"En voiture Simone !" . Cette expression, qui rend hommage à Simone de Pinet de Borde des Forest, la populaire pilote de rallye française des années 30, traduit bien l'enthousiasme qu'il y a à démarrer un trajet en voiture. Aujourd'hui, LundiCarotte décortique notre rapport à l'automobile, et sans surprise pour les ceux qui nous connaissent, explore les alternatives au "tout voiture".

A toute berzingue !

Le 8 juin 2020
"En voiture Simone !" . Cette expression, qui rend hommage à Simone de Pinet de Borde des Forest, la populaire pilote de rallye française des années 30, traduit bien l'enthousiasme qu'il y a à démarrer un trajet en voiture. Aujourd'hui, LundiCarotte décortique notre rapport à l'automobile, et sans surprise pour les ceux qui nous connaissent, explore les alternatives au "tout voiture".
Vignette de l'article A toute berzingue !

Quand l’État enclenche la seconde

Le gouvernement français, grâce à la Loi d'orientation des mobilités (LOM) promulguée le 24 décembre 2019, prévoit la disparition de la vente de voitures thermiques d'ici 2040. Cela veut dire que les véhicules utilisant des énergies fossiles ne sortiront plus des usines. L’État veut franchir une première étape en 2030, en réduisant les émissions totales de GES émises par les voitures en France de 37,5 %.
Cette loi se concentre sur quatre axes :
  • la transition écologique, en réduisant les gaz à effets de serre ;
  • la dépendance liée à la voiture individuelle (modèle classique), en trouvant des alternatives comme le covoiturage, les transports en commun et autres ;
  • le développement de nouvelles solutions de mobilités comme les vélos ou trottinettes électriques ;
  • la modernisation des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux.

Un duel de (pare) choc

C’est un fait, nous vivons entourés de voitures. En 2019, le parc automobile français était constitué de 44 millions de véhicules. Les voitures essence et diesel y représentent aujourd'hui près de 98 % des ventes de véhicules neufs, ainsi seuls 2 % des véhicules vendus sont électriques et hybrides. La voiture thermique produit 3,3 tonnes d’équivalent CO2 (tCO2eq) lors de sa fabrication. À l’utilisation, elle émet 18,26 tCO2eq (pour une durée de vie moyenne de 150 000 km). Ainsi, la voiture thermique, en comptant sa fabrication et son utilisation, a un bilan total de 22 t CO2eq.
La voiture thermique pose aussi le problème de l’émission de particules fines. À toutes fins utiles, revenons sur la différence entre les GES et les particules fines.
Les GES sont des gaz qui absorbent une partie des rayons solaires en les redistribuant sous forme de radiations au sein de l'atmosphère terrestre. Ce phénomène est appelé effet de serre. On compte plus de 40 GES, dont le plus connu est le dioxyde de carbone (CO2) issu de la respiration animale ou de la combustion des énergies fossiles (pétrole, charbon) et de la biomasse. Les émissions GES ont un impact sur le climat et ont un enjeu environnemental (EN).
Les particules fines sont une catégorie de particules en suspension dans l’air ambiant. Elles peuvent être d’origine naturelle (notamment les éruptions volcaniques) ou liées à l’activité humaine, en particulier les rejets de l’industrie (fumées et poussières), de l’agriculture intensive, des modes de chauffage par combustion (bois, charbon, fuel…) et des moyens de transport (principalement les gaz d’échappement des moteurs à explosion). Elles sont toxiques, s’infiltrent profondément dans les voies respiratoires et forment donc un enjeu sanitaire.
Enfin, la voiture thermique émet une pollution sonore également néfaste pour la santé. En Europe 70 % de la pollution sonore est liée à la circulation routière.
« En Europe, 70 % de la pollution sonore est liée à la circulation routière. »
La voiture électrique, quant à elle, émet 6,57 tonnes lors de sa fabrication en équivalent CO2 et pour une durée de vie équivalente. En roulant, la voiture consomme des kilowattheures (électriques) qui, en France, du fait de la part importante de nucléaire dans le mix électrique, représentent relativement peu de GES. En tenant compte de sa fabrication et son utilisation (150 000 km), son bilan s’élève à 9 tonnes équivalent CO2.
Le plus grand problème environnemental que pose la voiture électrique est sa batterie, composée de métaux rares comme le lithium, le cobalt ou le graphite. Ceux-ci sont au cœur d'enjeux sociaux du fait des zones dans lesquelles se trouvent ces ressources, mais également environnementaux : leur extraction demande une quantité importante d’énergie et le processus de transformation acidifie les terres et affecte les ressources naturelles environnantes.
Si nous étions contraints de choisir une voiture, nous opterions sans doute pour la voiture électrique. En effet, elle émet 69 % (EN) moins de CO2 durant la totalité de son cycle de vie et ne génère ni particules fines, ni de pollution sonore.
Certes, son prix est généralement plus élevé que celui d’une voiture thermique, mais de nombreuses aides sont mises en place, comme le bonus écologique de 5 000 euros. Et puis, il sera toujours possible d’amortir le prix d’achat, puisque, sur le long terme, la voiture électrique présente des coûts inférieurs au niveau du “carburant” (recharges) et de l’entretien.
Si vous ne savez pas encore pour quel modèle vous décider, le site Carlabelling de l’ADEME permet d’évaluer les véhicules, de découvrir les modèles les moins et les plus polluants en faisant des simulations.

