois en réalité produites au Maroc ou en Pologne. Il faut dire que le nom "herbe de Provence" n’est ni une Appellation d’Origine Contrôlée (AOC), appellation au niveau national, ni une Appellation d’Origine Protégée (AOP), qui protège le nom au niveau européen. Tout comme les champignons de Paris, les herbes de Provence désignent plutôt des variétés qu’une origine spécifique.
En raison de nombreuses fraudes de ce type, l’emblématique piment d’Espelette est devenu une AOC, puis une AOP. Il s’agit des seules concernant une épice en France.
Illustration
Pour bénéficier de l’appellation "piment d’Espelette", les piments doivent notamment être produits sur les terres de dix communes, dont Espelette.
Afin de s’assurer de la provenance et/ ou de la qualité des produits, quelques labels pour faire trouver son chemin au rayon épices :
  • Le Label Rouge sur les Herbes de Provence certifie la composition du mélange et est ainsi un gage de qualité pour le consommateur. En revanche, rien n’est précisé quand à la provenance des produits et leurs modes de production.
  • FairTrade garantit un prix minimum aux producteurs, ce qui est censé en plus les aider à investir dans des techniques d’agriculture plus respectueuses de l’environnement.
  • Les épices biologiques : il existe encore peu d’épices portant le label bio, car les certifications ne sont pas forcément évidentes à obtenir pour les producteurs. N’attrapons pas de brûlures d’estomac, cela ne veut pas dire que les épices sont bourrées de pesticides et d’engrais toxiques : certains producteurs remplissent les conditions du label biologique sans pour autant avoir les moyens économiques de l’obtenir. Certaines marques connues comme Ducros développent des gammes d’épices bios et on peut tout de même trouver son bonheur en magasin bio.

Les Astuces Carotte pour mettre du piment dans sa vie :

  • Privilégier les épices commerce équitable, biologiques
  • Expérimenter des recettes avec des épices et herbes aromatiques locales (thym, romarin, laurier-sauce, fenouil… pour les habitants du bassin méditerranéen)
  • Préférer les épices entières et non moulues, car elles sont moins concernées par les fraudes
  • Pourquoi ne pas essayer de faire pousser ses propres épices et aromates, si l’on a la main verte ?
Cet article ayant eu pour ambition de traiter en un minimum de mots le vaste sujet que représentent les épices, beaucoup de questions plus spécifiques restent sans réponse. Pas d’inquiétude ! Elles sont un terreau fertile pour de futurs numéros.
On profite de cette occasion pour vous rappeler que vous pouvez toujours nous adresser vos interrogations par mail !
Elisa Autric et Garance Régimbeau
Partager ce LundiCarotte
MAILTWFB