On tient l’bambou ! |
Le 7 août 2023 |
Avez-vous remarqué que le bambou était de plus en plus présent dans nos vies ? De la plante ornementale aux très à la mode couverts réutilisables, en passant par le mobilier improbable, il pointe le bout de sa tige partout, et se targue d’être très respectueux de l’environnement et une bonne alternative au plastique. |
À la rédac, ça a éveillé notre curiosité, cela faisait longtemps que l’on voulait vérifier tout ça. |
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Anatomie d’une herbe |
Sans surprise, le bambou a des origines asiatiques, mais il pousse aussi naturellement sur tous les continents… sauf l’Europe ! On doit sa présence aux marchands qui l’ont importé d’Asie au XIXe siècle. Cela peut paraître tardif : l’invention du bâteau à vapeur a en fait été décisive, car elle a ralenti considérablement les temps de transports entre l’Asie et l’Europe (avant cela, un trajet pouvait durer 6 mois !), permettant aux plants de survivre pendant le transport. |
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On comprend pourquoi le bambou fait parler de lui : c’est une plante assez incroyable. Déjà, le terme “forêt de bambou” est incorrect, on devrait plutôt parler de prairie, car il s’agit d'une herbe ! Une graminée plus précisément, comme le blé. |
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“Fôret” de bambou |
Le bambou est constitué d’une tige creuse, appelée chaume, sur laquelle on retrouve des nœuds à intervalles réguliers. Chose surprenante, le bambou présente la même structure sous terre : il forme un réseau de rhizomes, constitués eux aussi de nœuds, et de ces nœuds peuvent naître de nouvelles pousses de bambou, appelées turions. |
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Ses floraisons sont des événements rares très mystérieux : pour une espèce donnée, elles sont espacées de plusieurs dizaines années, se produisent au même moment dans toute une région voire dans le monde entier, et provoquent la mort des chaumes. C’est donc rarement une bonne nouvelle car cela modifie grandement l’écosystème, avec des conséquences parfois désastreuses. |
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Bambou en fleur |
Tout est bon dans le bambou |
On prend une grande inspiration, c’est le moment de lister tous les avantages du bambou ! |
Tout d’abord il a le record du monde de la vitesse de pousse : 1 mètre par jour pour certaines espèces. Sa tige est mature en 3 à 5 ans, une période bien plus courte que pour le bois où on parle plutôt de dizaines d’années. Sa culture nécessite peu d’entretien, peu d’eau, et pas de pesticides ni d’engrais. Le rythme de production est donc très intéressant et les bambouseraies, où l’on cultive du bambou, sont rentables bien plus rapidement que les exploitations de bois. |
Ses racines, les rhizomes, sont très denses et retiennent beaucoup l’eau. En ralentissant la vitesse de ruissellement, elles améliorent son infiltration dans le sol et permettent de lutter contre l’érosion. De plus, elles filtrent les éléments dissous dans l’eau grâce à leur riche population de bactéries. Ces propriétés permettent au bambou d’être utilisé en phytoépuration. |
Utilisé pour la fabrication d’objets ou la construction, il est bien évidemment biodégradable, et présente une solidité exceptionnelle : il est plus résistant que le bois, et même que l’acier dans certains cas ! Comme le roseau, le bambou se plie mais ne rompt pas. Il est très léger, ce qui est un grand avantage pour réduire les émissions de gaz à effet de serre lors des transports. |
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Avec le bambou, on ne chaume pas ! |
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Il est largement utilisé en construction : dans le monde, 1 milliard de personnes vivent dans des maisons en bambou ! |
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Maisons en bambou |
On réalise avec d’épatants échafaudages de gratte-ciels, notamment à Hong Kong, du fait de son coût, de sa légèreté, et de sa résistance. On note quand-même que les ouvriers qui y sont à l'œuvre ont un travail considéré comme dangereux… |
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Échafaudages en bambou autour d’un gratte ciel à Hong Kong |
On en fait également toutes sortes d’objets : meubles, jouets, ustensiles du quotidien comme des brosses à dents ou des pailles, de la vaisselle… mention spéciale à Cyclik qui fabrique des vélos en bambou ! On serait très curieux d’essayer. |
Il est également en vogue dans l’industrie textile comme alternative au coton, et possède des propriétés anti-bactériennes. |
On peut aussi le manger ! C’est très courant en Asie. Les turions, les jeunes pousses, ont un goût qui ressemble semble-t-il à l'artichaut. Attention si vous vous sentez l’âme d’un jardinier cuisinier : ils doivent être bien cuits pour évacuer le cyanure qu’ils contiennent. On n'en finit pas d’être surpris par cette plante. |
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Ah, et on l'oublierait presque, le bambou est décoratif et a fière allure dans nos jardins ! |