Qui est-ce qui a la plus grosse ?

Surprise, surprise… Plus nous avançons dans le temps, plus les véhicules deviennent lourds. En 1960, les véhicules pesaient en moyenne 778 kg contre 1 262 kg en 2017, soit une prise de poids de +62 %.
Mais pourquoi donc ? La Rédac’ a beau chercher, elle ne trouve aucune raison scientifique à cette évolution. Selon l’ONG Greenpeace (EN), le nombre de 4x4 (ces grosses voitures aussi nommées SUV) a été multiplié par plus de quatre au cours des 10 dernières années, passant à 32 % de la flotte automobile en 2018 en Europe.
Dans l’absolu, on n’aurait rien à redire aux amateurs de grosses voitures, si ce n’est que l’augmentation des ventes de SUV est l’une des principales raisons expliquant l’absence de progrès dans la réduction des émissions de CO2. En effet, malgré l’amélioration des moteurs, l’accroissement pondéral a annulé les gains de performances et a fait augmenter les émissions de GES.
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Comparaison entre certains modèles 4x4 et berlines - Le Parisien

Rien ne sert de courir, il faut partir à point

En 2017 les automobilistes français ont parcouru 756 milliards de km en voiture par an. Qu’elles soient électriques ou non, légères ou pas, les voitures polluent et s'entassent dans les périphéries des grandes villes. La vraie bonne solution serait alors de rouler moins, peu ou pas du tout.
D'ailleurs, comme le calculait ironiquement Ivan Illich dans les années 1970, en ajoutant au temps derrière le volant le temps de travail nécessaire à financer sa voiture, la vitesse moyenne de celle-ci (distance divisée par temps) atteint seulement 6 km/h. Et on n'est pas sûr qu'en refaisant le calcul aujourd'hui, le résultat soit bien meilleur, au vu des embouteillages dans les grandes agglomérations.
Une étude menée en 2006 à Montréal confirmait d’ailleurs que s’occuper d’une voiture est à la fois chronophage et onéreux. Devant un tel constat, LundiCarotte vous propose de repenser la manière dont l’on se déplace encore majoritairement en France.
Pour cela, on peut se pencher sur le concept "d'altermobilité" forgé par le sociologue Bruno Marzloff en 2005. Il désigne un nouveau rapport à la mobilité, où l’on ne choisirait plus uniquement son moyen de transport en fonction du temps et de la vitesse. Marzloff parle alors d'une « mobilité qui prend son temps ».
Ainsi, devenir altermobile, c'est remettre en cause un rapport privilégié à la voiture qui s'est construit dans la deuxième moitié du XXe siècle jusqu'à apparaître aujourd'hui à la fois comme un symbole de liberté et un rite de passage à l'âge adulte. Les publicités confortent cet imaginaire en nous montrant des voitures circulant à toute vitesse dans des déserts automobiles... chose bien rare de nos jours !
« Devenir altermobile, c'est remettre en cause un rapport privilégié à la voiture qui s'est construit dans la deuxième moitié du XXe siècle. »
Avec l'altermobilité, il ne s'agit pas de renoncer complètement à la voiture. De toute façon, ce serait impossible pour un grand nombre de personnes soumises à des contraintes professionnelles, familiales ou résidentielles. En effet, 32 % des ménages vivant dans de grandes agglomérations et 83 % dans des communes rurales disent ne pas avoir d’autre choix que de se servir de leur voiture au quotidien.
Donc, sans bannir la voiture individuelle, il s'agit de faire un peu de place, quand les conditions le permettent, au covoiturage, à l’autopartage ou au vélo. Certaines communes soutiennent d'ailleurs ces initiatives, comme Brest, Nantes et Rennes, qui ont mis en place une plate-forme mutualisée pour le covoiturage de proximité.
