19 heures 05, c’est le drame. La vaisselle de la veille n’est pas propre, la saleté s’est incrustée, le lave-vaisselle est en panne depuis une semaine et l’éponge décrépite fait grise mine, flottant dans l’évier. Le moment est donc venu de renouveler son stock. 19 heures 30, au rayon des produits ménagers, nous sommes assaillis par le doute. Nous hésitons entre différentes alternatives. Éponge synthétique, naturelle, végétale, animale, alternatives : aujourd'hui, LundiCarotte brosse leur portrait.

On jette l'éponge

Le 4 mars 2019
19 heures 05, c’est le drame. La vaisselle de la veille n’est pas propre, la saleté s’est incrustée, le lave-vaisselle est en panne depuis une semaine et l’éponge décrépite fait grise mine, flottant dans l’évier. Le moment est donc venu de renouveler son stock.
19 heures 30, au rayon des produits ménagers, nous sommes assaillis par le doute. Nous hésitons entre différentes alternatives. Éponge synthétique, naturelle, végétale, animale, alternatives : aujourd'hui, LundiCarotte brosse leur portrait.
Vignette de l'article On jette l'éponge

Qui vit dans un ananas dans la mer ?

Contrairement à ce que les dessins animés peuvent nous faire croire, il existe une grande diversité d'éponges de mer. On en rencontre de toutes les tailles, formes, couleurs et seulement 15 % d’entre elles sont récoltées pour un usage humain. [1].
Illustration
;Les éponges aquatiques que l'on trouve en magasin sont en réalité des squelettes de demosponges.
Or, il se trouve que la Méditerranée est leur lieu de vie favori : on en retrouve 461 espèces différentes [2], rien que ça ! C’est sans doute pour cela que la pêche à l’éponge est connue depuis l’Antiquité. Aujourd’hui, elle est principalement pratiquée en Grèce[3] et en Tunisie, mais elle est menacée par les éponges synthétiques.
L'impact environnemental de la pêche à l'éponge serait négligeable, tant l’animal prolifère. Les éponges sont coupées et non déracinées [4]. Il existe aussi la culture de l'éponge, à partir de bouts d’éponge qui “repoussent” tous seuls, avec une empreinte écologique positive, car l’éponge a une grande capacité de filtration des résidus dans l’eau [5].
Pourtant, les propriétés de l’éponge marine ne s’arrêtent pas à l’absorption ! De nombreux chercheurs les étudient de très près pour lutter contre de nombreuses maladies : diabète [6], cancer [7], maladie d’Alzheimer [8], trisomie 21 ou encore sida [9]. Souvenez-vous, voici trois semaines, on vous parlait même d’éponges menstruelles !
Où acheter des éponges de mer ? Dans les épiceries biologiques, en vrac, dans les pharmacies ou sur Internet. Très douces, elles sont adaptées à l’hygiène du corps aussi bien qu’au ménage.
Si votre curiosité est piquée, nous vous conseillons ce numéro dédié de l’émission C’est pas sorcier (l'une de nos références en matière de jeux de mots).

Noir c'est noir

Le principe d'une éponge synthétique, c'est de reproduire l'absorption des éponges naturelles à partir de composés artificiels, ici, des dérivés du pétrole (ou or noir, de son petit nom).
Les éponges synthétiques ne sont pas si courantes en France, mais elles sont beaucoup utilisées dans d'autres pays comme en Suède ou en Allemagne, pour ne citer qu’eux.
Le pétrole étant une ressource non renouvelable, risque-t-on de voir ce type d'éponges disparaître ? La réponse est complexe. Le pétrole est utilisé avant tout dans le secteur des transports. Sur les 100 millions de barils consommés quotidiennement sur la planète [10], le secteur de la pétrochimie, qui confectionne des objets synthétiques à partir de pétrole, en utilise "seulement" 13 millions [11].
L'évolution de la consommation totale de pétrole n'est pas connue avec certitude : en 2040, elle aura diminué, selon une étude du Boston Consulting Group. Il se pourrait aussi qu'elle augmente jusqu’à atteindre 103,5 millions de barils, selon l'Agence internationale de l'énergie, ou 110 selon l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) [12].
Illustration
Une pile d'éponges synthétiques
Non seulement elles sont le fruit d’un procédé de fabrication polluant, mais encore, ces éponges ne se recyclent pas et deviennent des déchets ménagers qui mettront du temps à se décomposer.