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Pourquoi ce n’est pas une solution miracle |
Qu’à cela ne tienne, recouvrons la Terre de bambou, et finissons-en avec le réchauffement climatique ! On s’en doute, ce n’est pas si simple. |
Le problème, c’est que ses atouts sont aussi ses faiblesses. Du fait de la croissance éclair de ses rhizomes (ils peuvent s’étendre de 5 mètres en un an), il est considéré comme invasif. Laissé à lui-même dans un écosystème, il peut changer complètement sa structure et perturber son équilibre. Méfiance donc en remplaçant une forêt d’arbres par une forêt de bambou. |
Or, c’est ce qui se produit dans certaines régions du monde, le bambou étant en plein essor, ce qui accroît la pression sur la production. Certains pays, notamment asiatiques, ont par ailleurs recours à la monoculture de bambou, qui épuise les sols et est néfaste pour la biodiversité. |
A noter qu’il existe des bambous dits non traçants, qui se répandent moins vite - ils sont recommandés chez les particuliers par exemple pour éviter que le jardin ne se transforme en bambouseraie. On peut aussi limiter l’expansion des rhizomes en creusant des tranchées, ceux-ci se développant peu profondément sous terre : en encerclant les bambous de tranchées, impossible pour eux de s’étendre. |
Autre souci : en France, le bambou est principalement importé d’Asie. L’utilisation d’énergie pour le transport alourdit son empreinte carbone. C’est paradoxal pour un produit dont on vante les vertus environnementales. |
Pour éviter ces problèmes, mieux vaut choisir un bambou local, et produit de façon durable, comme le garantit le label FSC. Malheureusement, il est encore peu répandu pour le moment, et il est rarement possible de connaître l’origine du bambou que l’on achète. |
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Logo du label FSC |
Des pratiques douteuses |
Utilisé dans le textile, on peut clairement parler d’une fausse bonne idée et même de green washing. Bien souvent, les vêtements sont fabriqués à base de viscose ou de rayonne de bambou, fibres de bambou réduites en poudre et transformées par divers procédés chimiques très polluants. Ce n’est pas toujours le cas, notamment quand le bambou est mélangé à d’autres textiles, mais c’est impossible à savoir pour le consommateur. Côté textile, on passe donc notre chemin, préférant des matières comme le lin ou le chanvre pour une alternative au coton. |
Dans le domaine de la vaisselle, le bambou a dû faire face à quelques scandales ces dernières années. Contrairement au bois, les objets en bambou ne peuvent pas être fabriqués d’une pièce. Ils sont souvent composites : le bambou est broyé, puis mélangé à une résine plastique, la mélamine-formaldéhyde. Quand la vaisselle est de mauvaise qualité, issue d’un processus de fabrication mal maîtrisé, elle a tendance à relâcher cette substance dans les aliments, d’autant plus lorsqu’elle est chauffée. Or cette substance est cancérogène et toxique pour les reins en trop grosse quantité ! En 2013, d’après 60 millions de consommateurs, 13,8% des objets présentaient des anomalies. Depuis, l’Union Européenne a mieux encadré la vente de ces objets, mais force est de constater qu’ils sont encore bien présents. |
A noter : les objets composés uniquement de bambou, sans additif plastique, ne posent pas ces soucis. Seulement, pas facile de faire la différence en magasin, faute de mention sur l’étiquetage ! |
Les astuces carottes pour prendre les choses pour le bambou de la raison |
Que penser du bambou, en définitive ? Existe-t-il un avenir durable pour sa filière, malgré son caractère invasif ? A la rédac, on se dit qu’avec toutes ses vertus, indéniablement. Il est certainement un allié dans notre transition vers un mode de vie plus éco-responsable, et la tendance à l'augmentation de la production en Europe est une bonne nouvelle. Espérons que cela se fasse dans de bonnes conditions cependant, sans remplacement de forêt. |
Attention aussi au greenwashing et aux pratiques douteuses ! Souhaitons que la réglementation évolue ainsi que les labels, permettant au consommateur de choisir le bambou le plus durable possible. |
En attendant : |
- On surveille la présence du label FSC
- On évite les vêtements en bambou
- Dans l’alimentaire, on aurait tendance à vous conseiller d’appliquer le principe de précaution, et à privilégier plutôt des matières comme le bois, le verre, l’inox, la porcelaine… Et surtout, on ne chauffe pas de la vaisselle en bambou !
- Au jardin, on achète son bambou non traçant !
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On espère avoir éveillé votre curiosité quant à cette plante épatante ! Vous en voulez plus ? Sachez que vous pouvez visiter la plus grande bambouseraie d’Europe, la bambouseraie des Cévennes. D’une superficie de 34 ha, elle a été créée il y a 160 ans à partir de bambou importé d’Asie ! Forêt, labyrinthe, village, serre, jardinerie… c’est un vrai parc de loisir. Si vous y allez, racontez-nous ;) |
Aurélie Valéry |