De même, la Loi d’orientation des mobilités de mai 2020 a introduit un forfait mobilité durable exonéré d’impôt qui permet aux entreprises de verser une contribution de 400 € par an aux salariés se rendant au travail en transports “alternatifs”.
Concernant le vélo, nous vous invitons à (re)lire ses mérites dans notre article qui lui est dédié.
Une autre solution serait bien entendu d’utiliser davantage les transports en commun. Hélas, pour le moment, leur prix semble être un obstacle à leur usage quotidien, selon un sondage mené par le journal Wedemain. Le prix du ticket à l'unité va en effet de 1,20 € à Lyon à 1,90 € à Paris et celui des abonnements annuels de 327 euros à Nice à 827 euros pour le passe Navigo parisien. Sans compter que deux Français sur cinq vivent dans des zones non desservies par les transports publics.
L'altermobilité invite aussi à penser les déplacements de manière intermodale, c'est-à-dire en combinant plusieurs moyens de transport au cours d'un même voyage.
C’est bien beau tout ça, mais comment fait-on pour changer de moyen de transport ? De plus en plus de villes ont mis en place des espaces capables d'accueillir les vélos dans les bus et métros et des parkings relais qui permettent aux automobilistes de stationner à l'entrée d'une ville et de continuer leur trajet en transports en commun ou à vélo. Si vous habitez Lyon, Marseille, Rennes, Strasbourg ou Bordeaux, il est donc temps d’en profiter !
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Quand les villes françaises se mettent à l’intermodalité ! - Assises de la mobilité

L’herbe est-elle plus verte dans le jardin d’à côté ?

Plus récemment encore, on commence à parler de “proximobilité” pour désigner la possibilité de se déplacer presque exclusivement au moyen de transports doux grâce à la présence de commerces et services à proximité de chez soi. Si une telle idée demande de repenser l'urbanisme, elle est considérée comme la seule solution pour respecter l’objectif de réduire par quatre les émissions de gaz à effet de serre nationales d’ici 2050.
La proximobilité reflète aussi l’aspiration de nombreux Français à une meilleure qualité de vie. Ainsi, beaucoup seraient prêts à renoncer à leur voiture dès lors qu’ils disposeraient d’alternatives plus viables sur le plan économique. Si cette perspective peut sembler utopique ou rétrograde, elle invite à repenser notre environnement proche et, pourquoi pas, à (re)découvrir notre département et notre région.

Les AstuceCarotte pour rouler durable :

  • S’il n’y a pas d’autres choix que la voiture, privilégier la voiture électrique
  • Rouler moins, peu ou pas du tout
  • Se renseigner sur les possibilités intermodales dans sa ville et investir dans un vélo ou dans un abonnement de vélo en libre-service
  • Lorsque la voiture est inévitable, aller jeter un coup d’œil sur les sites de covoiturage comme Blablacar, ID Vroom et E-Covoiturage et d’autopartage avec la coopérative Citiz.
  • Finalement, faire autant que possible ses achats localement, ça permet d’y aller à pied ou à vélo et de respirer un peu d’air !
Terminus, tout le monde descend. Nous commencions notre article par sortir du tiroir une expression, quoi de plus naturelle que de finir avec. Notez qu'on ne vous a pas fait le coup de la panne en plein milieu. Sur ce, nous vous souhaitons une belle semaine à repenser vos kilomètres hebdomadaires !
Alice Leleu et Mohamed Youssouf
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