L'éponge touche du bois

La cellulose, c'est le principal constituant des cellules végétales (comme celles des arbres). Celle-ci est naturellement hydrophile, c'est-à-dire que c'est un composé qui attire l'eau. C'est pratique quand on cherche à fabriquer des éponges !
Illustration
L’éponge cellulosique, reconnaissable à ses alvéoles
Cocorico, l’éponge cellulosique est une invention bien de chez nous ! C’est la marque Spontex ( = "sponge" + "textile"), avec son hérisson emblématique, qui lui a donné le jour en 1932[13]. Aujourd’hui, Spontex représente presque 50 % des ventes d’éponges en France [14] et un quart en Europe[15].
Quels produits sont utilisés exactement ? Spontex source sa cellulose, entre autres, de pâte de bois, de lin et de coton.
Son processus de transformation a un impact difficile à évaluer. Ils se servent de produits tels que le sulfure d’hydrogène[13], utilisé pour transformer le bois en viscose, qui met à mal le nez des habitants de Beauvais, lieu d’implantation historique de Spontex, mais également du sulfate de sodium[16], grâce auquel on obtient les trous caractéristiques.
En ce qui concerne la cellulose, les enjeux sont les mêmes que pour l’industrie papetière : gestion des forêts et produits chimiques utilisés pour la transformation du bois notamment. Pour le moment, il ne semble pas y avoir d’exigence institutionnelle particulière pour la certification du bois utilisé pour les éponges.
La marque Twist propose des éponges avec abrasif totalement végétal, cousues à la main, sans colle.
Il semblerait que les éponges à double face abrasive soient les plus impactantes[17] pour l’environnement, l'abrasif et la colle étant tout deux synthétiques.
À noter que, d'après leur site internet, les éponges Spontex sont lavables en machine - par contre, nous n'avons pas vérifié si cette procédure allongeait significativement la durée de vie des éponges !

Bien éponger

À quelle fréquence changer ses éponges ? Le sujet fait débat. Selon certaines sources, on changerait en moyenne entre 7 et 9 fois d’éponge à vaisselle par an.
L'un des enjeux des éponges, c'est aussi la santé : une étude de 2017 recommandait de les renouveler chaque semaine, pour éviter les germes [16]. Chez LundiCarotte, cela nous semble être un rythme assez élevé, surtout lorsque l’on doit jeter l’éponge aux ordures ménagères.
Une chose est sûre, pour prolonger la durée de vie de nos éponges et éviter la dissémination de microbes, il existe des gestes simples :
•Rincer son éponge de tout produit et tout résidu de saleté après utilisation et la laisser sécher. Surtout, éviter de la laisser tremper.
•Préférer une éponge et un abrasif séparés, plutôt qu’une éponge à deux faces.
Où jeter son éponge ? Cela dépend. Le site internet de Spontex précise que ses éponges sont biodégradables − dans la mesure où on les utilise avec des produits vaisselle eux aussi biodégradables. À moins que cela ne soit précisé sur l'emballage, les éponges cellulosiques et synthétiques ne sont pas biodégradables.
À ce propos, quelques mots pour parler du liquide vaisselle. De même que pour la lessive, afin de réduire son impact environnemental, le mieux est de privilégier les produits munis de l’Écolabel européen. On n’aura pas forcément un parfum intense ni une couleur flashy, ni une bouteille aux formes originales, mais les assiettes seront propres !
On peut également opter pour du savon noir ou du savon de Marseille. La combinaison brosse à vaisselle frottée sur savon de Marseille solide fonctionne du tonnerre, d’après l’expérience de Servane.

Tu peux aller te brosser !

Que faire si l’on souffre de la phobie des éponges, voire de trypophobie, la peur des trous ?
Plusieurs alternatives s'offrent à nous : d'abord, la brosse à vaisselle (avec ou sans tête rechargeable), peu répandue en France, mais tout de même très pratique pour récurer les plats. Ça a changé la vie étudiante de Servane et Paul vient lui aussi de s'y convertir.
Illustration
La brosse à vaisselle en bois avec tête interchangeable
À l'inverse, le tawashi (éponge japonaise en tissu) est plus utile pour simplement passer un coup sur de la vaisselle peu salie. L'avantage, c'est qu'on peut le confectionner soi-même à partir de vieux t-shirts et ainsi, leur donner une seconde vie avant qu’ils deviennent des déchets. À propos des tawashis (méthode, expérience) et des détergents plus écologiques, on vous conseille l’article de Laissons Lucie Faire.
D'autres alternatives encore : au lieu de jeter son éponge une fois usée, on trouve des éponges plus chères et plus résistantes, les éponges lavables.
Enfin, il existe une éponge végétale que l’on peut faire pousser soi-même, la courge Luffa. Elle ressemble à une courgette ou à un concombre mais une fois séchée, son tissu fibreux permet de fabriquer des éponges grattantes. Là aussi, on peut les utiliser aussi bien en cuisine qu’en salle de bain.
Illustration
L’éponge Luffa, réalisée à partir de la courge du même nom

Les AstucesCarotte pour éponger durable

•Privilégier les éponges cellulosiques, voire marines devant les synthétiques
•Pourquoi ne pas recycler de vieux vêtements en Tawashi ?
•S'acheter une brosse à vaisselle pour maximiser la durée de vie de nos éponges
Pour l'anecdote, au Québec, l'expression "virer une brosse" signifie "consommer de grandes quantités d'alcool. Pour ce qui est de comprendre l'origine de l'expression, par contre, la Rédac' a jeté l’éponge...

Bibliographie

[1] Futura, « Éponge », Futura. (en ligne). Disponible sur: https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/zoologie-eponge-6492/.
[2] R. W. M. V. Soest et al., « Global Diversity of Sponges (Porifera) », PLOS ONE, vol. 7, no 4, p. e35105, avr. 2012.
[3] « La pêche d’éponges à Kalymnos - La Grèce Autrement ». (en ligne). Disponible sur: https://www.la-grece-autrement.fr/peche-eponges-kalymnos/.
[4] « CYPREOS FRANCE EPONGES ». (en ligne). Disponible sur: http://www.sponges.fr/.
[5] « Porifera », Wikipédia. 13-déc-2018.
[6] « Diabète. Une éponge polynésienne, possible remède miracle ». (en ligne). Disponible sur: https://www.ouest-france.fr/sante/maladies/diabete-une-eponge-polynesienne-possible-remede-miracle-6071909.
[7] « Des chercheurs toulousains découvrent un puissant anticancéreux dans une éponge marine - France 3 Occitanie ». (en ligne). Disponible sur: https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/chercheurs-toulousains-decouvrent-puissant-anticancereux-eponge-marine-1538902.html.
[8] F. GUIZIOU, « Innovation. L’éponge de mer pourrait faire reculer Alzheimer et la trisomie 21 », Ouest-France.fr, 11-oct-2018. (en ligne). Disponible sur: https://www.ouest-france.fr/bretagne/roscoff-29680/l-eponge-de-mer-pourrait-faire-reculer-alzheimer-6012840.
[9] « Biodiversité : “On peut penser que le sort des éponges sous-marines ne nous concerne pas, mais elles servent à la recherche contre le sida” ». (en ligne). Disponible sur: https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/pourquoi-preserver-la-biodiversite-est-vital-meme-en-france_991185.html.
[10] « Now near 100 million bpd, when will oil demand peak? », Reuters, 20-sept-2018.
[11] « Pétrochimie — Wikipédia ». (en ligne). Disponible sur: https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9trochimie.
[12] « Pétrole — Wikipédia ». (en ligne). Disponible sur: https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9trole.
[13] « Spontex, l’usine « absorbée » par Beauvais ». (en ligne). Disponible sur: https://www.lesechos.fr/31/07/2014/LesEchos/21740-103-ECH_spontex--l-usine---absorbee---par-beauvais.htm.
[14] « Bataille bien rangée sur le segment des éponges », lsa-conso.fr. (en ligne). Disponible sur: https://www.lsa-conso.fr/bataille-bien-rangee-sur-le-segment-des-eponges,120262.
[15] « A Beauvais, Spontex n’est pas près de jeter l’éponge », leparisien.fr, 19-avr-2015. (en ligne). Disponible sur: http://www.leparisien.fr/crepy-en-valois-60800/a-beauvais-spontex-n-est-pas-pres-de-jeter-l-eponge-19-04-2015-4706707.php.
[16] « Vos éponges de cuisine sont pleines de microbes - Edition du soir Ouest France - 01/08/2017 ». (en ligne). Disponible sur: https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/5338/reader/reader.html#!preferred/1/package/5338/pub/7357/page/7.
[17] « Eponge et écologie ». (en ligne). Disponible sur: http://www.24pm.fr/maison-ecologique/produits-entretien/372-eponge-et-ecologie.
Servane Courtaux et Paul Louyot
Partager ce LundiCarotte
MAILTWFB